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06/04/2023 | FRANCE | N°21BX03621

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 06 avril 2023, 21BX03621


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner

la commune de Saint-Georges-de-Didonne solidairement avec son assureur, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), à l'indemniser des préjudices en lien avec un accident survenu le 25 octobre 2017, d'ordonner une expertise médicale afin d'évaluer les préjudices subis, et dans l'attente, de condamner solidairement la commune et la SMACL à lui verser une provision de 10 000 euros.

Par un jugemen

t n° 2000990 du 8 juillet 2021, le tribunal a retenu la responsabilité de la commune...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner

la commune de Saint-Georges-de-Didonne solidairement avec son assureur, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), à l'indemniser des préjudices en lien avec un accident survenu le 25 octobre 2017, d'ordonner une expertise médicale afin d'évaluer les préjudices subis, et dans l'attente, de condamner solidairement la commune et la SMACL à lui verser une provision de 10 000 euros.

Par un jugement n° 2000990 du 8 juillet 2021, le tribunal a retenu la responsabilité de la commune à hauteur de 80 % du dommage, a ordonné une expertise médicale afin d'évaluer les préjudices de M. B..., a rejeté la demande de provision, et a renvoyé le surplus des conclusions jusqu'en fin d'instance.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 septembre 2021 et un mémoire enregistré

le 8 novembre 2022, la commune de Saint-Georges-de-Didonne et la SMACL, représentées par la SCP KPL Avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 500 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'un des témoins a indiqué que M. B... tentait de descendre sur la plage, et l'autre qu'il voulait s'asseoir sur la rambarde lorsque la margelle a cédé ; ces témoignages contradictoires émanent de proches de la victime, ce qui met en cause leur impartialité ; aucun autre témoin n'a constaté la présence de la margelle sur les jambes de M. B..., notamment pas le lieutenant-colonel du SDIS ; aucune photographie n'a été prise au moment de l'accident ; ainsi, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la preuve d'un lien entre l'ouvrage public et le dommage n'est pas apportée ;

- le parapet en béton ne présentait aucun signe extérieur d'une faiblesse dans sa fixation sur le muret, et la commune fait régulièrement contrôler cet ouvrage par ses services ; le retrait de certaines parties de la margelle n'était pas dû à un accident qui se serait produit auparavant, mais au simple constat d'un danger par ses services, ce qui démontre un entretien régulier ;

- les photographies produites en première instance par M. B... font apparaître des fissures sur une autre partie du muret, ce qui n'est pas de nature à démontrer une absence d'entretien de la margelle qui a basculé ;

- M. B... n'a pas utilisé l'ouvrage public selon sa destination ; ce comportement est de nature à exonérer la commune de toute responsabilité, et il n'appartenait pas à la commune de prendre des mesures particulières pour signaler le danger d'un usage anormal de l'ouvrage ;

- il n'appartient pas au juge du fond d'accorder une provision.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Burstow, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement en ce qu'il a refusé de condamner solidairement la commune

de Saint-Georges-de-Didonne et la SMACL à lui verser une provision de 10 000 euros, avec intérêts à compter du 21 janvier 2020 et capitalisation à compter du 21 janvier 2021, et de mettre à la charge solidaire de la commune et de la SMACL une somme de 4 000 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la matérialité des faits et le lien entre le descellement de la margelle et les blessures sont établis ;

- c'est à bon droit que le tribunal a retenu un défaut d'entretien normal ;

- la commune tolérait l'usage des margelles par les promeneurs pour s'asseoir et accéder à la plage et n'a ni interdit cette pratique, ni signalé un danger ; c'est ainsi à bon droit que le tribunal a retenu une part de responsabilité de la commune de 80 % ;

- il a subi des fractures du tibia et du péroné aux deux jambes, nécessitant

une intervention chirurgicale, de multiples soins et une rééducation ; eu égard aux conclusions

de l'expertise ordonnée par le tribunal, il est fondé à demander la condamnation solidaire

de la commune de Saint-Georges-de-Didonne et de la SMACL à lui verser une provision

de 10 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 30 novembre 2022, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hauts-de-Seine, représentée par la SELARL Bardet et Associés, demande à la cour de condamner solidairement la commune de Saint-Georges-de-Didonne et la SMACL à lui verser la somme de 11 562,71 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, et de mettre à la charge solidaire de la commune et de la SMACL les sommes de 1 114 euros

au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la responsabilité de la commune

de Saint-Georges-de-Didonne était engagée ;

- elle a exposé 11 562,71 euros de dépenses de santé au bénéfice de M. B...,

dont 57,67 euros de frais de transport.

Par lettre du 7 mars 2023, les parties ont été informées, en application de

l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande de la CPAM

des Hauts-de-Seine en ce qu'elle est présentée pour la première fois en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Kolenc, représentant la commune de Saint-Georges-de-Didonne et la SMACL.

Considérant ce qui suit :

1. Le 25 octobre 2017 vers 18 heures 45, M. B... a été victime d'un accident sur le territoire de la commune de Saint-Georges-de-Didonne en s'asseyant, côté plage, sur un muret en béton séparant la plage de la promenade publique du boulevard de la Côte de Beauté. La dalle constituant la margelle du muret s'étant descellée, M. B... a fait une chute d'une hauteur

de 1,50 m, et a reçu la dalle sur les chevilles. Il a été transporté par les pompiers au service

des urgences du centre hospitalier de Royan, où ont été diagnostiquées, à droite une fracture

bi-malléolaire de la cheville avec emphysème sous-cutané, et à gauche une fracture de la malléole tibiale et du péroné. Des réductions-ostéosynthèses ont réalisées le 27 octobre à la polyclinique Saint-Georges de Saint-Georges-de-Didonne. Après une période d'immobilisation, M. B... a été hospitalisé dans un service de rééducation entre le 26 décembre 2017 et le 12 janvier 2018, et le matériel d'ostéosynthèse a été retiré le 5 novembre 2018.

