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06/04/2023 | FRANCE | N°22BX02624

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 06 avril 2023, 22BX02624


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler

la décision du 2 décembre 2021 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé l'admission

au séjour de son fils H... E... F... A... au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 2200637 du 14 septembre 2022, le tribunal administratif

de Bordeaux a annulé la décision du 2 décembre 2021, a enjoint à la préfète de la Gironde

de procéder au réexamen de la demande de Mme A... G... e

t a mis à la charge de l'Etat

la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler

la décision du 2 décembre 2021 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé l'admission

au séjour de son fils H... E... F... A... au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 2200637 du 14 septembre 2022, le tribunal administratif

de Bordeaux a annulé la décision du 2 décembre 2021, a enjoint à la préfète de la Gironde

de procéder au réexamen de la demande de Mme A... G... et a mis à la charge de l'Etat

la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 octobre 2022, la préfète de la Gironde demande

à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 septembre 2022.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé la décision du 2 décembre 2021 rejetant

la demande de regroupement familial présentée par Mme A... G... : si cette dernière se trouvait effectivement en France et disposait au jour de sa demande, le 3 février 2021, d'un titre de séjour d'une durée de validité d'au moins un an, elle ne disposait de ce titre que depuis moins de onze mois, et ne remplissait donc pas la condition d'attente de 18 mois prévue par

l'article L.434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; aucune information sur la situation du jeune enfant, notamment son état de santé, n'a été portée à la connaissance de la préfecture ;

- elle ne méconnaît pas les stipulations des articles 3-1 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire enregistré le 2 novembre 2022, Mme A... G..., représentée par Me Lanne conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à l'annulation de la décision du 2 décembre 2021, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de lui accorder le bénéfice du regroupement familial sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa demande, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'une erreur de droit ainsi que l'a relevé le tribunal : il ressort des dispositions de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la préfète devait apprécier la durée de séjour de dix-huit mois à la date de l'édiction de sa décision ; en outre, alors que l'article R. 434-3 du même code précise que l'âge de l'enfant concerné par la demande s'apprécie à la date de celle-ci, il n'existe aucune disposition similaire concernant la durée de présence en France, ainsi que l'a relevé le tribunal ; cette appréciation est conforme à la réserve d'interprétation de la décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 du Conseil constitutionnel et aux lignes directrices pour l'application de la directive 2008/86/CE relative au droit au regroupement familial ; elle justifiait à la date de la décision du 2 décembre 2021 d'une présence régulière de plus de vingt mois sur le territoire français dès lors qu'elle a d'abord obtenu une première carte de séjour valable du 17 mars 2020 jusqu'au 16 mars 2021 puis une carte pluriannuelle valable du 23 juillet 2021 jusqu'au 22 juillet 2023 ;

- la décision du 2 décembre 2021 est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle indique qu'elle ne séjourne pas en France depuis au moins dix-huit mois ; cette décision n'a donc pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, car le père ne s'occupe pas de son fils, qui vit à Cuba dans un extrême dénuement et ne bénéficie pas du suivi médical de son asthme ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- les observations de Me Lanne, représentant Mme A... G....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... G..., ressortissante cubaine, est entrée en France le 18 septembre 2018 sous couvert d'un passeport en cours de validité muni d'un visa de court séjour. A la suite de son mariage avec un ressortissant français le 22 décembre 2018, elle a obtenu une première carte

de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 17 mars 2020 au

16 mars 2021. Le 23 août 2021, elle s'est vue délivrer une carte de séjour pluriannuelle valable

du 23 juillet 2021 au 22 juillet 2023. Le 3 février 2021, elle a déposé, sur le fondement

de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de regroupement familial au bénéfice de son fils H... E... F... A...,

né le 27 septembre 2014 et résidant à Cuba, où son père a autorisé son départ. Par une décision

du 2 décembre 2021, la préfète de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande. Mme D... a demandé l'annulation de cette décision. Par un jugement n° 2200637

du 14 septembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision

du 2 décembre 2021, a enjoint à la préfète de la Gironde de procéder au réexamen de la demande de Mme A... G... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La préfète de la Gironde relève appel

de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : / 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans ; / 2° Et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ".

3. Pour contester l'annulation de sa décision par le tribunal administratif au motif qu'à la date du 2 décembre 2021, Mme A... G... séjournait régulièrement sur le territoire depuis plus de 18 mois, le préfet de la Gironde, qui a d'ailleurs rendu sa décision dix mois après sa saisine, ne peut utilement se prévaloir du point 4.6 intitulé " Période d'attente " de la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européens concernant les lignes directrices pour l'application de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial, dès lors qu'en vertu de l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, " Les recommandations et les avis ne lient pas ". Au demeurant, ce point est ainsi rédigé : " De l'avis de la Commission, la période d'attente ne comprend pas la période nécessaire pour que les États membres examinent la demande conformément à l'article 5, paragraphe 4. La Commission estime qu'une demande peut être présentée à partir du moment où le regroupant est titulaire d'un titre de séjour d'une durée de validité d'au moins un an et a une perspective fondée d'obtenir un droit de séjour permanent, mais les États membres peuvent retarder l'octroi du regroupement familial ... jusqu'à ce que la période d'attente prévue dans leur législation se soit écoulée ". Cette rédaction ne contredit ainsi pas la possibilité d'octroyer le droit au regroupement familial lorsque la période d'attente est écoulée.

4. En outre, il ressort du point 71 de la décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 que le Conseil constitutionnel a considéré, s'agissant du délai d'attente alors de deux années avant un regroupement familial, " qu'il importe que la demande de regroupement puisse être formulée avant l'expiration de ce délai pour que ce droit soit effectivement susceptible d'être ouvert à son terme ; que sous cette réserve d'interprétation, cette condition est conforme à la Constitution ". Une telle réserve d'interprétation s'imposant, comme l'ensemble des décisions du Conseil Constitutionnel, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles en vertu de l'article 62 de la Constitution, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en examinant si la condition de durée de séjour régulier était remplie à la date à laquelle le préfet a statué.

5. La préfète de la Gironde ne conteste pas que Mme A... G..., qui produit des documents relatifs à sa présence en France durant la période de dix-huit mois exigée par les dispositions précitées, résidait régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois à la date de la décision du 2 décembre 2021, ni que les conditions de logement et de ressources étaient remplies. Par suite, et alors au surplus que l'intérêt supérieur de l'enfant alors âgé de 7 ans, vivant dans des conditions précaires à Cuba, était de rejoindre sa mère, la préfète de la Gironde n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé la décision en litige.

Sur l'injonction :

6. Si Mme A... G... demande à titre principal que la cour enjoigne au préfet de délivrer l'autorisation de regroupement familial qu'elle a sollicitée, il n'y a pas lieu, en l'absence de documents récents attestant que la famille remplit toujours les conditions légales pour l'obtenir, de faire droit à ces conclusions, et il appartiendra au préfet de réexaminer sa situation, comme le tribunal le lui avait enjoint, au regard des motifs du présent arrêt, dans un délai d'un mois à compter de sa notification.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Mme A... G... au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de la Gironde est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A... G... une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme A... G... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... G... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2023.

La présidente-assesseure,

Anne Meyer

La présidente, rapporteure,

Catherine B...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX02624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02624
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : LANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-06;22bx02624 ?
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