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04/05/2023 | FRANCE | N°22BX02032

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 04 mai 2023, 22BX02032


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la préfète de la Vienne l'a assigné à résidence pour une durée de 180 jours.

Par un jugement n° 2103137 du 29 av

ril 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M. B... tendant à l'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la préfète de la Vienne l'a assigné à résidence pour une durée de 180 jours.

Par un jugement n° 2103137 du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour prise à son encontre.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 29 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Vienne du 30 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour retient l'existence d'une menace à l'ordre public en se fondant sur la consultation irrégulière du fichier de traitement d'antécédents judiciaires ;

- cette décision est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation et méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en effet, il souffre d'une hépatite B ainsi que de troubles psychiatriques sévères ; son état de santé a d'ailleurs évolué depuis l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dès lors qu'une pathologie diabétique a été diagnostiquée ; il ne pourra en outre pas bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine ;

- elle est entachée d'erreurs d'appréciation et méconnaît l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son comportement ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- cette décision méconnaît les articles 2,3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il vit en France depuis 13 ans et est inscrit de manière pérenne dans un schéma de soins sur le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 mars 2023, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 30 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen né le 22 septembre 2019, entré sur le territoire français en 2008, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 novembre 2021, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 29 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour prise à son encontre.

2. En premier lieu, l'arrêté litigieux indique, après avoir visé les textes applicables, les périodes au cours desquelles M. B... a bénéficié de titres de séjour en raison de son état de santé, précise les termes de l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 26 octobre 2021 et mentionne qu'il n'est pas établi qu'il lui serait impossible d'accéder aux soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine. Cet arrêté indique en outre, après avoir rappelé les différents signalements dont le requérant a fait l'objet, que le comportement de M. B... constitue une menace à l'ordre public. Il fait enfin état de la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation de la décision de refus de titre de séjour et du défaut d'examen de la situation personnelle du requérant doivent être écartés.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article à l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité : " Il est procédé à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers ainsi que pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux ". Aux termes de l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure : " Un décret en Conseil d'État fixe la liste des enquêtes administratives mentionnées à l'article L. 114-1 qui donnent lieu à la consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel mentionnés à l'article 230-6 du code de procédure pénale, y compris pour les données portant sur des procédures judiciaires en cours, dans la stricte mesure exigée par la protection de la sécurité des personnes et la défense des intérêts fondamentaux de la Nation. Il détermine les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées de cette consultation ". Aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, aux articles L. 114-1, L. 114-2, L. 211-11-1, L. 234-1 et L. 234-2 du code de la sécurité intérieure et à l'article L. 4123-9-1 du code de la défense, les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : / (...) 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'État. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le responsable de la sécurité des systèmes d'information départemental de la Vienne a habilité, le 17 septembre 2019, le chef du bureau de l'éloignement et du contentieux pour accéder au système de circulation hiérarchisée des enregistrements opérationnels de la police sécurisés, et notamment au fichier de traitement des antécédents judiciaires. La seule circonstance que le préfet a versé au dossier une fiche de consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires du 13 décembre 2021, postérieure à la date de l'arrêté attaquée, ne permet pas à elle seule de tenir pour établi que la personne ayant consulté ce fichier n'aurait pas été régulièrement habilitée, alors même que la consultation ayant précédé la décision en litige n'aurait pas été enregistrée conformément aux dispositions de l'article R. 40-30 du code de procédure pénale. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...). La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ". Et aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ".

6. M. B... souffre d'une hépatite B chronique ainsi que de troubles psychiatriques sévères de type schizophrénie paranoïde. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 26 octobre 2021, que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il pourra effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Guinée. Il fait valoir que ses troubles psychiatriques nécessitent la prise d'un neuroleptique retard toutes les quatre semaines, sous la forme d'injections de Xeplion, dont le principe actif est la paliperidone, qui n'est pas disponible dans son pays d'origine. Contrairement à ce qu'il soutient, les éléments versés au dossier, et notamment le certificat médical du 26 novembre 2021 établi par un praticien hospitalier du pôle universitaire de psychiatrie adulte du centre hospitalier Henri Laborit, ne permettent pas de considérer que son état de santé n'a pas évolué depuis 2012 et qu'il ne pourrait pas être traité par l'administration de Rispéridone, qui est le principe actif de la paliperidone, dont il ne conteste pas la disponibilité en Guinée. Par ailleurs, il ne ressort pas de la notice de ce médicament qu'il serait incompatible avec le diabète présenté par l'intéressé, découvert lors d'une hospitalisation entre le 16 et le 18 novembre 2021, mais seulement que ce médicament peut aggraver le diabète d'une personne sur cent. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'au regard de sa situation médicale, M. B... présente une telle contre-indication. Enfin, si le requérant fait valoir que son diabète, qui a été diagnostiqué après que l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rendu son avis mais avant que l'arrêté litigieux a été adopté, n'a pas été pris en compte pour se prononcer sur son état de santé, il ne ressort ni des pièces du dossier qu'il aurait porté ces nouveaux éléments à la connaissance de la préfète, ni qu'un traitement de ce diabète serait indispensable à son état de santé ou indisponible dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. D'autre part, si M. B... fait valoir qu'il n'a été effectivement poursuivi que pour trois des dix-neuf faits pour lesquels il a fait l'objet d'un signalement, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été placé en garde à vue le 16 novembre 2021, après avoir tenté d'incendier le véhicule d'une auto-école, puis des papiers dans les locaux d'un tabac-presse. Contrairement à ce qu'il soutient, la matérialité des faits est clairement établie, notamment au regard des déclarations de l'intéressé retranscrites sur le procès-verbal du 16 novembre 2021, qui indique les raisons pour lesquelles il a commis ces actes et fait part de son état de santé, ainsi que des mentions portées sur le certificat médical du 26 novembre 2021 à la suite de son hospitalisation d'office. Par ailleurs, M. B... a fait l'objet d'un placement en garde à vue le 29 novembre 2021 pour violences volontaires avec arme. Alors même qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que ces faits auraient donné lieu à des poursuites pénales, la préfète a pu considérer qu'au regard de la répétition d'actes délictueux, dont les plus récents sont de nature à faire naître un danger pour les personnes, le comportement de M. B... constituait une menace à l'ordre public, faisant obstacle à la délivrance d'un nouveau titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. Enfin, M. B... se borne à reprendre en appel, sans critique sérieuse et sans apporter d'élément nouveau par rapport à ses productions de première instance, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, moyens auxquels le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour prise à son encontre. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2023.

La rapporteure,

Charlotte A...Le président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX02032 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02032
Date de la décision : 04/05/2023
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-04;22bx02032 ?
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