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04/04/2023 | FRANCE | N°20BX02137

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 04 avril 2023, 20BX02137


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société aiguillonnaise de promotion agricole a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 à raison de son établissement situé à Damazan (Lot-et-Garonne).

Par un jugement n° 1801804 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistré

s les 8 juillet 2020 et 14 janvier 2021, la Société aiguillonnaise de promotion agricole, représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société aiguillonnaise de promotion agricole a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 à raison de son établissement situé à Damazan (Lot-et-Garonne).

Par un jugement n° 1801804 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juillet 2020 et 14 janvier 2021, la Société aiguillonnaise de promotion agricole, représentée par Me Rouzaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2020 ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration ne lui a jamais remis les fichiers qui lui avaient été confiés mais de simples copies et a conservé les fichiers qu'elle lui avait transmis spontanément en méconnaissance du c du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

- la station fruitière frigorifique, objet de l'imposition en litige a été mise en fonctionnement, non pas, comme l'a considéré à tort l'administration, en 2014, mais après la récolte de l'été 2015 ; elle ne pouvait donc être soumise à la cotisation foncière des entreprises à compter du 1er janvier 2015 sauf à méconnaître les dispositions de l'article 1478 du code général des impôts ;

- certains biens pris en compte pour déterminer les bases assujetties à la cotisation foncière des entreprises relèvent du 11° de l'article 1382 du code général des impôts et auraient dû, en conséquence, bénéficier de l'exonération applicable aux outillages et moyens d'exploitation des établissements industriels.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 décembre 2020 et 15 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La Société aiguillonnaise de promotion agricole a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur l'ensemble des éléments concourant à l'assiette des impôts directs locaux dus au titre des années 2014, 2015 et 2016 à raison de l'établissement constitué d'une station fruitière de stockage et de conditionnement de pommes qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Damazan (Lot-et-Garonne), à l'issue de laquelle des impositions supplémentaires ont été mises à sa charge au titre de la cotisation foncière des entreprises pour l'année 2015 et pour l'année 2016. Elle relève appel du jugement du 16 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de ces deux années.

Sur la régularité de la procédure :

2. Aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général.(...) L'administration détruit, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis(...) ".

3. Ainsi que l'a à bon droit relevé le tribunal, si les dispositions de cet article L. 47 A du livre des procédures fiscales interdisent à l'administration fiscale de conserver les copies des fichiers d'écritures comptables après la mise en recouvrement des impositions, cette interdiction est destinée à garantir au contribuable que des impositions ultérieures ne seront pas établies sur la base des données contenues dans ces fichiers. L'omission de restitution des copies des fichiers en cause, en méconnaissance de ces dispositions, est ainsi susceptible d'entacher la régularité des impositions qui viendraient à être ultérieurement établies sur la base des données qu'ils contiennent. Elle est, en revanche, à la supposer établie, sans influence sur les impositions mises en recouvrement après la consultation et l'exploitation des fichiers. L'appelante ne saurait dès lors utilement invoquer, dans le présent litige, un manquement de l'administration à son obligation de destruction.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne l'année de démarrage de l'activité :

4. Aux termes du I de l'article 1447 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes (...) morales (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (...) ". Aux termes du I de l'article 1478 du même code : " La cotisation foncière des entreprises est due pour l'année entière par le redevable qui exerce l'activité le 1er janvier. (...) "

5. La Société aiguillonnaise de promotion agricole reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de ce que son activité sur le site de Damazan n'aurait démarré qu'au cours de la récolte de l'été 2015. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne l'exonération de certains outillages et autres moyens d'exploitation :

6. Aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 ; / (...) ". Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties, en application des dispositions précitées du 11º de l'article 1382 du code général des impôts, et doivent, par suite, être exclus des bases imposables à la cotisation foncière des entreprises, les biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499 de ce code, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1º et 2º de l'article 1381 du même code, c'est-à-dire qu'ils ne constituent ni des installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits, ni des ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation, ces éléments étant mentionnés au 1° de l'article 1381, ni des ouvrages d'art et des voies de communication, mentionnés au 2° de cet article. En revanche, peu importe que ces biens soient ou non dissociables des immeubles.

