Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2021 par lequel la préfète de la Charente a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Mme A... E... épouse C... a également demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2021 par lequel la préfète de la Charente a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par deux jugements n° 2200051 et n° 2200052 du 7 février 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 26 avril 2022 sous le numéro 22BX01189, M. C..., représenté par Me Cazanave, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2200051 du tribunal administratif de Poitiers du 7 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Charente du 28 décembre 2021 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Charente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger malade, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors que son fils, âgé de 13 ans présente un trouble du neuro-développement et une épilepsie, associés à une cataracte ; cette affection nécessite un traitement dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; toutefois, sa pathologie ne pourra pas être traitée en Géorgie dès lors que la molécule de son traitement antiépileptique n'y est pas disponible et que sa famille ne dispose pas de ressources suffisantes ; son fils serait par ailleurs discriminé dans le système éducatif géorgien ;
- la préfète a commis une erreur de droit ;
- l'arrêté en litige méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision se fonde sur une décision de refus de titre de séjour illégale ;
- la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation de sa famille ;
- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
En ce qui concerne le pays de renvoi :
- cette décision se fonde sur une mesure d'éloignement illégale ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
II. Par une requête enregistrée le 26 avril 2022 sous le numéro 22BX01190, Mme E... C..., représentée par Me Cazanave, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2200052 du tribunal administratif de Poitiers du 7 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Charente du 28 décembre 2021 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Charente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger malade, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle invoque les mêmes moyens que ceux soulevés dans la requête n° 22BX01189.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2022.
Mme E... épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant géorgien né le 10 décembre 1963, et son épouse, Mme E... épouse C... née le 19 avril 1975, entrés sur le territoire français au mois de juillet 2021, ont formulé une demande de protection internationale, laquelle a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 30 novembre 2021. Ils ont également demandé une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 28 décembre 2021, la préfète de la Charente a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la requête enregistrée sous le n° 22BX01189, M. C... relève appel du jugement du 7 février 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2021 pris à son encontre. Par la requête enregistrée sous le n° 22BX01190, Mme E... épouse C... relève également appel du jugement du 7 février 2022 par lequel cette magistrate a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2021 la concernant. Ces deux requêtes, qui concernent les membres d'une même famille, présentent à juger des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur les décisions de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / (...) Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ". Et aux termes de l'article L. 425-9 de ce code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. Le fils de M. et Mme C..., né le 7 octobre 2008, présente un trouble du neuro-développement et une épilepsie, associés à une cataracte. Dans son avis du 15 novembre 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement adapté était disponible dans son pays d'origine. Les requérants, qui se bornent à citer un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux rendu au mois de janvier 2021, ne versent au dossier aucun élément permettant de tenir pour établi que la molécule du Levetiracetam, qui est administré à leur fils, ne serait pas disponible en Géorgie, et il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier qu'aucun traitement de substitution ne serait possible pour le traitement des crises épileptiques de leur enfant. En outre, ils ne versent pas davantage d'élément au dossier permettant de considérer qu'ils ne pourraient pas assurer le coût des soins pour leur fils. Ainsi, rien ne permet, en l'état du dossier, de remettre en cause l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration quant à l'accès effectif aux soins adaptés à l'état de santé de leur enfant. Par suite, les moyens tirés de l'erreur d'appréciation et de l'erreur de droit qu'auraient commises la préfète de la Charente doivent être écartés.
4. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Et aux termes de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité. / 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) "
5. Ainsi qu'il a été dit au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que le fils de M. et Mme C... ne pourra pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine. Par ailleurs, si les requérants soutiennent que leur enfant sera victime de discrimination scolaire, l'attestation qu'ils versent au dossier selon laquelle une inscription scolaire ne serait pas possible dans l'école publique de Tbilissi ne peut être regardée comme probante en l'absence de tout élément d'identification, les mentions du nom de l'élève concerné ayant été oblitérées. En outre, ce seul document ne permet pas de conclure que toute scolarisation serait impossible en Géorgie, alors au demeurant que les requérants ne produisent pas d'éléments concernant un suivi particulier de scolarité en France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfants et de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation que la préfète aurait commise sur leur situation familiale doit également être écarté.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour prises à leur égard à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français.
7. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfants et de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.
Sur les décisions fixant le pays de renvoi :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français prises à leur égard à l'encontre des décisions fixant le pays de renvoi.
9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Charente, qui a rappelé dans les arrêtés litigieux que M. et Mme C... n'ont pas fait valoir d'éléments postérieurs à la décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides rejetant leur demande d'asile de nature à en remettre en cause le bien-fondé, se serait estimée liée par cette décision. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
10. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Et aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
11. Au regard de ce qui a été dit aux points 3 et 5, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'enfant de M. et Mme C... ne pourra pas bénéficier d'un traitement approprié en Géorgie ou qu'il y serait victime de discrimination, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les deux jugements attaqués, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes. Leurs requêtes doivent ainsi être rejetées, y compris leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 22BX01189 et n° 22BX01190 sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C..., à Mme A... E... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de la Charente.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2023.
La rapporteure,
Charlotte B...Le président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX01189, 22BX01190 2