Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.
Par un jugement n° 2200505 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 août 2022, M. C..., représenté par Me Meaude, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2200505 du 5 juillet 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 432-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier ; il a produit un mémoire le 17 juin 2022, qui n'a pas été produit ni pris en compte par la juridiction ; il n'est pas même mentionné dans le jugement ; l'avis d'audience a fixé une date antérieure à celle de la clôture d'instruction ;
- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la préfète de la Gironde pouvait solliciter l'obtention d'un visa afin de lui permettre de régulariser sa situation administrative ; il ne peut plus repartir dans son pays d'origine en raison de son état de santé, notamment pour solliciter un visa de long séjour ; il n'avait pas à solliciter préalablement et parallèlement à la demande de titre de séjour le visa de régularisation ;
- l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 3 mars 2023 à 12 heures.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... A...,
- et les observations de Me Meaude, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité moldave, est entré régulièrement en France le 4 août 2021, sous couvert d'un visa de court séjour. Le 28 octobre 2021, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 29 décembre 2021, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande. M. C... a dès lors saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'annulation de cet arrêté, rejetée par le jugement du 5 juillet 2022 dont il relève appel.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". L'article R. 741-2 du même code prévoit que la décision contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. (...). " et de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. (...) ".
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, si les parties à l'instance ont accusé réception le 13 mai 2022 de la clôture d'instruction fixée le 13 juillet 2022, elles ont accusé réception le 25 mai du courrier du même jour par lequel elles ont reçu l'avis d'audience, fixée à la date du 21 juin 2022. Elles ont ainsi été informées du raccourcissement du délai qui leur avait été imparti pour produire. Par suite, le moyen, à le supposer soulevé, tiré de l'irrégularité du jugement au motif que la formation de jugement ne pouvait fixer la date de la clôture de l'instruction et statuer à une date à laquelle le délai qu'il avait imparti aux parties pour produire n'était pas expiré, doit être écarté.
4. En second lieu, si le requérant fait valoir que le tribunal administratif a, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, omis de mentionner, dans les visas, le mémoire en réplique, enregistré le 17 juin 2022, qu'il avait présenté dans l'instance et les observations qu'il avait apportées en réponse, lesquels avaient été produits avant la clôture de l'instruction, intervenue trois jours francs avant l'audience, une telle circonstance n'est, par elle-même, pas de nature à vicier la régularité du jugement attaqué dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ces écritures n'apportaient aucun élément nouveau auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs.
5. Il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularités.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
6. Aux termes de l'article L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, parent à charge d'un français et de son conjoint, se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans sous réserve de la production du visa de long séjour prévu au 1° de l'article L. 411-1 et de la régularité du séjour. ". L'article L. 411-1 du même code dispose que : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : /1° Un visa de long séjour ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., âgé de 82 ans, réside depuis le 4 août 2021 chez sa fille unique, de nationalité française, qui exerce une activité professionnelle et est en capacité de prendre son père en charge, tant sur le plan financier qu'en terme d'hébergement. Pour rejeter sa demande de titre de séjour, la préfète a relevé l'absence de visa de long séjour et d'insertion de l'intéressé dans la société française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. C..., veuf depuis 2013, est isolé dans son pays d'origine et a pour seule famille sa fille unique de nationalité française. L'intéressé est en perte d'autonomie en raison d'une maladie invalidante et de mobilités manuelles et à la marche réduites. Dans les circonstances particulières de l'espèce, et alors même que M. C... ne justifiait pas d'un visa de long séjour, la décision attaquée a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et par suite méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. Eu égard aux motifs qui la fondent, l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde implique nécessairement la délivrance d'une carte de séjour à l'intéressé. Par suite, il y a lieu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer à M. C... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté de la préfète de la Gironde du 29 décembre 2021 et le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 juillet 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, de délivrer à M. C... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2023.
La rapporteure,
Bénédicte A...La présidente,
Evelyne Balzamo
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX02103