Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 30 mars 2021 par lequel le préfet des Deux-Sèvres lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour.
Par un jugement n° 2101280 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 juin 2022, M. B..., représenté par Me Harir, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 mars 2021 du préfet des Deux-Sèvres ;
3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour est insuffisamment motivée au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le prononcé d'une seule condamnation pénale le 25 juillet 2011, pour des faits de conduite sans permis, à 450 euros d'amende, n'est pas un obstacle à la délivrance d'un titre de séjour en l'absence de toute menace actuelle à l'ordre public ; il justifie de la présence sur le territoire français de l'ensemble des membres de sa famille, avec lesquels il entretient des liens étroits ; sa mère, sa sœur et son frère ont la nationalité française ; il justifie de l'ancienneté de son séjour en France ; il est entré régulièrement en France en 2000 dans le cadre du regroupement familial ; il réside en France de manière continue depuis plus de vingt ans, sans que le préfet puisse lui opposer la circonstance qu'il a effectué deux courts séjours au Maroc en 2018 et en 2019 ; il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine ; il est inséré professionnellement ; il est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de serveur , conclu le 13 août 2020 avec la société Le Bee Bob ; il occupe un emploi malgré son handicap ; son taux d'incapacité a été reconnu par la CDAPH à hauteur de 80 % ; il bénéficie d'un suivi psychiatrique depuis juin 2014 au centre médico-psychologique et son état de santé est stable grâce au suivi médical dont il bénéficie ;
- pour les mêmes motifs, cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par une ordonnance du 14 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 novembre 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... D... a été entendu au cours de l'audience publique :
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né en 1982, de nationalité marocaine, a déclaré être entré en France le 23 avril 2000. Depuis le 25 janvier 2002, il a été mis en possession de cartes de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", d'abord délivrées et renouvelées par le préfet de l'Essonne. Il vit dans les Deux-Sèvres depuis 2013 et a sollicité, à deux reprises, la délivrance d'une carte de résident, refusée par deux décisions des 7 avril 2014 et 24 mai 2016. Il a ensuite été titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 8 juin 2017 au 7 juin 2019, délivrée par le préfet des Deux-Sèvres, dont il a sollicité le 27 février 2020 le renouvellement. Par un arrêté du 30 mars 2021, le préfet des Deux-Sèvres, après avoir consulté la commission du titre de séjour, qui a rendu un avis défavorable le 26 février 2021, a rejeté cette demande. Par une ordonnance n°2101279 du 3 juin 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a suspendu l'exécution de cet arrêté au motif que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales étaient propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. M. B... relève appel du jugement du 3 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 30 mars 2021.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. M. B... soutient qu'il réside en France depuis plus de vingt ans, qu'il entretient des liens étroits avec sa mère, son frère et sa sœur, dont il produit des attestations accompagnées de leurs cartes d'identité française, et qu'il ne dispose plus d'attache dans son pays d'origine, ce que le préfet ne conteste pas. L'intéressé fait également valoir qu'il travaille en qualité de serveur auprès de la société " Le Bee Bop " dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée conclu le 13 août 2020. S'il ressort des pièces produites en défense, et notamment du fichier de traitement d'antécédents judiciaires, qu'il est connu défavorablement des services de police, ayant été interpellé à plusieurs reprises pour des faits de violences et injures, ces faits sont relativement anciens et n'ont donné lieu à aucune condamnation pénale. Dans ces conditions, M. B..., qui n'a fait l'objet que d'une seule condamnation au paiement d'une amende de 450 euros pour des faits de conduite sans permis commis le 2 juillet 2011, ne saurait être regardé, à la date de la décision contestée, comme constituant une menace pour l'ordre public, alors en outre qu'il souffre de troubles psychiatriques pouvant expliquer en partie les faits qui lui sont reprochés. Compte tenu de la situation personnelle et familiale du requérant, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'arrêté du 30 mars 2021 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé à M. B... le renouvellement de son titre de séjour a porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions et stipulations précitées.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2021 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Deux-Sèvres délivre à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à cette délivrance dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 mai 2022 et l'arrêté du 30 mars 2021 du préfet des Deux-Sèvres sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Deux-Sèvres de délivrer à M. B... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer etau préfet des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2023.
La rapporteure,
Agnès D...La présidente,
Marie Pierre BEUVE DUPUY
La greffière,
Sylvie HAYET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX01574