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02/05/2023 | FRANCE | N°22BX03021

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 02 mai 2023, 22BX03021


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2202303 du 5 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2022, M. C.

.., représenté par Me Guyon, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2202303 du 5 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2022, M. C..., représenté par Me Guyon, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2022 de la préfète de la Gironde ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison de son état de santé ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- le refus de titre de séjour qui la fonde étant entaché d'illégalité, elle est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :

- l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde étant entachée d'illégalité, elle est dépourvue de base légale.

Par un mémoire enregistré le 13 janvier 2023, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête, en s'en remettant expressément à son mémoire de première instance.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant colombien né le 25 décembre 1980, est entré en France le 26 décembre 2014 sous couvert d'un visa de court séjour. Il a obtenu un titre de séjour en qualité d'étranger malade, valable du 19 mars 2020 au 18 mars 2021. Le 17 mars 2021, M. C... a demandé le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 13 janvier 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 5 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2022.

Sur les conclusions à fin d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 8 décembre 2022. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de l'appelant tendant à ce que soit prononcée l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

3. M. C... reprend en appel ses moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle. Toutefois, il n'apporte aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges, qui ont pertinemment répondu à ces moyens. Par suite, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Bordeaux.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) /La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ".

5. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., porteur d'une malformation cardiaque congénitale, a été victime d'un accident vasculaire cérébral en janvier 2019, puis, à la suite d'une endocardite infectieuse, a bénéficié, en urgence, d'une intervention chirurgicale le 7 avril 2019 au centre hospitalier universitaire de Bordeaux consistant en l'implantation de valves cardiaques biologiques. Par un avis du 27 décembre 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Pour contester cet avis, M. C... soutient qu'il ne pourra bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et a produit à ce titre en première instance plusieurs certificats médicaux, lesquels ne se prononcent toutefois pas sur l'offre de soins en Colombie. Il ressort en particulier du certificat rédigé le 16 mai 2019 par la praticienne hospitalière l'ayant opéré en avril 2019 que M. C... a été placé sous antibiothérapie à la suite de l'implantation des valves biologiques, que ce traitement était indispensable pendant une durée minimum de six semaines, et que l'éradication totale de l'infection cardiaque ne pouvait être considérée comme totale qu'au bout d'un an. Toutefois, M. C... ne produit aucun élément médical de nature à établir que l'infection ayant justifié un traitement antibiotique pendant six mois n'aurait pas été éradiquée, ni même qu'il ne pourrait bénéficier en Colombie d'un traitement adapté en cas de nouvelle endocardite infectieuse. Il ne démontre pas davantage qu'il ne pourrait bénéficier, à terme, dans son pays d'origine, d'une intervention de changement de ses bio prothèses. Par ailleurs, s'il produit en appel le compte-rendu d'une IRM cérébrale réalisée le 19 mai 2022, soit postérieurement à la décision contestée, ce document médical ne se prononce pas davantage sur les possibilités de soins dans son pays d'origine, et ne permet ainsi pas davantage de contredire l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde, en estimant que M. C... pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et en refusant, en conséquence, de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

8. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas davantage des termes de l'arrêté attaqué que la préfète de la Gironde, qui n'y était nullement tenue, ait entendu examiner la possibilité de l'admettre exceptionnellement au séjour sur ce fondement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen, invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de séjour, ne peut qu'être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. C... n'établit pas ne pas pouvoir bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :

12. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de séjour, ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2022 de la préfète de la Gironde. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent être accueillies.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mai 2023

La rapporteure,

Agnès B...

La présidente,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLa greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22BX03021 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX03021
Date de la décision : 02/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : GUYON

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-02;22bx03021 ?
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