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02/05/2023 | FRANCE | N°22BX02622

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 02 mai 2023, 22BX02622


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2200430 du 31 mars 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de

Limoges a annulé les décisions, contenues dans l'arrêté du 9 février 2022, portant obli...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2200430 du 31 mars 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Limoges a annulé les décisions, contenues dans l'arrêté du 9 février 2022, portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français.

Par un jugement n° 2200430 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision de refus de séjour contenue dans l'arrêté du 9 février 2022.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2022, M. B..., représentée par Me Marty, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 juin 2022 ;

2°) d'annuler la décision de refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté de la préfète de la Haute-Vienne du 9 février 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de 20 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; il justifie de sa présence continue et habituelle depuis plus de dix ans sur le territoire français ; il n'est pas allé en Espagne en 2013 ; à supposer qu'il se soit rendu en Espagne, il établit qu'il résidait habituellement en France en 2013 ; il n'a jamais exécuté les mesures d'éloignement prises à son encontre ; le tribunal n'a pas tenu compte des nombreux éléments produits ;

- le refus de séjour, qui a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, a été pris en méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; sa mère, décédée le 4 février 2019, résidait régulièrement en France ; son père, ses deux sœurs et son frère résident régulièrement en France ; il a bénéficié d'un certificat de résidence valable du 20 mai 2019 au 19 mai 2020 et a travaillé sous couvert d'un contrat à durée indéterminée durant la période de validité de son titre de séjour ; il bénéficie d'une promesse d'embauche en qualité de boucher ; il a tissé des liens personnels et amicaux sur le territoire français ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait ; sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; il n'a fait l'objet d'aucune poursuite pénale et son casier judiciaire est vierge ; il justifie d'une intégration exemplaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2023, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 2 octobre 1982, est entré en France le 11 février 2011 sous couvert d'un visa court séjour. Il a fait l'objet le 16 mai 2013 d'un premier arrêté portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Par un nouvel arrêté du 5 octobre 2018, le préfet de Loir-et-Cher lui a fait obligation de quitter le territoire français. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif d'Orléans du 11 janvier 2019, et l'intéressé a été mis en possession d'un certificat de résidence d'un an valable du 20 mai 2019 au 19 mai 2020. Par un arrêté du 2 juin 2020, le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui accorder le renouvellement de ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le 1er octobre 2021, M. B... a demandé la délivrance d'un certificat de résidence algérien sur le fondement des stipulations du 1) de l'article 5 de l'accord franco-algérien, en se prévalant d'une résidence en France depuis plus de dix ans. Par un arrêté du 9 février 2022, la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... a saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. L'intéressé a été assigné à résidence par arrêté du 25 mars 2022. Par un jugement du 31 mars 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Limoges a annulé les décisions du 9 février 2022 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français, ainsi que par voie de conséquence l'arrêté du 25 mars 2022 portant assignation à résidence, et a renvoyé à une formation collégiale du tribunal l'examen des conclusions dirigées contre la décision de refus de titre de séjour. Par un jugement du 9 juin 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 9 février 2022

2. En premier lieu, aux termes aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ".

3. M. B..., s'il produit de nombreuses pièces relatives à sa présence en France à compter de février 2011, ne produit toutefois aucun élément permettant de démontrer une telle présence pour les périodes allant de juin 2014 à juin 2015 et de janvier à juin 2018, et se borne à produire, au titre de l'année 2021, une promesse d'embauche établie en juillet 2021. Dans ces conditions, il ne démontre pas qu'à la date de la décision en litige, soit le 9 février 2022, il résidait en France depuis plus de dix ans. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit dès lors être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

5. M. B... fait valoir que sa mère, décédée le 4 février 2019, résidait régulièrement en France, et que son père, ses deux sœurs et son frère résident régulièrement sur le territoire français. Cependant, l'intéressé, célibataire et sans charge de famille, ne produit aucun élément de nature à établir l'intensité des liens l'unissant aux membres de sa famille résidant en France, et n'est pas démuni d'attaches familiales en Algérie où vivent, selon ses propres déclarations, deux autres membres de sa fratrie. Les quelques attestations de proches qu'il produit, rédigées en termes généraux, ne permettent pas davantage d'établir qu'il aurait tissé en France des liens personnels et amicaux d'une intensité particulière. Enfin, il a vécu en Algérie la majeure partie de sa vie et n'établit pas résider habituellement en France depuis 2011. Dans ces conditions, et malgré les efforts d'insertion professionnelle déployés par l'intéressé, le refus de titre de séjour en litige n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations citées au point 4 du présent arrêt. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. B....

6. Enfin, il ressort de l'arrêté du 9 février 2022 que si la préfète a notamment fondé sa décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire sur le motif tiré de ce que la présence de M. B... en France constituait une menace pour l'ordre public, la décision de refus de séjour n'est en revanche pas fondée sur un tel motif. Le moyen tiré de ce que ce motif serait entaché d'une erreur de fait est par suite inopérant à l'appui de la contestation de la décision de refus de séjour, seule en litige.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 9 février 2022. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2023.

L'assesseur le plus ancien,

Manuel Bourgeois

La présidente,

Marie-Pierre Beuve A...La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02622
Date de la décision : 02/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : MARTY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-02;22bx02622 ?
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