Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 juin 2021 et le 15 septembre 2022, la société en nom collectif (SNC) Magasin 265, représentée par Me Le Derf-Daniel, demande à la cour :
1°) d'annuler la décision du 1er avril 2021 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé d'accorder une autorisation d'exploitation commerciale pour l'extension de 965 mètres carrés d'un ensemble commercial situé 8 rue Gustave Eiffel à Biganos par la création d'un magasin à l'enseigne " Noz " ;
2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le projet s'implante au sein de la zone commerciale de Biganos, dans un emplacement vacant, et permettra d'éviter la création d'une friche urbaine ;
- l'ensemble commercial propose quatre-vingt-trois places de stationnement, qui sont suffisantes ;
- le projet, qui va participer à la diversité de l'offre commerciale, apportera une offre complémentaire et aura des effets positifs sur l'animation de la vie urbaine ;
- le projet est suffisamment accessible via les modes de cheminement doux, qui sont au demeurant peu utilisés pour ce type de commerce ;
- ce projet, qui ne pouvait s'implanter dans aucune autre friche, ne nuira pas à la préservation ou à la revitalisation du centre-ville ;
- l'impact paysager est à relativiser dès lors que le magasin s'implantera dans un local existant ;
- le projet, situé à proximité des lieux de vie, respecte l'objectif de protection des consommateurs.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 février 2022, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de la SNC Magasin 265 ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... A...,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,
- et les observations de Me Maginot, représentant la SNC Magasin 265.
Considérant ce qui suit :
1. Le 26 octobre 2020, la SNC Magasin 265 a présenté une demande d'autorisation d'exploitation commerciale pour l'extension de 965 mètres carrés de la surface de vente d'un ensemble commercial situé 8 rue Gustave Eiffel à Biganos par l'implantation d'un magasin à l'enseigne " Noz ", portant la surface de vente totale de cet ensemble à 1 850 mètres carrés. Par une décision du 14 décembre 2020, la commission départementale d'aménagement commercial de la Gironde a refusé de délivrer l'autorisation demandée. Saisie d'un recours administratif préalable obligatoire, la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé d'accorder cette autorisation par une décision du 1er avril 2021. La SNC Magasin 265 demande à la cour d'annuler cette décision de la Commission nationale d'aménagement commercial.
Sur la légalité de la décision du 1er avril 2021 :
2. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; (...) / 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; (...) Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
4. La Commission nationale d'aménagement commercial a estimé, dans sa décision du 1er avril 2021, que le projet de la SNC Magasin 265 ne contribue pas à la préservation du tissu commercial du centre-ville de Biganos, qu'il n'est pas accessible par les modes de circulation doux de façon sécurisée, que sa qualité environnementale est insuffisante en l'absence de recours aux énergies renouvelables et de perméabilisation des places de stationnement existantes, et que l'insertion paysagère aurait pu être améliorée, notamment en ce qui concerne la qualité architecturale du bâtiment.
En ce qui concerne l'aménagement du territoire :
5. Il ressort des pièces du dossier que le projet viendra s'implanter dans un local auparavant dédié à la pratique du squash laissé vacant depuis le mois d'août 2020 situé à environ 2,5 kilomètres du centre-ville de Biganos.
6. En premier lieu, l'enseigne " Noz " est spécialisée dans le domaine du bazar, du discount et du déstockage généraliste de produits invendus et de " surstock ". Ainsi que l'a relevé la direction départementale des territoires et de la mer de la Gironde dans son avis du 30 novembre 2022, ce commerce ne viendra concurrencer que de manière très marginale les commerces du centre-ville dès lors qu'il a vocation à évoluer sur un " second marché ". De ce fait, malgré un champ d'intervention potentiellement très large quant aux types de produits proposés, le modèle de vente de cette enseigne ne permet pas de considérer que son implantation aura des effets négatifs sur tous les commerces du centre-ville, contrairement à ce que soutient la Commission nationale d'aménagement commercial en défense. Dans ces conditions, le projet dont il s'agit ne peut être regardé comme portant atteinte à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial de centre-ville de Biganos, alors même que cette ville présenterait un taux de vacance commercial de 13,2 %.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le site du projet est accessible tant par les piétons depuis le domaine public, grâce à des trottoirs matérialisés, que par les cyclistes dès lors qu'il est desservi par plusieurs pistes cyclables. Si la Commission nationale d'aménagement commercial a considéré que ces accès n'étaient pas suffisamment sécurisés, en relevant que les voies ne sont pas continues depuis les quartiers d'habitation, elle ne pouvait valablement opposer ce seul motif à la demande de la SNC Magasin 265, alors qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le site envisagé sera desservi par la ligne 610 du réseau de transports collectifs, qui dispose d'un arrêt de bus situé à 400 mètres de l'emplacement du futur magasin avec une fréquence de rotation de vingt minutes, et que la commune dispose d'un service de transport à la demande auquel les consommateurs pourront faire appel pour se rendre sur le site de l'enseigne " Noz ".
8. Enfin, le projet de la SNC Magasin 265 ne consommera aucun espace supplémentaire et permettra de résorber une friche commerciale, ayant ainsi un effet positif sur l'aménagement du territoire.
9. Au regard de l'ensemble ce qui a été dit aux points 6 à 8, la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation en considérant que le projet litigieux ne répondait pas aux exigences d'aménagement du territoire définies par l'article L. 752-6 du code de commerce.
En ce qui concerne le développement durable :
10. Il est constant que le projet dont il s'agit, qui porte sur l'extension d'un ensemble commercial, permet la création, dans un bâtiment existant, d'une surface commerciale destinée à s'implanter dans un local laissé vacant Dès lors, les sous-critères liés à la qualité environnementale et à l'insertion paysagère et architecturale, mentionnés à l'article L. 752-6 du commerce, lesquels ne sont applicables, en vertu des dispositions de cet article citées au point 2, qu'aux projets ayant pour objet l'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail, n'étaient pas opposables au projet en cause. Ainsi, la Commission nationale d'aménagement commercial ne pouvait valablement se fonder sur l'absence de recours aux énergies renouvelables et à l'insuffisante amélioration de l'insertion paysagère pour refuser d'accorder l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que les performances énergétiques du bâtiment seront améliorées et que le projet prévoit la plantation de quinze arbres. Par suite, la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet de la SNC Magasin 265 ne répondait pas aux exigences de développement durable définies par l'article L. 752-6 du code de commerce.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SNC Magasin 265 est fondée à demander l'annulation de la décision du 1er avril 2021 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploitation commerciale qu'elle demandait.
Sur l'injonction :
12. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la Commission nationale d'aménagement commercial procède au réexamen de la demande de la SNC Magasin 265, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
13. Il résulte des articles L. 752-17 et R. 751-8 du code de commerce que l'État a la qualité de partie au litige devant une cour administrative d'appel, saisie en premier et dernier ressort d'un recours pour excès de pouvoir, formé par l'une des personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du code de commerce, tendant à l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial.
14. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'État au titre des frais exposés par la SNC Magasin 265 et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La décision du 1er avril 2021 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé d'accorder une autorisation d'exploitation commerciale à la SNC Magasin 265 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder au réexamen de la demande de la SNC Magasin 265 dans un délai de trois mois.
Article 3 : L'État versera à la SNC Magasin 265 une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Magasin 265, à la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.
La rapporteure,
Charlotte A...Le président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX02519 2