La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/04/2023 | FRANCE | N°22BX01635

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 06 avril 2023, 22BX01635


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 3 juin 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2102775 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2022, Mme C..., repr

sentée par Me Hay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 3 juin 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2102775 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2022, Mme C..., représentée par Me Hay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 22 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Vienne du 3 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 45 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- la rédaction de l'arrêté révèle que la préfète n'a pas procédé à un examen réel de sa situation ;

- le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle présente plusieurs pathologies graves et ne pourrait pas recevoir des soins appropriés en Géorgie ;

- le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est veuve et ses deux enfants ainsi que ses petits-enfants résident en France ; elle vit chez son fils et sa belle-fille, qui l'assistent dans les actes de la vie courante ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ;

- cette mesure a été méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de sa situation familiale et médicale.

Par ordonnance du 5 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 16 septembre 2022 à 12 h.

Un mémoire a été présenté par le préfet de la Vienne le 16 mars 2023.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., de nationalité géorgienne, est entrée en France le 26 septembre 2017 selon ses déclarations. Elle a présenté une demande d'asile, qui a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 décembre 2018. Elle a fait l'objet le 29 novembre 2019 d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. A la suite de l'annulation de cet arrêté par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 février 2020, Mme C... s'est vue délivrer un titre de séjour, dont elle a sollicité le renouvellement le 27 novembre 2020. Par un arrêté du 3 juin 2021, la préfète de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 22 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, au soutien des moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision lui refusant un titre de séjour et de l'absence d'examen sérieux de sa situation, Mme C... ne se prévaut d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. En l'espèce, il ressort des éléments médicaux versés au débat que Mme C... souffre d'un diabète de type II insulino-dépendant, d'une neuropathie de grade 3, d'un artériopathie obstructif des membres inférieurs, d'une fièvre méditerranéenne, d'une rétinopathie diabétique et d'une surdité bilatérale sévère. Le collège des médecins de l'OFII a estimé, par son avis du 22 mars 2021, que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont elle est originaire, elle pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, enfin, que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine.

5. En se bornant à produire divers éléments médicaux décrivant ses pathologies, une seule ordonnance médicale datée 16 octobre 2018, un rapport de 2016 de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) relatif à la prise en charge du diabète en Géorgie et un certificat médical de son médecin traitant du 29 octobre 2021 indiquant que son état nécessite une surveillance hospitalière régulière, la requérante n'apporte pas d'élément précis sur la nature des soins que requiert son état de santé. Au demeurant, il ressort tant des éléments médicaux produits en première instance par la préfète de la Vienne que du rapport de l'OMS que les médicaments figurant sur l'ordonnance médicale ci-dessus mentionnée sont disponibles en Géorgie, où il existe également des services hospitaliers dédiés à la prise en charge des pathologies que présente Mme C.... Cette dernière, qui ne fait pas état de circonstance particulière faisant obstacle à ce qu'elle bénéficie effectivement d'un traitement approprié en Géorgie, n'apporte ainsi pas suffisamment d'éléments permettant de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII. Enfin, si la requérante produit des certificats médicaux établis par son médecin généraliste faisant état d'une impossibilité à voyager en avion, cette restriction médicale ne suffit pas à démontrer une impossibilité à voyager sans risque par tout moyen de transport. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

7. Mme C... fait valoir que les membres de sa famille résident en France, qu'elle est hébergée par son fils et sa belle-fille, qui l'assistent dans les actes de la vie courante, et que son autre fils ainsi que ses petits-enfants sont titulaires de titres de séjour. Il ressort cependant des pièces du dossier, en particulier du formulaire de demande de titre de séjour renseigné par Mme C..., que cette dernière n'est pas dépourvue de toute attache en Géorgie où vivent deux de ses enfants et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 68 ans. De plus, son fils et sa belle-fille qui l'hébergent en France ont également fait l'objet de mesures de refus de séjour et d'éloignement, et il n'est pas fait état d'obstacle à une reconstitution de la cellule familiale en Géorgie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En quatrième lieu, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, celle faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire français n'est pas privée de base légale.

9. Enfin, eu égard à la situation personnelle et familiale de Mme C... telle que décrite ci-dessus, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, être accueillies.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

La présidente rapporteure,

Marie-Pierre Beuve B...

Le premier assesseur,

Manuel Bourgeois

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01635


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01635
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : HAY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-06;22bx01635 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award