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23/05/2023 | FRANCE | N°22BX02186

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 23 mai 2023, 22BX02186


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 29 mars 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2100426 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 29 mars 202

1 et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à M. A... un titre de séjour po...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 29 mars 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2100426 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 29 mars 2021 et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 août 2022, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2022 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe.

Il soutient que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui a été retenu par les premiers juges pour prononcer l'annulation de son arrêté n'est pas fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2022, régularisé par un mémoire enregistré le 9 février 2023, M. A..., représenté par Me Bâ, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à tout le moins de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à ce que soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par le préfet de la Guadeloupe ne sont pas fondés ;

- le préfet dû être procéder à la consultation de la commission du titre de séjour ;

- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français, dépourvue de base légale, est insuffisamment motivée, n'a pas été prise à l'issue d'un examen sérieux de sa situation personnelle, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français, privée de base légale, est insuffisamment motivée ; le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée pour édicter cette mesure ; cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Agnès Bourjol,

- et les observations de Me Bâ, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant haïtien né le 24 janvier 1955, déclare être entré sur le territoire français le 18 juillet 1988. Par un premier jugement n° 1800767 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé la décision implicite née le 7 juillet 2018 par laquelle le préfet de la Guadeloupe a rejeté sa demande de titre de séjour présentée le 7 mars 2018 et a enjoint au préfet de procéder à un réexamen de cette demande dans un délai de deux mois. Par un deuxième jugement n° 2000198 du 29 décembre 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé la décision implicite née le 25 mai 2019 par laquelle le préfet de la Guadeloupe a rejeté la demande titre de séjour à nouveau présentée le 25 janvier 2019 par M. A..., et lui a enjoint de procéder à un réexamen de sa demande dans un délai de deux mois. Par un arrêté du 29 mars 2021, le préfet de la Guadeloupe a refusé de délivrer un titre de séjour à l'interessé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par jugement du 6 juillet 2022, dont le préfet de la Guadeloupe relève appel, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé ce dernier arrêté et enjoint au préfet de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Si le préfet soutient que les éléments produits relatifs à la présence de M. A... en France depuis 1988 sont dépourvus de valeur probante, l'intéressé démontre toutefois, par les nombreuses pièces versées au dossier, résider habituellement en France depuis seize années à la date de l'arrêté en litige. En outre, M. A... a obtenu de l'autorité préfectorale des autorisations provisoires de séjour valables du 9 décembre 2010 au 9 mai 2011, du 15 mai au 11 août 2011, du 22 août 2011 au 27 janvier 2012, du 10 décembre 2013 au 9 avril 2014, du 2 octobre 2014 au 22 janvier 2015, du 22 janvier au 25 juin 2015, du 26 novembre 2015 au 25 février 2016, du 7 septembre 2016 au 6 juin 2017, et du 25 janvier au 22 juillet 2019, ainsi que deux titres de séjour, à raison de son état de santé, valables du 12 mars 2012 au 11 décembre 2012 et du 12 décembre 2012 au 11 septembre 2013. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé a créé une microentreprise de vente ambulante de fruits et légumes, immatriculée au registre du commerce et de l'industrie depuis avril 2017, activité professionnelle générant un revenu conséquent, ainsi qu'en atteste son avis d'imposition 2021 sur les revenus de l'année 2020. Dans ces conditions, et alors même que M. A... est célibataire et sans enfants, compte tenu de son âge à la date de l'arrêté attaqué, soit 66 ans, de la durée significative de sa présence en France, pour partie en situation régulière, et de son insertion professionnelle, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, le préfet de la Guadeloupe avait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé son arrêté du 29 mars 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, c'est à bon droit que les premiers juges ont enjoint au préfet de la Guadeloupe, au point 5 du jugement attaqué, de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur les frais d'instance :

6. M. A... a été maintenu, en appel, au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que le conseil de M. A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 300 euros à Me Bâ au titre des frais non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Guadeloupe est rejetée.

Article 2 : L'injonction prononcée à l'article 2 du jugement attaqué est assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard dans les conditions fixées au point 5 du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Bâ la somme de 1 300 euros au titre des dispositions combinées de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Guadeloupe, à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2023.

La rapporteure,

Agnès BOURJOL

La présidente,

Marie-Pierre BEUVE DUPUY

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22BX02186 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02186
Date de la décision : 23/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : BA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-23;22bx02186 ?
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