2. Par lettre du 21 janvier 2020 au maire de la commune de Saint-Georges-de-Didonne,

M. B... a sollicité une provision de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices en invoquant un défaut d'entretien normal du muret bordant la promenade publique. Par une décision du 26 février 2020, le maire a rejeté sa réclamation en se référant à la position de son assureur, la SMACL, selon laquelle le muret n'avait pas à être utilisé comme banc ou comme accès à la

plage. M. B... a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande

de condamnation solidaire de la commune et de la SMACL à l'indemniser de ses préjudices, d'expertise afin d'évaluer ceux-ci, et dans l'attente, de condamnation de la commune

et de la SMACL à lui verser une provision de 10 000 euros. La commune de Saint-Georges-de-Didonne et la SMACL relèvent appel du jugement du 8 juillet 2021 par lequel le tribunal a retenu la responsabilité de la commune à hauteur de 80 % des dommages et a ordonné une expertise médicale avant de statuer sur les demandes indemnitaires. Par son appel incident, M. B... demande la réformation de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande de provision.

Sur la responsabilité :

3. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.

4. Il résulte de l'instruction que l'accident est survenu en présence des trois personnes qui accompagnaient M. B..., sa fille, un neveu et une amie, dont les attestations précises et concordantes sur les circonstances du dommage, illustrées de croquis pour deux d'entre elles, ne sauraient être mises en cause ni du fait du lien de parenté de deux des témoins avec la victime, ni par le fait que l'un des témoins a indiqué que M. B... voulait descendre sur la plage et les deux autres qu'il voulait s'asseoir sur le muret, dès lors que dans les deux cas, l'accident est décrit comme la conséquence d'un appui sur la dalle, laquelle dépassait en surplomb de la plage. La commune et la SMACL ne sont donc pas fondées à contester le lien de causalité retenu par les premiers juges entre le dommage et l'ouvrage public constitué par le muret.

5. Il n'est pas davantage contesté en appel qu'en première instance que des dalles avaient été déposées par les services de la commune à proximité du lieu de l'accident, ce qui démontre la connaissance d'une fragilité de leur scellement sur le muret, susceptible de constituer un danger. Il est constant que ce danger n'était pas signalé, alors que des photographies produites par M. B... établissent que le muret était utilisé par le public pour s'asseoir, ce que la commune ne pouvait ignorer. La production d'une attestation imprécise et non datée du responsable du centre technique municipal, selon laquelle il est procédé à des contrôles réguliers de l'état des équipements et installations de la commune, notamment en ce qui concerne le muret délimitant la plage le long du boulevard de la Côte de Beauté, ne démontre pas l'existence d'un entretien normal. C'est ainsi à bon droit que le tribunal a retenu un défaut d'entretien normal. En l'espèce, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de la faute de la victime, laquelle a fait du muret un usage inapproprié, en laissant à la commune de Saint-Georges-de-Didonne une part de responsabilité

de 80 %.

Sur la demande de provision :

6. L'expert désigné par le tribunal, qui a rendu son rapport, a retenu, en lien

avec l'accident du 25 octobre 2017, un déficit fonctionnel temporaire total durant 23 jours,

de classe IV (75 %) durant 61 jours, de classe II (25 %) durant 47 jours et de classe I (10 %)

durant 282 jours, un besoin d'assistance par une tierce personne de 1 h 30 par jour

durant 61 jours et de 2 heures par semaine durant 11 semaines, des souffrances endurées

de 3,5 sur 7, un préjudice esthétique temporaire de 4 sur 7 durant 61 jours, un déficit fonctionnel permanent de 2 % et un préjudice esthétique permanent de 1 sur 7. L'évaluation de ces préjudices ne saurait être inférieure à une somme totale de 9 000 euros après application de la part de responsabilité de 80 % de la commune. Par suite, il y a lieu de condamner solidairement la commune de Saint-Georges-de-Didonne et la SMACL à verser une provision de 9 000 euros

à M. B.... Cette somme sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2020, date de réception de la demande préalable, avec capitalisation des intérêts à compter

du 27 janvier 2021.

Sur la demande de la caisse :

7. La CPAM des Hauts-de-Seine, mise en cause par le tribunal, n'a pas encore produit devant lui. Par suite, sa demande de remboursement de ses débours, présentée pour la première fois en appel, est irrecevable.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

8. La commune de Saint-Georges-de-Didonne et la SMACL, qui sont la partie perdante, ne sont pas fondées à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à leur charge solidaire une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... à l'occasion

du présent litige.

9. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que les conclusions présentées par la CPAM des Hauts-de-Seine au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Saint-Georges-de-Didonne et la SMACL sont solidairement condamnées à verser une provision de 9 000 euros à M. B..., assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2020 et de leur capitalisation à compter du 27 janvier 2021.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 2000990 du 8 juillet 2021

est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Saint-Georges-de-Didonne et la SMACL verseront solidairement

à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Georges-de-Didonne et à la SMACL, à M. C... B..., à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine et à la Mutuelle générale de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX03621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03621
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-06;21bx03621 ?
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