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23/05/2023 | FRANCE | N°22BX02001

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 23 mai 2023, 22BX02001


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2022 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2022 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligati

on de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2022 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2022 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement nos 2200529, 2200530 du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2022 sous le n° 22BX02001, M. D..., représenté par Me Ménard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 8 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Vienne du 21 janvier 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière, à défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle, la préfète de la Vienne s'étant crue liée par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à la préfète de la Vienne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II. Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2022 sous le n° 22BX02003, Mme C..., représentée par Me Ménard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 8 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Vienne du 21 janvier 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière, à défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du premier alinéa de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à la préfète de la Vienne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. D... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 29 septembre 2022.

Par ordonnances du 21 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 janvier 2023 à 12h00, dans ces deux instances.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Agnès Bourjol a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... et Mme C..., ressortissants géorgiens nés respectivement le 6 février 1981 et le 1er avril 1985, déclarent être entrés en France le 1er novembre 2018, accompagnés de leurs deux enfants, dont l'aîné est décédé le 28 novembre 2018. Ils ont déposé des demandes d'asile, qui ont été rejetées par des décisions du 25 octobre 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Le recours formé par M. D... devant la Cour nationale du droit d'asile a été rejeté par une décision du 14 février 2020. Par des arrêtés du 11 mai 2020, la préfète de la Vienne leur a fait obligation de quitter le territoire français. Le 30 août 2021, M. D... a déposé une demande de titre de séjour en raison de son état de santé. Le 20 septembre 2021, Mme C... a déposé une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par deux arrêtés du 21 janvier 2022, la préfète de la Vienne a refusé de leur délivrer les titres de séjour sollicités, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D... et Mme C... relèvent appel du jugement du 8 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Par des requêtes enregistrées sous les numéro 22BX02001 et 22BX02003, M. D... et Mme C... relèvent appel du jugement du 8 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.

2. Les requêtes enregistrées sous les nos 22BX02001 et 22BX02003 sont relatives aux membres d'une même famille et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation des arrêtés en litige par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Vienne n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. D... et Mme C.... En particulier, s'agissant de M. D..., il ressort des termes même de la décision en litige que la préfète de la Vienne ne s'est pas crue liée par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ".

6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. D... souffre d'un rétrécissement aortique calcifié, d'une valvulopathie et d'un artériopathie des membres inférieurs. Par un avis du 24 août 2021, le collège des médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Pour contester cet avis, M. D... produit en appel comme en première instance un compte-rendu de consultation et d'examen de septembre 2020 et une attestation d'un médecin généraliste du 15 février 2022 se bornant à énumérer les différentes pathologies dont est atteint l'intéressé et à indiquer, sans autre précision, que le suivi dont il a besoin " n'est pas accessible [au regard] de ses ressources et de ses antécédents dans son pays d'origine ". Toutefois, cette seule indication imprécise n'est pas suffisante pour établir que M. D... ne peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Géorgie. Par suite, en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, la préfète de la Vienne n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, la décision de refus de séjour n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. D... et Mme C... ont déclaré être entrés sur le territoire français en novembre 2018, accompagnés de leurs deux enfants, dont l'un d'eux est décédé quelques jours après leur arrivée en France. Ils se prévalent de leur volonté d'intégration, et produisent à ce titre des attestations, au demeurant postérieures aux arrêtés litigieux, établissant qu'ils ont suivi des cours de langue française, que M. D... s'est investi dans des activités bénévoles depuis avril 2019 et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche en qualité de menuisier. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas, à eux seuls, à caractériser une insertion particulière dans la société française, en l'absence de liens personnels anciens, stables et intenses. En outre, ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine, où ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de 37 et de 33 ans et où la cellule familiale a vocation à se reconstituer. Enfin, s'ils font valoir que leur fils, né le 24 août 2015, est scolarisé en France et que leur troisième enfant est née le 11 juillet 2019 sur le territoire français, rien ne s'oppose, au regard du jeune âge des enfants, à une poursuite de leur scolarité en Géorgie. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. Eu égard à la situation décrite au point 9, et en particulier à l'absence de circonstance faisant obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Géorgie et à ce que les enfants des requérants y poursuivent leur scolarité, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

12. En sixième lieu, il résulte de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission du titre de séjour instituée dans chaque département est saisie par l'autorité administrative, notamment, lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. En l'espèce, et compte tenu de ce qui a été dit, M. D... et Mme C... ne sont pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions sur lesquelles étaient fondées leurs demandes de titres de séjour. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que la préfète de la Vienne était tenue de saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur leur droit au séjour.

13. En dernier lieu, si les appelants reprennent leur moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ils n'apportent aucun élément de droit ou de fait nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation du tribunal, qui a pertinemment relevé qu'en se bornant à alléguer avoir été victimes de violences, ils n'établissaient pas être effectivement et personnellement exposés à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Géorgie. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 21 janvier 2022 de la préfète de la Vienne. Par suite, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. D... et Mme C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2022.

La rapporteure,

Agnès BOURJOL

La présidente,

Marie-Pierre BEUVE DUPUY

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Nos 22BX02001, 22BX02003 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02001
Date de la décision : 23/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : MENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-23;22bx02001 ?
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