Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a demandé au tribunal administratif de Limoges de fixer définitivement, en application de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, le montant de la dette de l'Etat à l'égard de M. A... B... au titre de la réparation de son préjudice né du défaut d'affiliation aux régimes général et complémentaire de retraite dans l'exercice de son mandat sanitaire à la somme de 103 662, 92 euros.
Par un jugement n° 1800262 du 28 décembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a fixé le montant définitif de la dette de l'Etat au titre de la réparation du préjudice causé à M. B... du fait de l'absence de son affiliation aux régimes général et complémentaire de retraite dans l'exercice de son mandat sanitaire à la somme de 103 662,92 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2013.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1 mars 2021, M. B..., représentée par Me Richard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 décembre 2020 ;
2°) de fixer définitivement le montant de la dette de l'Etat à 149 507, 08 euros, à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2012, date de réception de sa demande à l'administration ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'évaluation de son préjudice doit tenir compte des salaires qu'il a perçus au titre du mandat sanitaire exercé avant 1990 mais versés au cours des années 1990 à 1992 ; il justifie du versement de ces revenus ; la date de versement de ces revenus est sans incidence sur leur qualification de salaires et, par suite, sur l'obligation de l'Etat de cotiser auprès des organismes de retraite ; sur ce point, le tribunal a commis une erreur de droit ;
- les premiers juges n'ont pas analysé l'ensemble des éléments qu'il avait produits pour justifier des revenus tirés de l'exercice de son mandat sanitaire et versés au cours des années 1990 à 1992 ;
- il a évalué son préjudice en appliquant les modalités de calcul des organismes de retraite ; son chiffrage doit ainsi être retenu ; c'est à tort que le tribunal a estimé que seuls les documents établis par ces organismes de retraire pouvaient servir de base de calcul de son préjudice ;
- son préjudice s'élève à 149 507, 08 euros, sauf à parfaire au regard d'une modification du taux de rachat des cotisations sociales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2022, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés et se rapporte à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pèche maritime ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 89-412 du 22 juin 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a exercé la profession de vétérinaire à titre libéral jusqu'au 1er octobre 2014, date de son admission à la retraite. Il a accompli, à compter de l'année 1977, dans les départements de la Creuse, de la Haute-Vienne et de l'Indre, des actes de prophylaxie collective et de police sanitaire en vertu d'un mandat sanitaire dont il avait été investi, rémunérés par l'Etat. Le 20 novembre 2012, il a sollicité l'indemnisation des préjudices résultant de son absence d'affiliation au régime général de sécurité sociale ainsi qu'à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) pendant la période au cours de laquelle il avait exercé des missions au titre de son mandat sanitaire, soit du 2 mars 1977 au 31 décembre 1989. Il a refusé la proposition d'indemnisation qui lui a été faite par l'Etat.
2. Par une ordonnance n° 1601724 du 18 décembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat à verser à M. B... une provision de 149 507, 08 euros en réparation du préjudice subi du fait du défaut de versement des cotisations patronales au régime général d'assurance vieillesse et au régime de retraite complémentaire auxquels il devait être affilié en raison de l'activité exercée au titre de son mandat sanitaire.
3. En application des dispositions de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, en vertu desquelles la personne condamnée au paiement d'une provision peut saisir le juge du fond d'une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette si le créancier n'a pas introduit de demande au fond, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a demandé au tribunal administratif de Limoges de fixer définitivement le montant de sa dette à l'égard de M. B.... Par un jugement du 28 décembre 2020, le tribunal, faisant droit à la demande du ministre, a fixé le montant définitif de la dette de l'Etat au titre de la réparation du préjudice causé à M. B... du fait de l'absence de son affiliation aux régimes général et complémentaire de retraite dans l'exercice de son mandat sanitaire à la somme de 103 662,92 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2013. M. B... relève appel de ce jugement et demande à la cour de fixer définitivement le montant de cette dette de l'Etat à la somme 149 507, 08 euros.
4. En vertu des dispositions de l'article 215-8 du code rural issues de l'article 10 de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural ainsi que certains articles du code de la santé publique, reprises jusqu'à l'ordonnance n° 2011-863 du 22 juillet 2011 relative à la modernisation des missions des vétérinaires titulaires d'un mandat sanitaire à l'article L. 221-11 du code rural et de la pêche maritime, puis, en substance, à l'article L. 203-11 de ce code : " [Les rémunérations perçues au titre de l'exercice du mandat sanitaire] sont assimilées, pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une activité libérale. Ces dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 1990 ". Jusqu'à cette date, les vétérinaires titulaires d'un mandat sanitaire devaient être regardés comme des agents non titulaires de l'Etat relevant du régime général de la sécurité sociale en application de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale ainsi que du régime de retraite complémentaire des agents publics non titulaires de l'Etat. A ce titre, l'Etat avait l'obligation, dès la date de prise de fonction, d'assurer leur immatriculation à la caisse primaire de sécurité sociale ainsi qu'à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) en application des dispositions, d'une part, de l'article R. 312-4 du code de la sécurité sociale et, d'autre part, des articles 3 et 7 du décret du 23 décembre 1970 portant création d'un régime de retraite complémentaire des assurances sociales en faveur des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques, et de verser les cotisations correspondant aux rémunérations perçues en vertu des actes de prophylaxie.
5. Il est constant que l'Etat n'a jamais fait procéder à cette immatriculation auprès des organismes de retraite ni versé les cotisations correspondantes durant la période d'activité de M. B.... Par suite, l'Etat, qui ne le conteste d'ailleurs pas, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de l'intéressé. Le préjudice subi par M. B... résulte, d'une part, de l'obligation dans laquelle il se trouve, en vertu de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, de s'acquitter à titre de régularisation des cotisations dues aux organismes de retraite en lieu et place de l'Etat, son employeur, et, d'autre part, du montant minoré de la pension qu'il perçoit au regard de celui auquel il aurait pu prétendre s'il avait été affilié aux régimes de retraite.
6. En premier lieu, il résulte des dispositions issues de l'article 10 de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural que l'ensemble des rémunérations perçues à compter du 1er janvier 1990 par les vétérinaires à raison d'un mandat sanitaire doivent être assimilées à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale, quelle que soit la date de réalisation des prestations auxquelles elles se rapportent. Par suite, et ainsi que l'a jugé le tribunal, il n'y a pas lieu d'intégrer à l'assiette de calcul de l'indemnité de M. B... les rémunérations versées au cours des années 1990, 1991 et 1992 à raison d'activités réalisées dans le cadre du mandat sanitaire antérieurement au 1er janvier 1990.
7. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des documents établis par les organismes de retraite général et complémentaire produits aux débats, qui seuls peuvent servir de base de calcul à l'indemnité due à M. B... nonobstant les reconstitutions effectuées par ce dernier, que l'administration aurait inexactement appliqué les dispositions de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale pour évaluer le préjudice du requérant.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a fixé le montant définitif de la dette de l'Etat à son égard à la somme de 103 662,92 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2013. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2023.
L'assesseur le plus ancien,
Manuel Bourgeois
La présidente,
Marie-Pierre Beuve DupuyLe président,
Didier Artus
La greffière,
Sylvie Hayet
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX00965