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25/04/2023 | FRANCE | N°22BX02973

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 25 avril 2023, 22BX02973


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... et Mme A... B..., agissant en leur nom propre et en qualité

de représentants légaux de leur fille F... B..., ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux à réparer les préjudices subis à la suite de la prise en charge de M. D... B... en 2018, et de leur verser des indemnités provisionnelles respectives de 15 000 euros pour M. B... et 1 000 euros chacune pour son épouse et leur fille, ainsi qu'une somme de 1 500 euros a

u titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ord...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... et Mme A... B..., agissant en leur nom propre et en qualité

de représentants légaux de leur fille F... B..., ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux à réparer les préjudices subis à la suite de la prise en charge de M. D... B... en 2018, et de leur verser des indemnités provisionnelles respectives de 15 000 euros pour M. B... et 1 000 euros chacune pour son épouse et leur fille, ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2106810 du 18 novembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2022, et un mémoire, enregistré

le 1er mars 2023, M. et Mme B..., représentés par la Selarl Cabinet Aurélie Journaud, demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal ;

3°) à titre subsidiaire, d'évoquer l'affaire et condamner le CHU de Bordeaux à verser à M. B... une provision de 15 000 euros, à Mme B... et à F... B... une provision de 1 000 euros chacune, et de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Ils soutiennent que :

- l'état de M. B... n'était pas consolidé à la date à laquelle il a saisi le tribunal ;

la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) avait invité le CHU à réparer les préjudices subis à titre provisionnel à hauteur d'une perte de chance de 92 % ;

- le juge des référés n'avait pas compétence pour statuer sur le fond du litige et la reconnaissance de la faute du CHU, raison pour laquelle la requête n'était pas présentée en référé mais au fond ; la requalification de leurs conclusions est erronée et il y a donc lieu de renvoyer l'affaire au tribunal ;

- en cas d'évocation par la cour, il résulte de l'expertise que le diagnostic initial était erroné et que le standard de prise en charge des tumeurs des parties molles n'a pas été respecté, en l'absence de biopsie préopératoire permettant une chirurgie adaptée, ce qui a conduit à une rechute précoce du sarcome myxoïde et à une chimiothérapie lourde qui aurait pu être évitée ;

- le principe d'une indemnisation doit donc être retenu et une provision

de 15 000 euros pour M. B... et 1 000 euros chacune pour le préjudice moral de son épouse et de sa fille, à valoir sur l'indemnisation future de leur préjudice total, est indiscutable, alors même que des divergences sur l'évaluation de certains préjudices ressortent des expertises et des avis de la CCI.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2023, le CHU de Bordeaux conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge des requérants au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en l'absence de mention du fondement de la requête, l'examen de la demande

par le juge des référés permettait de statuer rapidement sur la provision demandée ;

M. et Mme B... ont introduit une nouvelle requête au fond devant le tribunal

le 16 décembre 2022, après nouvelle expertise, ce qui rend tout renvoi au fond inutile ;

- il conteste les conclusions des experts, fondées sur des recommandations médicales qui ne s'appliquaient qu'en cas de sarcome suspecté, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ;

- la décision de ne pas reprendre chirurgicalement M. B... dès novembre 2018 ne lui est pas imputable, dès lors que le patient avait été confié à une autre institution ;

- au demeurant, les traitements étaient identiques à ceux qui auraient été mis en place avec un diagnostic plus précoce et M. B... n'a perdu aucune chance d'éviter des traitements lourds ;

- compte tenu de la saisine de l'ONIAM par les requérants, seul celui-ci aurait en cas d'indemnisation en substitution, un recours subrogatoire contre le CHU de Bordeaux ;

- le droit à indemnisation est donc contestable.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... C...,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Journeau, représentant les consorts B... et de Me Vanuxem, représentant le CHU de Bordeaux.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été pris en charge en juin 2018 au CHU de Bordeaux pour des douleurs à la cuisse gauche qui ont d'abord été envisagées imputables à un schwannome, tumeur bénigne du nerf fémoral dont l'exérèse a été réalisée le 1er octobre 2018, avant que le diagnostic de sarcome myxoïde ne soit posé à la suite de l'analyse de la pièce de résection le 18 octobre 2018. Le traitement de cette tumeur maligne a ensuite été réalisé à l'Institut Bergonié, avec nouvelle chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie.

2. La CCI de la Région Aquitaine, saisie par M. B... et sa famille, a diligenté deux expertises successives confiées à une oncologue et un radiologue, qui ont conclu qu'une biopsie percutanée aurait dû être réalisée préalablement à l'exérèse afin d'apprécier l'extension de la chirurgie et l'éventuelle radiothérapie préopératoire, et que l'absence de diagnostic histologique a fait perdre à M. B..., compte tenu d'un taux de récidive de sarcome limité à 8 % en cas de prise en charge conforme aux standards, 92 % de chances d'éviter la rechute précoce du sarcome constatée le 18 juin 2019 et les traitements lourds associés. La deuxième expertise a estimé que la consolidation pouvait être fixée au 21 décembre 2021 et détaillé les préjudices en lien avec la faute identifiée. La CCI a, par deux avis des 30 juin et 26 octobre 2021, invité l'assureur du CHU à indemniser 92 % des préjudices subis. Par une lettre du 22 novembre 2021, cet assureur a indiqué ne pas faire d'offre en raison d'un désaccord avec le sens de l'avis.

3. M. et Mme B... ont alors saisi le 20 décembre 2021 le tribunal administratif de Bordeaux d'une requête demandant de reconnaître les fautes de nature à engager la responsabilité du CHU et de condamner le CHU à leur verser des indemnités provisionnelles respectives de 15 000 euros pour M. B... et 1 000 euros chacune pour son épouse et sa fille mineure F.... Ils relèvent appel de l'ordonnance du 18 novembre 2022 par laquelle le juge des référés a rejeté leur demande au motif que le caractère fautif du diagnostic initial ne présentait pas un degré suffisant de certitude de nature à permettre de regarder l'obligation en cause comme non sérieusement contestable.

Sur la régularité de l'ordonnance :

4. Aux termes de l'article L.3 du code de justice administrative : " Les jugements sont rendus en formation collégiale, sauf s'il en est autrement disposé par la loi. ".

L'article R.541-1 du même code prévoit que " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...). "

5. Il ressort de la demande de première instance que M. et Mme B... n'avaient pas saisi le juge du référé-provision, mais bien le tribunal au fond, afin notamment d'obtenir une reconnaissance certaine de la responsabilité du CHU. Dans ces conditions, la circonstance qu'ils se soient bornés à solliciter des provisions, ce qui permettait de réserver du temps pour évaluer leurs préjudices, ne permettait pas au tribunal de se dispenser de statuer en formation collégiale. Par suite l'ordonnance rendue par le juge des référés statuant seul est irrégulière et doit être annulée.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer la demande

de M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Bordeaux, pour qu'il y statue

à nouveau.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2106810 du 18 novembre 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est annulée.

Article 2 : Les demandes de M. et Mme B... sont renvoyées devant le tribunal administratif de Bordeaux pour qu'il y soit statué au fond.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme B... et G... au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme A... B..., au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde et à la société Malakoff Humanis Prévoyance.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2023.

La présidente-assesseure

Anne Meyer La présidente, rapporteure

Catherine C...

La greffière,

Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02973
Date de la décision : 25/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SELARL CABINET AURELIE JOURNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-25;22bx02973 ?
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