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28/03/2023 | FRANCE | N°22BX01775

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 28 mars 2023, 22BX01775


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et sa décision du 23 octobre 2021 rejetant son recours gracieux et d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 2106353, du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2022, Mme D..., représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et sa décision du 23 octobre 2021 rejetant son recours gracieux et d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 2106353, du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2022, Mme D..., représentée par Me Cesso, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 avril 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour ainsi que la décision de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut de se prononcer à nouveau sur son droit au séjour, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

La requérante soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- il méconnait les dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme F... G....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... D..., ressortissante marocaine née le 4 février 1984, déclare être entrée en France le 7 février 2015. L'intéressée s'est vue délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 8 mars 2019 au 7 mars 2020. Mme D... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour le 15 janvier 2020. Par une décision du 16 juillet 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Mme D... relève appel du jugement du 14 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2021 et de la décision de rejet du recours gracieux formé contre cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, Mme D... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par les premiers juges, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 423-8 de ce code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L.423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ". Aux termes de l'article L. 373-2-2 du code civil : " I. - En cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l'enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d'une pension alimentaire versée, selon le cas, par l'un des parents à l'autre, ou à la personne à laquelle l'enfant a été confié. Les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont fixées par : / 1° Une décision judiciaire ; / 2° Une convention homologuée par le juge ; / 3° Une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l'article 229-1 ; / 4° Un acte reçu en la forme authentique par un notaire ; / 5° Une convention à laquelle l'organisme débiteur des prestations familiales a donné force exécutoire en application de l'article L. 582-2 du code de la sécurité sociale. / Il peut être notamment prévu le versement de la pension alimentaire par virement bancaire ou par tout autre moyen de paiement ".

4. Pour refuser de délivrer à Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", en qualité de parent d'enfant français, la préfète de la Gironde s'est fondée sur l'absence de justification que M. B..., père français de sa fille mineure, contribuait à son entretien et à son éducation depuis sa naissance ainsi que de toute décision de justice.

5. Mme D... soutient que le père de sa fille contribue effectivement à l'éducation de sa fille et se prévaut à cet égard de l'exercice d'un droit de visite chez la mère de celui-ci à Coutras, une fois par mois. Toutefois, si la requérante produit des justificatifs de voyages en train entre Bordeaux et Montpellier, où réside M. B..., à l'exception des voyages effectués le 4 juin et le 1er juillet 2021, tous les autres justificatifs sont postérieurs à la décision attaquée. Les attestations rédigées par M. B..., par la mère de celui-ci et par un ami se bornent quant à elles à certifier que l'intéressé se rend souvent chez sa mère pour voir sa fille. Par ailleurs, si Mme D... produit des photographies sur lesquelles M. B... figure aux côtés de sa fille, celles-ci ne sont pas datées. Mme D... soutient également que le père de sa fille contribue à l'entretien de celle-ci, et produit un justificatif de paiement de soins médicaux pour sa fille, un virement Western Union d'un montant de 50 euros, et une attestation rédigée par un membre de la Croix-Rouge datée, certifiant que M. B... procède, avec Mme D..., à des achats réguliers de vêtements et d'accessoires de puériculture. Toutefois, dès lors que le virement Western Union et le justificatif de soins médicaux sont postérieurs à la date de la décision attaquée, et que les tickets de caisse produits portant sur l'achat de vêtements pour enfant ne sont pas nominatifs, les éléments produits ne suffisent à établir la participation effective de M. B... à l'entretien de sa fille. Enfin, si Mme D... produit une ordonnance d'homologation de convention parentale, celle-ci, datée du 24 mars 2022, est toutefois postérieure à l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde a pu légalement estimer, sans méconnaitre les dispositions précitées des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que Mme D... ne remplissait pas les conditions pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français.

6. Dès lors, le droit au séjour de Mme D... doit s'apprécier au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Mme D... soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France, dès lors que les pères respectifs de ses deux derniers enfants ont vocation à demeurer en France, le premier étant de nationalité française, et le second, avec qui elle réside, étant un ressortissant marocain titulaire d'une carte de résident. Toutefois, d'une part, ainsi qu'il a été dit au point 5, Mme D... n'établit pas que le père de son deuxième enfant contribuerait à son entretien et à son éducation, d'autre part, l'intéressée n'apporte aucun élément établissant la réalité et l'ancienneté de sa relation avec son compatriote marocain. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Mme D..., l'arrêté attaqué n'a pas pour objet de séparer Mme D... de sa fille. Compte tenu du caractère récent de la scolarisation, l'intéressée n'apporte aucun élément de nature à justifier l'impossibilité pour son enfant alors âgée de quatre ans de poursuivre sa scolarité au Maroc. Enfin, Mme D... n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où elle a vécu la majorité de sa vie et où résident notamment son premier enfant, ses parents et sa fratrie. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de la requérante sur le territoire, la préfète de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté attaqué a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

10. Ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 8, la requérante n'établit pas que M. B..., le père de sa fille A..., participait effectivement à son entretien et à son éducation à la date de l'arrêté attaqué, ni que le père de son fils C..., de nationalité marocaine, résidait avec elle à cette date ou qu'il serait dans l'impossibilité de la suivre dans leur pays d'origine afin de se maintenir auprès de son fils. L'intéressée n'apporte par ailleurs aucun élément de nature à justifier l'impossibilité pour son enfant alors âgée de quatre ans de poursuivre sa scolarité au Maroc. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté attaqué, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et sa décision du 23 octobre 2021 rejetant son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Bénédicte Martin, présidente,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

La rapporteure,

Pauline G... La présidente,

Bénédicte Martin,

La greffière,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01775


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01775
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-28;22bx01775 ?
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