Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2018 par lequel le ministre de l'éducation nationale a prononcé son licenciement à la suite d'un refus définitif de titularisation.
Par un jugement n° 1900007 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 août 2021, Mme B..., représentée par Me Caijeo, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 11 mai 2021 ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'éducation nationale du 15 octobre 2018 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse de la titulariser dans les fonctions de professeur de lycée professionnel au sein de l'académie de La Réunion et de lui délivrer le certificat d'aptitude au professorat en lycée professionnel ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'en se bornant à renvoyer à la compétence liée du ministre de l'éducation nationale, les premiers juges ont omis de répondre aux moyens qu'elle soulevait ;
- l'arrêté en litige a été signé par une personne ne disposant pas d'une délégation de signature régulière ;
- l'avis du jury académique du 14 août 2018 est irrégulier dès lors qu'il a été rendu sans consultation de l'avis de l'autorité en charge de sa formation ; en effet, le rapport de sa tutrice ne figure pas à son dossier ; elle a ainsi été privée d'une garantie ;
- les rapports établis par le chef d'établissement et l'inspecteur de l'éducation nationale comportent des erreurs matérielles ; en effet, ils ne prennent pas en compte son expérience professionnelle ; le ministre de l'éducation nationale n'était ainsi pas lié par ces appréciations ;
- la délibération du jury du 14 août 2018 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; en effet, elle n'a pas été évaluée en toute impartialité en raison d'un précédent différend avec l'inspecteur, qui a été excessivement sévère à son égard ; elle n'a pas été suffisamment encadrée et n'a pas pu faire preuve de ses compétences dans les mêmes conditions que les autres professeurs stagiaires.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2021, la rectrice de l'académie de La Réunion conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 ;
- l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation de certains personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement du second degré stagiaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... A...,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,
- et les observations de Me Caijeo, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., qui a été admise à l'examen professionnel réservé de recrutement de professeurs de lycée professionnel au titre de la session 2016, a été affectée en tant que professeure de lycée professionnel stagiaire en économie gestion au lycée Julien de Rontenay à Sainte-Clotilde, puis, au titre d'une deuxième année de stage, au lycée professionnel Isnelle Amelin à Sainte-Marie. A l'issue de cette nouvelle année de stage, le jury académique a émis, le 14 août 2018, un avis défavorable à sa titularisation. Par un arrêté du 15 octobre 2018, le ministre de l'éducation nationale a prononcé son licenciement. Mme B... relève appel du jugement du 11 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2018.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif de La Réunion a répondu aux différents moyens soulevés par Mme B... en les écartant comme inopérants au motif que le ministre de l'éducation nationale était en situation de compétence liée pour procéder au licenciement de Mme B.... Par suite, les premiers juges, qui ont suffisamment motivé leur décision, n'ayant pas omis de statuer sur les moyens soulevés par Mme B..., ce jugement n'est pas irrégulier sur ce point.
Sur la légalité de l'arrêté du 15 octobre 2018 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation de certains personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement du second degré stagiaires, dans sa version alors applicable : " Le jury se prononce sur le fondement du référentiel de compétences prévu par l'arrêté du 1er juillet 2013 susvisé, après avoir pris connaissance des avis suivants : I. - Pour les stagiaires qui effectuent leur stage dans les établissements publics d'enseignement du second degré : 1° L'avis d'un membre des corps d'inspection de la discipline désigné par le recteur, établi sur la base d'une grille d'évaluation et après consultation du rapport du tuteur désigné par le recteur, pour accompagner le fonctionnaire stagiaire pendant sa période de mise en situation professionnelle. L'avis peut également résulter, notamment à la demande du chef d'établissement, d'une inspection ; / 2° L'avis du chef de l'établissement dans lequel le fonctionnaire stagiaire a été affecté pour effectuer son stage établi sur la base d'une grille d'évaluation ; / 3° L'avis de l'autorité en charge de la formation du stagiaire (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le jury académique qui s'est réuni le 14 août 2018 s'est prononcé sur la situation de Mme B... au regard de l'avis de l'inspecteur de l'éducation nationale, de l'avis du proviseur du lycée professionnel Isnelle Amelin, et de l'avis du directeur de l'école supérieure du professorat et de l'éducation de l'académie de La Réunion émis le 22 mai 2018, lequel correspond à l'avis de l'autorité en charge de la formation du stagiaire désignée par le 3° du I de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2014 cité ci-dessus. En revanche, l'avis de son tuteur sur la titularisation de Mme B... n'avait pas à figurer au dossier soumis au jury académique, contrairement à ce qu'elle soutient. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant le jury académique doit être écarté.
5. En deuxième lieu, les circonstances que Mme B... bénéficie d'une expérience professionnelle de professeure de lycée professionnel dès lors qu'elle a enseigné dans ce type d'établissement en tant que contractuelle depuis 2003 et qu'elle a participé aux formations dispensées par le rectorat et obtenu le diplôme " Enseignement second degré et enseignement éducatif " au titre de l'année universitaire 2017-2018 ne permettent pas de remettre en cause la pertinence des appréciations portées par le proviseur du lycée professionnel Isnelle Amelin sur sa manière d'enseigner et par l'inspecteur d'académie sur l'absence de prise en compte des conseils prodigués par ses formateurs. A cet égard, l'appréciation portée par le recteur sur son enseignement au cours de l'année scolaire 2020-2021 indiquant qu'elle " a assuré son service correctement " ne permet pas davantage de contredire le contenu de ces avis. Enfin, si Mme B... fait valoir qu'elle ne serait pas responsable de la distance existant entre elle et sa tutrice, aucun élément au dossier ne témoigne de ce qu'elle aurait pris en considération les conseils délivrés par ses différents formateurs. Par suite, le moyen tiré de ce que le jury académique se serait fondé sur des appréciations erronées doit être écarté.
