Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 22 février 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2201628 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juillet 2022 et 23 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Pornon-Weidknnet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 22 février 2022 ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
- le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a omis de se prononcer sur l'offre de soins dans son pays d'origine et il ne précise pas si les soins nécessités par son état de santé présentent un caractère de longue durée ;
- la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour méconnait l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le défaut de prise en charge en cas de retour dans son pays d'origine entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision sera annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle confirme les termes de son mémoire transmis en première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique ont été entendus :
- le rapport de Mme Nathalie Gay ;
- les observations de Me Pornon-Weidknnet représentant M. A..., également présent à l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., de nationalité guinéenne, né le 1er octobre 1987, qui déclare être entré irrégulièrement en France le 7 janvier 2019, a demandé la délivrance d'un titre de séjour le 28 juin 2021 sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a également sollicité le bénéfice de l'asile le 29 janvier 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 24 mars 2020, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 juillet 2021. Par un arrêté du 22 février 2022, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé. M. A... relève appel du jugement du 2 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement (...) ".
3. Contrairement à ce que soutient l'appelant, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dès lors qu'il a estimé que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, n'avait pas à se prononcer sur l'offre de soins en Guinée ni sur la durée prévisible du traitement. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre de séquelles d'une poliomyélite contractée dans son enfance. Il ressort de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 4 novembre 2021 que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Pour contester cette appréciation, M. A... produit une attestation d'un médecin d'un service de médecine physique et de réadaptation précisant qu'il présente un déficit moteur côté gauche avec une inégalité de longueur des membres inférieurs ayant des répercussions sur la marche et générant des douleurs rachidiennes, et qu'il bénéficie de la mise en place de chaussures orthopédiques. M. A... produit également une attestation d'un masseur kinésithérapeute indiquant que l'intéressé bénéficie de séances de rééducation. Toutefois, aucun de ces éléments ni aucune des autres pièces versées au dossier ne permettent de remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII quant à l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en raison du défaut de prise en charge médicale de son état de santé. Dès lors, en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité, la préfète de la Gironde, qui n'avait pas à se prononcer sur la disponibilité du traitement dans le pays d'origine de M. A..., n'a pas méconnu les dispositions citées au point 2 de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... déclare être entré irrégulièrement en France le 7 janvier 2019. S'il fait valoir qu'un de ses frères réside au Maroc et qu'il a séjourné au Sénégal, en Tunisie et au Maroc, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant, qu'il est entré récemment en France et qu'il n'est pas dépourvu de toute attache en Guinée où il a vécu au moins jusqu'en 2014 et où réside sa sœur ainsi qu'il l'a indiqué dans la fiche de famille. Ainsi, et malgré la bonne insertion sociale de M. A... qui participe activement à l'activité de plusieurs associations, qui produit une promesse d'embauche pour un poste d'assistant comptable pour une durée de 12 mois à temps partiel et est membre de la commission départementale d'accessibilité, la préfète de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour.
8. Dans les circonstances exposées au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Selon les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
10. M. A... soutient qu'il a fui la Guinée en raison de craintes de persécutions personnelles eu égard à son engagement politique. Cependant, si l'appelant produit des attestations mentionnant sa participation au sein du mouvement des " Forces vives FNDC France ", il n'établit pas, par ces seuls éléments, qu'il encourait des risques actuels et personnels d'atteinte à sa vie ou à son intégrité physique en cas de retour dans son pays d'origine. Il n'apporte par ailleurs pas d'élément permettant de considérer comme établi qu'il serait exposé à un risque de traitements inhumains ou dégradants du fait de son handicap en cas de retour en Guinée. Dans ces conditions, et alors qu'au demeurant sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et par la CNDA, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2023.
La rapporteure,
Nathalie GayLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX02062 2