7. Il est constant que l'établissement de la société requérante correspond à une exploitation de conditionnement et de stockage de grande capacité dans lequel le rôle de la force motrice et de l'outillage est prépondérant et qu'il est composé d'un bâtiment de 2 800 m² ainsi que de 14 chambres froides en atmosphère contrôlée et d'un bâtiment de conditionnement comportant plusieurs chaînes de précalibrage et de conditionnement automatisées. Pour établir les rappels en litige, l'administration a retenu la valeur de plusieurs immobilisations qu'elle a récapitulées dans un tableau annexé à son courrier du 10 avril 2017 adressé à la société, pour une valeur totale à retenir de 4 952 529,72 euros. La société requérante demande l'exclusion de la base imposable des valeurs retenues aux lignes 7 à 20 de ce tableau correspondant, selon elle, aux quais de manutention, aux installations frigorifiques, au dispositif de filtration de l'air et aux travaux d'électricité associés.

8. Il ressort des écritures de la Société aiguillonnaise de promotion agricole, que les réfrigérateurs, qui ont été portés à l'actif de ses comptes pour 735 714,10 euros, sont destinés à stocker les fruits avant leur vente à la grande distribution. Ils ne peuvent donc pas bénéficier de l'exonération prévue au 11° de l'article 1382 du code général des impôts dont sont exclues, ainsi qu'il a été dit au point 6, les installations destinées à stocker des produits.

9. S'agissant, en revanche, des quais de manutention, du dispositif de filtration de l'atmosphère et des travaux d'électricité réalisés pour l'installation de cette filtration, équipant les locaux de l'établissement de la société, aucun élément produit par l'administration ni aucun élément de l'instruction ne permet de mettre en doute leur adaptation aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts que l'administration ne conteste d'ailleurs pas sérieusement. Ces installations n'étant pas au nombre des installations et ouvrages mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381 du code général des impôts, elles sont, ainsi, exonérées de taxe foncière en application du 11° de l'article 1382 du code général des impôts et, par suite, leur valeur doit être exclue de la base de la cotisation foncière des entreprises de la société requérante.

10. Il résulte de l'instruction et notamment du tableau annexé au courrier du 10 avril 2017, que l'administration a retenu des installations correspondant aux quais de manutention pour les valeurs locatives de 3 258 euros, 1 040 euros et 9 316 euros et des installations de ventilation pour la valeur de 2 006 euros, soit un total de 15 620 euros au titre de l'année 2016 et la moitié, soit 7 810 au titre de l'année 2015. Aucun élément de l'instruction ne permet en revanche d'établir une correspondance, pour tout ou partie, entre les autres valeurs retenues par l'administration et les installations relatives aux quais de manutention et à la filtration de l'atmosphère, en particulier pour les travaux d'électricité et pour les honoraires d'architecte, désignés globalement et dont l'administration soutient qu'ils se rapportent aux travaux de réalisation de la station fruitière dans leur ensemble.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à demander la réduction de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 à raison de son établissement, dans la mesure correspondant à l'exclusion de sa base imposable de la valeur des installations visées au point précédent et à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la Société aiguillonnaise de promotion agricole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La Société aiguillonnaise de promotion agricole est déchargée de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Damazan (Lot-et-Garonne) au titre des années 2015 et 2016 à hauteur de la réduction de ses bases d'imposition de, respectivement, de 7 810 euros et 15 620 euros.

Article 2 : Le jugement du 16 juin 2020 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la Société aiguillonnaise de promotion agricole la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Société aiguillonnaise de promotion agricole et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée pour information au directeur spécialisé du contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.

La rapporteure,

Claire A...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02137


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02137
Date de la décision : 04/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Claire CHAUVET
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : ROUZAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-04;20bx02137 ?
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