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25/05/2023 | FRANCE | N°21BX00031

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 25 mai 2023, 21BX00031


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de la Martinique :

- d'annuler la décision n° 920 du 21 juin 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire de Martinique (CHUM) a retiré la décision du 26 février 2019 portant annulation des décisions nos 1733 et 1734 du 8 novembre 2016 la nommant en qualité d'attachée d'administration et lui accordant le bénéfice de l'indemnité forfaitaire de travaux supplémentaires (IFTS) à compter du 10 mars 2016, des décisions nos 961 e

t 962

du 3 juillet 2017 lui accordant une reprise d'ancienneté à compter du 10 ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de la Martinique :

- d'annuler la décision n° 920 du 21 juin 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire de Martinique (CHUM) a retiré la décision du 26 février 2019 portant annulation des décisions nos 1733 et 1734 du 8 novembre 2016 la nommant en qualité d'attachée d'administration et lui accordant le bénéfice de l'indemnité forfaitaire de travaux supplémentaires (IFTS) à compter du 10 mars 2016, des décisions nos 961 et 962

du 3 juillet 2017 lui accordant une reprise d'ancienneté à compter du 10 mars 2016 et la titularisant à compter du 10 mars 2017, et de la décision n° 1084 du 10 septembre 2018

la reclassant à compter du 1er janvier 2017 ;

- d'annuler la décision n° 921 du 21 juin 2019 par laquelle le directeur du CHUM a retiré la décision n° 322 du 27 février 2019 reconstituant sa carrière ;

- d'annuler la décision du 26 août 2019 par laquelle le directeur du CHUM a rejeté son recours gracieux ;

- d'enjoindre au CHUM d'exécuter les décisions nos 374, 375, 376 et 377

du 14 avril 2016 par lesquelles le directeur du CHUM l'a nommée en qualité d'attachée d'administration hospitalière stagiaire à compter du 1er janvier 2013, lui a accordé le bénéfice de l'IFTS et de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) à compter de la même date, et l'a titularisée à compter du 1er janvier 2014.

Par un jugement n° 1900641 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 janvier 2021

et 28 septembre 2022, Mme C..., représentée par Me Catol, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique

du 22 octobre 2020 ;

2°) d'annuler les décisions nos 920 et 921 du 21 juin 2019, ainsi que la décision

de rejet de son recours gracieux en date du 26 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au CHUM d'exécuter les décisions du 14 avril 2016 ;

4°) de mettre à la charge du CHUM la somme de 4 500 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle ne pouvait se prévaloir de la transaction signée le 12 avril 2016 avec le CHUM au motif qu'elle ne l'aurait pas respectée en ne se désistant pas de son recours en annulation du concours sur titres de 2013, car c'est le CHUM lui-même qui, dans le cadre de ce recours, a déclaré ne plus consentir à la transaction et se rétracter de ses conclusions à fin d'homologation, après avoir commencé à exécuter la transaction ; elle a été empêchée de se désister de son recours devant le tribunal administratif par la rétractation du CHUM, qui est la seule cause du défaut de réciprocité dans l'exécution de la transaction ;

- en tout état de cause, le CHUM ayant commencé à exécuter le contrat, ce qui a produit des effets matériels, le fait qu'il l'a dénoncé ensuite ne saurait conduire à qualifier la transaction d'" acte inexistant ", alors que le tribunal n'a pas soulevé d'office cette qualification ; en exécutant, même partiellement, la transaction après le jugement du 12 décembre 2017 qui a rejeté sa demande d'annulation du concours, le CHUM a exprimé sa volonté de maintenir les effets de celle-ci ; par suite, les actes pris sur le fondement de la transaction ne peuvent être déclarés inexistants et conservent leur qualité d'actes créateurs de droit ne pouvant être retirés au-delà d'un délai de quatre mois ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, sa nomination en qualité d'attachée d'administration stagiaire à compter du 10 mars 2016 par décision du 8 novembre 2016 ne la plaçait pas dans une situation légale et réglementaire excluant toute possibilité de se prévaloir de la transaction, dès lors que celle-ci a continué à produire des effets en étant partiellement exécutée, et que le jugement du 12 décembre 2017 n'a pas refusé d'homologuer la transaction, ni ne l'a déclarée entachée d'illicéité ;

