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06/04/2023 | FRANCE | N°22BX03077

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 06 avril 2023, 22BX03077


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2201376 du 14 n

ovembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2201376 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Dounies, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 novembre 2022 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2022 de la préfète de la Haute-Vienne ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation respectivement dans les délais de quinze jours et de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de communication du certificat médical du médecin de l'OFII et de l'avis du collège de médecins ;

- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation s'agissant de la disponibilité d'un traitement adapté en Guinée et de sa possibilité d'en bénéficier effectivement ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de son état de santé et de son insertion dans la société française ;

- pour les mêmes raisons, elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2023, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante guinéenne née en 1996, est entrée irrégulièrement en France selon ses dires le 31 janvier 2019. Sa demande s'asile a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 23 décembre 2021. Le 24 septembre 2021 elle a obtenu un titre de séjour d'une durée de six mois en raison de son état de santé, dont elle a demandé le renouvellement le 15 mars 2022. Par un arrêté du 6 juillet 2022, la préfète de la Haute-Vienne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler cet arrêté. Elle fait appel du jugement du 14 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 9 février 2023. Par suite, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, Mme A... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance, et sans critiquer la réponse apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation dont serait entachée la décision de refus de titre de séjour et de l'irrégularité de la procédure en l'absence de communication du rapport du médecin rapporteur et de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dès lors, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) "

5. Il ressort des pièces du dossier que, faisant suite à la demande de titre de séjour présentée par Mme A..., le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rendu un avis, le 30 mai 2022, indiquant que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Guinée, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration allant dans le sens de ses conclusions doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Mme A..., qui a levé le secret médical, fait valoir qu'elle souffre d'un diabète de type II qui nécessite un traitement régulier et une hygiène alimentaire stricte. Toutefois, en se bornant à soutenir que la préfète ne s'est pas assurée de la disponibilité du traitement en Guinée et de ce qu'elle serait en mesure d'en assumer le coût, Mme A... n'apporte aucun élément de nature à permettre de tenir pour établi que ce traitement ou un traitement équivalent adapté à sa pathologie ne serait pas actuellement disponible en Guinée, ni permettant d'estimer qu'elle ne pourrait disposer de revenus suffisants dans son pays d'origine pour accéder effectivement aux soins appropriés à son état de santé. En outre, si elle se prévaut de ce que sa pathologie serait devenue insulino-dépendante du fait de sa grossesse, il ressort des certificats médicaux établis le 15 septembre 2022 que cette évolution est postérieure à la décision de refus de titre attaquée. Dans ces conditions, en l'absence de tout élément de nature à infirmer l'avis du collège de médecins quant à la disponibilité d'un traitement adapté, le moyen tiré de ce que la préfète aurait commis une erreur d'appréciation en lui refusant la délivrance du titre sollicité doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le séjour en France de Mme A... est récent, qu'elle est célibataire et sans enfant à la date de la décision attaquée et ne fait état d'aucun lien sur le territoire national alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. Si elle se prévaut de ses problèmes de santé, ainsi qu'il a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait pas poursuivre les soins qui lui sont prodigués en Guinée. Dans ces conditions, l'arrêté en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... au regard des motifs de refus de la décision de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande dirigé contre l'arrêté du 6 juillet 2022. Par suite sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées par son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à titre provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2023.

La rapporteure,

Christelle D...Le président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX03077


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX03077
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DOUNIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-06;22bx03077 ?
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