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11/04/2023 | FRANCE | N°22BX01980

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 11 avril 2023, 22BX01980


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2106833 du 30 mars 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a re

jeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 jui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2106833 du 30 mars 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2022, et un mémoire enregistré le 13 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Astié, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 30 mars 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la préfète a détourné la procédure prévue par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français adoptées à l'issue d'une demande d'asile rejetée en adoptant cette décision près d'un an après le rejet de la demande d'asile de sa concubine ; il a ainsi été privé d'une garantie et notamment de la possibilité d'effectuer un recours accompagné d'un défenseur ;

En ce qui concerne les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :

- les décisions attaquées ont été prises par une autorité incompétente ;

- elles sont insuffisamment motivées, et entachées d'un défaut d'examen particulier ;

- elles méconnaissent l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

- elles méconnaissent les stipulations des article 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'un défaut de base légale ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen au titre de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de base légale ;

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle présente un caractère disproportionné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 15 septembre 2022 du bureau de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 juin 1990 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... C...,

- et les observations de Me Ghettas, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité nigériane, né le 1er décembre 1997, déclare être entré en France le 12 décembre 2015. Sa demande d'asile, formée le 17 décembre 2015, a été rejetée par une décision du 30 septembre 2016 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 12 mai 2017. L'intéressé a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement émise par le préfet de la Dordogne le 20 juin 2017. Le 30 juin 2021, M. A... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile. Le 9 décembre 2021, l'OFPRA a pris une décision de rejet de sa demande de réexamen. Par un arrêté du 13 décembre 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2021.

Sur la demande d'aide juridictionnelle :

2. Dès lors que M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 15 septembre 2022, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à titre provisoire, ont perdu leur objet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

4. Il ressort des pièces du dossier que la fille mineure de M. A..., Purity Itohan, s'est vue reconnaître la qualité de réfugiée par une décision de la CNDA du 9 mai 2022, qui a estimé que la réalité des risques de persécutions ou d'atteintes graves encourus en cas de retour dans son pays d'origine, le Nigéria, était établie, en raison de son appartenance au groupe social des enfants et des femmes non mutilées entendant se soustraire aux mutilations génitales pratiquées au sein de la communauté esan du Nigéria. Si cette décision de la CNDA est postérieure à la décision attaquée, elle révèle toutefois des faits antérieurs à l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, la cellule familiale ne pouvant se reconstituer au Nigéria, compte tenu de la reconnaissance de la qualité de réfugié de Purity Itohan A..., la décision attaquée aurait pour effet de séparer la fille de M. A... de son père. Par suite, M. A... est fondé à soutenir qu'en prenant la décision attaquée, la préfète de la Gironde a méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2021. Dès lors ce jugement doit être annulé ainsi que la décision du 13 décembre 2021 portant refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, en l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait intervenu depuis l'édiction de l'arrêté contesté, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. A... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer un tel titre dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Astié, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Astié de la somme de 1 000 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2106833 du tribunal administratif de Bordeaux du 30 mars 2022 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 13 décembre 2021 de la préfète de la Gironde est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir.

Article 4 : L'Etat versera à Me Astié, avocat de M. A..., une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

La rapporteure,

Pauline C... La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 22BX01980


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01980
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-11;22bx01980 ?
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