- les trois décisions du 3 juillet 2017 et du 10 septembre 2018 (titularisation avec reprise d'ancienneté et reclassement) ne lui ayant jamais été notifiées, elles ne peuvent légalement lui être opposées ;

- le CHUM ne pouvait en l'espèce retirer des actes individuels créateurs de droit à son profit, dès lors qu'il s'agissait de décisions légales ;

- les décisions du 21 juin 2019 sont entachées de détournement de pouvoir et de procédure dès lors que la transaction avait été validée par un commencement d'exécution par le CHUM ; si le CHUM fait valoir que le trésorier n'aurait pas versé les sommes qui lui étaient dues en vertu de la transaction en raison de l'incompétence de l'auteur de la transaction, cela n'est pas démontré, alors que le trésorier n'a émis aucune objection lors du contrôle des pièces permettant la liquidation de la dépense ; les délégations de signature versées aux débats montrent au contraire que M. B... était compétent pour signer la transaction.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 8 octobre 2021 et le 9 décembre 2022, le CHUM, représenté par la société Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la transaction conclue le 12 avril 2016 est illicite dès lors que Mme C..., qui avait échoué au concours organisé en 2015, ne pouvait percevoir les avantages liés à sa réussite, et qu'elle ne comporte aucune concession de la part de Mme C... ; en outre, elle a été signée par le directeur des ressources humaines qui n'avait pas compétence pour conclure des transactions au nom du CHUM ; les décisions des 26 et 27 février 2019 prises pour l'exécution de la transaction étaient ainsi illégales et pouvaient être retirées dans le délai de quatre mois suivant leur édiction ;

- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C... occupait depuis le 1er juin 2008 les fonctions d'attachée d'administration hospitalière en qualité d'agent non-titulaire sous contrat à durée indéterminée au centre hospitalier universitaire de Martinique (CHUM). Elle s'est présentée au concours réservé d'attaché d'administration hospitalière organisé en 2015 au titre de l'année 2013, auquel elle n'a pas été admise. Elle a saisi le tribunal administratif de la Martinique de deux recours aux fins d'obtenir, d'une part, la suspension de la nomination des quatre candidats admis et, d'autre part, l'annulation des opérations de ce concours. Son recours en référé a été rejeté par une ordonnance du 7 septembre 2015 du juge des référés de ce tribunal.

2. Par une transaction signée le 12 avril 2016, Mme C... s'est engagée à se désister de son recours en annulation du concours en contrepartie de la réparation des préjudices qu'elle avait subis du fait de sa non-admission, et le CHUM, représenté par son directeur des ressources humaines, s'est engagé à la nommer en qualité d'attachée d'administration hospitalière stagiaire à compter du 1er janvier 2013, à la titulariser dans ce cadre d'emploi à compter du 1er janvier 2014, à lui accorder la prime de service pour les années 2013 à 2015, ainsi que l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) et une nouvelle bonification indiciaire (NBI) de 25 points à compter du 1er janvier 2013, à lui verser une indemnisation forfaitaire pour un préjudice moral et matériel caractérisé par

le fait d'avoir dû repasser en février 2016 le concours " déjà réussi ", et enfin à lui

rembourser 7 595 euros de frais d'avocat et de procédure. Par quatre décisions

du 14 avril 2016, le CHUM a nommé Mme C... en qualité d'attachée d'administration hospitalière stagiaire à compter du 1er janvier 2013, lui a accordé le bénéfice de l'IFTS et de la NBI à compter de la même date, et l'a titularisée à compter

du 1er janvier 2014. Toutefois, le 3 juin 2016, le CHUM a déclaré ne plus consentir à la transaction et s'est rétracté des conclusions à fin d'homologation qu'il avait présentées devant le tribunal. La demande d'annulation des opérations du concours présentée par

Mme C... a été rejetée par un jugement n° 1500344 du 12 décembre 2017.

3. Afin de tirer les conséquences de l'admission de Mme C... à un nouveau concours réservé, le directeur général du CHUM l'a nommée en qualité d'attachée d'administration hospitalière stagiaire et lui a octroyé le bénéfice de l'IFTS à compter

du 10 mars 2016 par deux décisions du 8 novembre 2016, lui a accordé une reprise d'ancienneté et a prononcé sa titularisation à compter du 10 mars 2017 par deux décisions

du 3 juillet 2017, et enfin l'a reclassée par avancement d'échelon à compter

du 1er janvier 2017 par une décision du 10 septembre 2018.

