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23/03/2023 | FRANCE | N°22BX01743

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 23 mars 2023, 22BX01743


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " sa

larié ", ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation.

Par une ordonnance ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation.

Par une ordonnance n° 2200016 du 16 mars 2022, le président de la 3ème chambre

du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2022, M. B..., représenté par Me Lanne, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2021 et d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

A titre principal :

- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa requête pour tardiveté dès lors qu'il a déposé une demande d'aide juridictionnelle dans le délai de recours contentieux, ce qui a prorogé ce délai ;

- le premier juge a méconnu les dispositions de l'article L. 612-1 du code de justice administrative en ne l'invitant pas à régulariser sa requête ;

- dès lors qu'il est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance, la cour renverra l'affaire devant le tribunal afin de lui permettre de bénéficier du double degré de juridiction ;

A titre subsidiaire :

- l'arrêté du 22 juillet 2021 a été pris par une autorité incompétente ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- la préfète a estimé ne pas devoir vérifier si sa qualification et son expérience professionnelles peuvent constituer des motifs exceptionnels, alors qu'il a transmis une promesse d'embauche et a travaillé trois ans et demi en Arménie comme tailleur de pierre, et elle n'a pas examiné les caractéristiques de cet emploi difficile à pourvoir ; la décision ne fait pas état de son bénévolat au sein de la communauté des dominicains de Bordeaux depuis 5 ans

et de l'association Notre-Dame des Barrails depuis 2016, ce qui relève des motifs exceptionnels d'admission au séjour ; ainsi, la décision est entachée d'erreur de droit au regard de

l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des motifs exceptionnels et humanitaires au sens de l'article L. 435-1 dès lors qu'il est présent sur le territoire français depuis le 3 novembre 2010, qu'il justifie d'une promesse d'embauche en qualité de tailleur de pierre, qu'il est investi dans des activités de bénévolat, qu'il maîtrise la langue française, et que sa vie serait en danger en cas de retour dans son pays d'origine ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que sa compagne, en attente de l'asile en France, est enceinte, que son frère est réfugié en France, et qu'il n'a plus aucun membre de sa famille en Arménie ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car la préfète ne pouvait se fonder sur l'irrégularité de son entrée sur le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 6 janvier 2023, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle confirme les termes de son mémoire de première instance, qu'elle joint, lequel demandait à titre principal le rejet de la demande comme tardive.

Par une décision du 12 mai 2022, M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me Lanne, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant arménien, est entré sur le territoire français

le 3 novembre 2010. En dernier lieu, il a sollicité le 1er mars 2021 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et la commission du titre de séjour a émis un avis très favorable

le 21 mai 2021. Par un arrêté du 22 juillet 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel de l'ordonnance du 16 mars 2022 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté comme irrecevable pour tardiveté.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ". Aux termes de l'article L. 614-4 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application

des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le

tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. (...) ". Aux termes de l'article R. 776-2 de ce code : " I. Conformément aux dispositions de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application de l'article L. 251-1 ou des 3°,5° ou 6° de l'article L. 611-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. ".

3. Aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relatif à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...), lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / (... ) / 3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; / 4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. / (...)." Aux termes de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 : " Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré. (...) ". Aux termes de l'article 69 du décret du 28 décembre 2020 : " Le délai du recours prévu au deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé. (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, seuls vocation à contester une telle décision.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 22 juillet 2021 a été notifié

le 24 juillet 2021 à M. B..., et que ce dernier a présenté une demande d'aide juridictionnelle le 4 août 2021, dans le délai de trente jours qui lui était imparti pour contester

cet arrêté, ce qui a eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux. La décision

du 31 août 2021 statuant sur cette demande et accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à l'intéressé indique le nom de son avocat. Toutefois, aucune pièce du dossier ne permet de connaître la date à laquelle cette décision a été notifiée à M. B.... Dans ces circonstances, la demande de première instance, enregistrée le 3 janvier 2022, ne pouvait être regardée comme tardive.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme irrecevable. Par suite, l'ordonnance du 16 mars 2022 doit être annulée, et conformément aux conclusions présentées à titre principal par M. B..., l'affaire doit être renvoyée devant

le tribunal administratif de Bordeaux afin qu'il soit statué sur sa demande.

Sur les frais exposés à l'occasion du litige :

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat au titre des frais exposés par M. B... à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2200016 du 16 mars 2022 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 28 février 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2023.

La rapporteure,

Anne A... La présidente,

Catherine Girault

Le greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX01743


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01743
Date de la décision : 23/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : LANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-23;22bx01743 ?
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