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11/04/2023 | FRANCE | N°22BX01478

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 11 avril 2023, 22BX01478


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du 13 décembre 2021 et du 25 janvier 2022 par lesquelles la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2200214 du 30 mars 2022, le magistrat désigné du tribunal adminis

tratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du 13 décembre 2021 et du 25 janvier 2022 par lesquelles la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2200214 du 30 mars 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 mai 2022 et 25 octobre 2022 Mme B..., représentée par Me Saint-Martin, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 30 mars 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) d'annuler les arrêtés du 13 décembre 2021 et du 25 janvier 2022 par lesquelles la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire séjour et de procéder à l'effacement de son inscription au fichier du système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les arrêtés attaqués sont insuffisamment motivés, et révèlent un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- ils méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- ils méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ils méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- ils méconnaissent l'article L. 752-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la demande de Mme B... est devenue sans objet dès lors qu'il lui a été délivré le 14 octobre 2022 une attestation de prolongation valable jusqu'au 13 janvier 2023 ;

- les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 mai 2022 du bureau de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 juin 1990 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- et les observations de Me Chamberland-Poulin, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité nigériane, née le 12 août 1995, déclare être entrée en France le 6 octobre 2015. Le 22 mai 2015, elle a sollicité le bénéfice de l'asile. L'instruction de sa demande a révélé que l'examen de sa demande d'asile relevait d'un autre état membre en application du règlement (UE) n° 604/2013. Mme B... a fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités italiennes par arrêté du 10 septembre 2015. Cette décision n'a pas été exécutée dans le délai imparti et la responsabilité de la demande d'asile a été transférée à la France. Par une décision du 31 mai 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 31 décembre 2020. Le 16 août 2017, Mme B... a sollicité la délivrance d'un premier titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette demande a été classée sans suite. Par une décision du 13 décembre 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans. Par une décision du 25 janvier 2022, la préfète de la Gironde a abrogé son arrêté du 13 décembre 2021, a réitéré son refus de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans. Mme B... relève appel du jugement n° 2200214 du 30 mars 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la demande d'aide juridictionnelle :

2. Dès lors que Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 19 mai 2022, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à titre provisoire, ont perdu leur objet.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

3. La circonstance que postérieurement à l'introduction de la requête de Mme B..., la préfète de la Gironde lui a délivré le 14 octobre 2022 une attestation de prolongation valable du 14 octobre 2022 au 13 janvier 2023, n'a pas faire perdre son objet à la requête introduite par Mme B... contre le jugement du 30 mars 2022. Il suit de là que l'exception de non-lieu opposée par la préfète de la Gironde doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

5. Il ressort des pièces du dossier que la fille mineure de Mme B..., Purity Itohan, s'est vue reconnaître la qualité de réfugiée par une décision de la CNDA du 9 mai 2022, qui a estimé que la réalité des risques de persécutions ou d'atteintes graves encourus en cas de retour dans son pays d'origine, le Nigéria, était établie, en raison de son appartenance au groupe social des enfants et des femmes non mutilées entendant se soustraire aux mutilations génitales pratiquées au sein de la communauté esan du Nigéria. Si cette décision de la CNDA est postérieure à la décision attaquée, elle révèle toutefois des faits antérieurs à l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, la cellule familiale ne pouvant se reconstituer au Nigéria, compte tenu de la reconnaissance de la qualité de réfugié de Purity Itohan Ben, la décision attaquée aurait pour effet de séparer la fille de Mme B... de sa mère. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir qu'en prenant la décision attaquée, la préfète de la Gironde a méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2022. Dès lors, ce jugement doit être annulé ainsi que la décision du 25 janvier 2022 portant refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, en l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait intervenu depuis l'édiction de l'arrêté contesté, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à Mme B... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer un tel titre dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Saint-Martin, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Saint-Martin de la somme de 1 000 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2200214 du tribunal administratif de Bordeaux du 30 mars 2022 est annulé.

Article 2 : L'arrêté de la préfète de la Gironde du 25 janvier 2022 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir.

Article 4 : L'Etat versera à Me Saint-Martin, avocat de Mme B..., une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

La rapporteure,

Pauline D... La présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01478


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01478
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SAINT-MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-11;22bx01478 ?
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