4. Par lettre du 26 novembre 2018, Mme C... a mis en demeure le CHUM d'exécuter la transaction en prenant en compte les décisions du 14 avril 2016 dans le système de gestion des ressources humaines, et en lui versant une somme totale de 30 198,56 euros au titre des rappels de traitement, primes, indemnités et autres frais stipulés dans cette transaction. Le directeur général du CHUM a d'abord rejeté sa demande par lettre

du 22 janvier 2019, puis a changé de position en indiquant qu'il exécuterait la transaction par un courrier du 22 février 2019. Au visa de la transaction du 12 avril 2016, le CHUM a alors, d'une part, par une décision du 26 février 2019, retiré les décisions du 8 novembre 2016,

du 3 juillet 2017 et 10 septembre 2018 mentionnées au point précédent, et d'autre part, par une décision du 27 février 2019, reconstitué la carrière de Mme C... à compter d'une nomination en qualité d'attachée d'administration hospitalière stagiaire au 1er janvier 2013.

5. Toutefois, à la suite du refus du trésorier du CHUM de verser les sommes résultant de l'exécution de ces deux décisions des 26 et 27 février 2019, le directeur général

de l'établissement les a retirées par deux décisions en date du 21 juin 2019. Par une lettre

du 30 juillet 2019, Mme C... a sollicité le retrait de ces deux dernières décisions

et l'exécution des quatre décisions du 14 avril 2016. Cette demande ayant été rejetée

le 26 août 2019, elle a demandé au tribunal administratif d'annuler les décisions

du 21 juin 2019 et du 26 août 2019, et d'enjoindre au CHUM d'exécuter les décisions

du 14 avril 2016. Elle relève appel du jugement du 22 octobre 2020 par lequel le tribunal

a rejeté sa demande et réitère en appel les mêmes conclusions.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droit de sa propre initiative ou sur demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de la décision. ".

7. Mme C... fait valoir que les décisions des 26 et 27 février 2017, prises pour l'exécution de la transaction signée le 12 avril 2016, étaient légales et ne pouvaient être retirées au-delà d'un délai de quatre mois, s'agissant de décisions individuelles créatrices de droit.

8. Il appartient au juge administratif de vérifier que les parties consentent effectivement à la transaction, que l'objet de celle-ci est licite, qu'elle ne constitue pas de la part de la collectivité publique une libéralité et ne méconnaît pas d'autres règles d'ordre public.

9. D'une part, alors que le directeur de l'établissement détient, en application de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, le pouvoir de transiger, les délégations établies au bénéfice de M. B..., directeur des ressources humaines, ne l'autorisaient pas à signer les transactions. D'autre part, la transaction accorde à Mme C... des avantages financiers sur le fondement d'une réussite au concours organisé au titre de l'année 2013 alors qu'elle avait échoué, ayant obtenu une note moyenne inférieure à celles des candidats admis, et prévoit même des avantages auxquels une admission au concours ne lui aurait pas ouvert droit, notamment une nomination rétroactive en qualité d'attachée stagiaire à compter du 1er janvier 2013. La transaction, entachée d'incompétence et illicite, ne pouvait donc légalement engager le CHUM. Les décisions du 26 et 27 février 2019 prises pour l'exécution de cette transaction étaient ainsi illégales et pouvaient être retirées par le directeur général du CHUM le 21 juin 2019, soit dans le délai de quatre mois prévu à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration.

10. En second lieu, Mme C... n'ayant aucun droit aux libéralités prévues par la transaction, les moyens tirés de ce que les décisions du 21 juin 2019 seraient entachées de détournement de pouvoir et de détournement de procédure ne peuvent qu'être écartés.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHUM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme C... réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, il a lieu de mettre à la charge de Mme C... une somme 1 500 euros au titre des frais exposés par le CHUM.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Mme C... versera au CHUM la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au centre hospitalier universitaire de Martinique.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Anne Meyer, présidente,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,

M. Olivier Cotte, premier conseiller

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2023.

La rapporteure,

Florence Rey-Gabriac

La présidente,

Anne Meyer

Le greffer,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00031 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00031
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MEYER
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : CATOL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-25;21bx00031 ?
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