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06/04/2023 | FRANCE | N°21BX01325

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 06 avril 2023, 21BX01325


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1604261 du 2 novembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. B... A... les cotisations patronales et salariales d'assurance vieillesse et de retraite complémentaire correspondant à des rémunérations versées au titre des missions d'expertise réalisées du 1er août 2000 au 31 décembre 2015 pour un montant d'assiette de 416 264 euros.

Par un jugement n° 1902252 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a enjoint au garde des sce

aux, ministre de la justice d'exécuter, dans le délai de deux mois, le jugement n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1604261 du 2 novembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. B... A... les cotisations patronales et salariales d'assurance vieillesse et de retraite complémentaire correspondant à des rémunérations versées au titre des missions d'expertise réalisées du 1er août 2000 au 31 décembre 2015 pour un montant d'assiette de 416 264 euros.

Par un jugement n° 1902252 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice d'exécuter, dans le délai de deux mois, le jugement n° 1604261 du 2 novembre 2018 et a assorti cette injonction d'une astreinte de 50 euros par jour de retard.

M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de liquider l'astreinte prononcée par ce jugement du 3 octobre 2019 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1902252 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a considéré qu'il n'y avait pas lieu de liquider cette astreinte.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 mars 2021, M. A..., représenté par Me Maginot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 janvier 2021 ;

2°) de procéder à la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 3 octobre 2019 pour la période allant du 3 décembre 2019 à la date à laquelle le jugement du

2 novembre 2018 aura reçu entière exécution ou, à défaut, à la date de l'arrêt à

intervenir ou, très subsidiairement, pour la période allant du 3 décembre 2019 au 21 juillet 2020 ;

3°) de majorer le montant de l'astreinte à la somme de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont omis de statuer sur ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- le jugement du 2 novembre 2018 n'a pas été entièrement exécuté ;

- le jugement dont l'exécution est demandée n'a commencé à être effectivement exécuté que postérieurement à la date prescrite par le tribunal.

Par un mémoire enregistré le 12 janvier 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 1604261 du 2 novembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. A... une indemnité selon les modalités exposées au point 3 de ce jugement et correspondant au montant de cotisations patronales et salariales d'assurance vieillesse et de retraite complémentaire afférentes à des rémunérations versées au titre des missions d'expertise réalisées du 1er août 2000 au 31 décembre 2015 pour un montant d'assiette de 416 264 euros. Il a renvoyé l'intéressé devant le ministre de la justice aux fins de liquidation de cette indemnité. Par un second jugement n° 1902252 du 3 octobre 2019 rendu aux fins d'assurer l'exécution du jugement susmentionné du 2 novembre 2018, le tribunal a enjoint au ministre de la justice de procéder, dans un délai de deux mois, à la liquidation et au paiement des sommes dues. Il a également assorti cette injonction, dans l'hypothèse où le ministre ne justifierait pas avoir exécuté ce jugement, d'une astreinte courant de l'expiration du délai prescrit pour cette exécution, et a fixé le taux de cette astreinte à 50 euros par jour de retard. M. A... relève appel du jugement du 28 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la liquidation de cette astreinte.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles L. 9, L. 911-7 et L. 911-8 du code de justice administrative que la décision par laquelle la juridiction ayant prononcé une astreinte provisoire statue sur sa liquidation présente un caractère juridictionnel et doit par suite être motivée.

3. D'une part, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à tous les arguments invoqués devant eux, ont répondu de façon circonstanciée au moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas entièrement exécuté le jugement du 2 novembre 2018.

4. D'autre part, les premiers juges, après avoir constaté que ce jugement avait été entièrement exécuté, avec retard mais avec application des intérêts au taux légal et au taux majoré arrêtés à la date de cette exécution, en ont déduit qu'il n'y avait pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de liquider l'astreinte prononcée en vue de l'exécution de ce jugement.

5. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé au regard des dispositions des articles L. 9, L. 911-7 et L. 911-8 du code de justice administrative

6. En second lieu, il ressort également du jugement attaqué que le tribunal, après avoir estimé qu'il n'y avait pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que demandait M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a omis de statuer sur ces conclusions dans son dispositif. Par suite, M. A... est fondé à demander, dans cette mesure, l'annulation de ce jugement.

7. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions de M. A... tendant à la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 octobre 2019 et, par la voie de l'évocation, sur sa demande de première instance tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

8. Aux termes de l'article L. 911-6 du code de justice administrative : " L'astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n'ait précisé son caractère définitif. Elle est indépendante des dommages et intérêts ". Aux termes de l'article L. 911-7 du même code : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée (...). / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ". Aux termes de l'article R. 921-7 du code précité : " Lorsqu'à la date d'effet de l'astreinte prononcée par le tribunal administratif (...), cette juridiction constate, d'office ou sur la saisine de la partie intéressée, que les mesures d'exécution qu'elle avait prescrites n'ont pas été prises, elle procède à la liquidation de l'astreinte dans les conditions prévues aux articles L. 911-6 à L. 911-8 (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que le ministre de la justice a entendu, par arrêté du 9 janvier 2020, procéder à la liquidation et à l'ordonnancement de l'indemnité due à M. A... au titre des cotisations sociales de retraite du régime général de sécurité sociale assises sur un montant de rémunération de 416 264 euros, en la fixant, sur la base des calculs réalisés par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie (CARSAT), à un montant de 85 882,28 euros, auquel il a ajouté, d'une part, la somme de 1 200 euros correspondant aux frais d'instance, d'autre part, celle de 7 919,45 euros représentant les intérêts au taux légal et au taux majoré dus pour la période du 2 novembre 2018 au 9 janvier 2020, soit une somme d'un montant total de 95 001,73 euros, qui a été virée sur le compte bancaire de l'intéressé le 16 janvier 2020. Par un second arrêté du 17 juillet 2020, le ministre de la justice a liquidé la somme totale de 27 320,01 euros, dont 3 211,97 euros d'intérêts, correspondant à l'indemnité complémentaire due à M. A..., pour la même période, au titre des cotisations sociales du régime de retraite complémentaire des agents publics non titulaires de l'Etat (IRCANTEC). Cette seconde indemnité a été versée à l'intéressé le 21 juillet 2020.

10. Si M. A... soutient que ces sommes ne correspondent pas à celles que l'Etat a été condamné à lui verser par le jugement susmentionné du 2 novembre 2018, il ne conteste pas les modalités de calcul retenues par la CARSAT et dont le détail a été produit devant le tribunal mais se borne à indiquer qu'il y aurait lieu d'appliquer un taux de cotisation URSSAF total de 29,6% sur la somme 416 264 euros sans produire aucun élément ni aucune explication à l'appui de cette allégation. Par ailleurs, le jugement du 2 novembre 2018 ayant seulement condamné l'Etat à lui verser les cotisations patronales et salariales d'assurance vieillesse et de retraite complémentaire, l'appelant n'est pas fondé à soutenir qu'il appartenait également à l'Etat, en exécution de ce jugement, de lui verser les cotisations de CSG/CRDS et les cotisations Pôle Emploi éludées.

11. Ainsi M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'Etat n'aurait pas entièrement exécuté le jugement du 2 novembre 2018. En outre, il ne résulte pas des circonstances de l'espèce, ci-dessus rappelées, que le tribunal aurait fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 911-7 du code de justice administrative en jugeant que, compte tenu de cette entière exécution et en dépit de sa tardiveté, il n'y avait pas lieu de procéder à la liquidation de l'astreinte.

Sur les frais exposés pour l'instance devant le tribunal administratif et devant la cour :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que demande M. A... au titre des frais qu'il a exposés devant le tribunal administratif et devant la cour soit mises à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Bordeaux et devant la cour est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2023.

Le rapporteur,

Manuel C...

La présidente,

Marie-Pierre Beuve DupuyLa greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01325
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : MAGINOT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-06;21bx01325 ?
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