6. En troisième lieu, la seule circonstance que l'inspecteur de l'éducation nationale ayant évalué Mme B... au cours de ses deux années de stage lui avait envoyé un courriel en 2013, dans le cadre de ses fonctions en tant que professeure de lycée professionnel contractuelle, pour lui proposer une affectation qu'elle a ensuite contestée devant le tribunal administratif de La Réunion, ne saurait révéler la partialité de cet inspecteur à son égard. En effet, cette affectation a été prononcée par une décision du recteur de l'académie de La Réunion, l'inspecteur de l'éducation nationale s'étant borné à relayer la proposition de poste auprès de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré du manque d'impartialité de l'inspecteur ayant évalué Mme B... doit être écarté.
7. En quatrième lieu, les jurys académiques, appelés notamment à se prononcer en vue de la titularisation des professeurs stagiaires nommés dans certains corps, statuent à l'issue d'une période de formation et de stage. S'agissant non d'un concours ou d'un examen mais d'une procédure tendant à l'appréciation de la manière de servir qui doit être faite en fin de stage, cette appréciation est contrôlée par le juge de l'excès de pouvoir et peut être censurée en cas d'erreur manifeste. Si Mme B... fait valoir qu'elle a " exercé ses fonctions sans l'appui d'un responsable hiérarchique durant les derniers mois de son stage ", ce qui l'aurait empêchée d'accomplir son stage dans de bonnes conditions, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a fait l'objet d'un tutorat et a suivi les formations dispensées par le rectorat au cours de sa deuxième année de stage. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le directeur de l'établissement d'enseignement, l'inspecteur de l'éducation nationale et le directeur de l'école supérieure du professorat et de l'éducation de l'académie de La Réunion ont tous émis des avis défavorables à la titularisation de Mme B... à l'issue de sa deuxième année de stage en estimant notamment qu'elle présentait des difficultés importantes dans la mise en œuvre des compétences didactiques et pédagogiques requises et ne maîtrisait pas l'essentiel du savoir-faire et du savoir-être d'un professeur de lycée professionnel. Dans ces conditions, en relevant ces lacunes et en considérant que Mme B... n'était pas apte à être titularisée, le jury académique n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, ce moyen doit être écarté.
8. Enfin, aux termes de l'article 10 du décret du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel : " (...) Le stage a une durée d'un an. Au cours de leur stage, les professeurs stagiaires bénéficient d'une formation organisée, dans le cadre des orientations définies par l'État, par un établissement d'enseignement supérieur, visant l'acquisition des compétences nécessaires à l'exercice du métier. Cette formation alterne des périodes de mise en situation professionnelle dans un établissement scolaire et des périodes de formation au sein de l'établissement d'enseignement supérieur. Elle est accompagnée d'un tutorat et peut être adaptée pour tenir compte du parcours antérieur des professeurs stagiaires. / Les modalités du stage et les conditions de son évaluation par un jury sont arrêtées conjointement par le ministre chargé de l'éducation et par le ministre chargé de la fonction publique. / A l'issue du stage, la titularisation est prononcée par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le stage est accompli, sur proposition du jury. La titularisation confère le certificat d'aptitude au professorat de lycée professionnel. / Le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le stage a été effectué peut autoriser l'accomplissement d'une seconde année de stage. A l'issue de cette période, l'intéressé est soit titularisé par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle il a effectué cette seconde année, soit licencié par le ministre chargé de l'éducation nationale, soit réintégré dans son grade d'origine ou dans son corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine (...) ". Aux termes de l'article 8 de l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités d'évaluation et de titularisation de certains personnels stagiaires de l'enseignement du second degré stagiaire : " Après délibération, le jury établit la liste des fonctionnaires stagiaires qu'il estime aptes à être titularisés. En outre, l'avis défavorable à la titularisation concernant un stagiaire qui effectue une première année de stage doit être complété par un avis sur l'intérêt, au regard de l'aptitude professionnelle, d'autoriser le stagiaire à effectuer une seconde et dernière année de stage. / Les stagiaires qui n'ont pas été jugés aptes à être titularisés à l'issue de la première année de stage et qui accomplissent une seconde année de stage bénéficient obligatoirement d'une inspection ". Et aux termes de l'article 9 du même arrêté : " Le recteur prononce la titularisation des stagiaires estimés aptes par le jury. (...) Il transmet au ministre les dossiers des stagiaires qui n'ont été ni titularisés ni autorisés à accomplir une seconde année de stage et qui sont, selon le cas, licenciés ou réintégrés dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine ".
9. Il résulte de ces dispositions que le recteur ne peut titulariser un professeur de lycée professionnel stagiaire que sur proposition en ce sens du jury académique. Le jury ayant estimé que Mme B... n'était pas apte à être titularisée au terme de sa deuxième année de stage, le ministre était donc tenu de procéder à son licenciement. Par suite, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 15 octobre 2018.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2023.
La rapporteure,
Charlotte A...Le président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX03397 2