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14/03/2023 | FRANCE | N°22BX01945

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 14 mars 2023, 22BX01945


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné à défaut de se conformer à ladite obligation.

Par un jugement n° 2106270 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
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Par une requête enregistrée le 25 juillet 2022, et la production d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné à défaut de se conformer à ladite obligation.

Par un jugement n° 2106270 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2022, et la production de pièces complémentaires enregistrée le 25 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Reix, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2106270 du 10 février 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné à défaut de se conformer à ladite obligation ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision méconnait l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il a été pris en charge à l'âge de 16,5 ans, et a présenté sa demande de séjour dans sa 19ème année ; sa structure d'accueil a rendu un avis positif sur son insertion ; les conditions du texte n'étaient pas cumulatives ; l'appréciation des critères de l'article L. 313-15 devait être portée de façon générale, dans la logique de l'admission exceptionnelle au séjour ;

- le préfet de la Dordogne a commis plusieurs erreurs de fait déterminantes ; il avait joint à son recours le contrat daté du 1er mars 2021, transmis par la préfecture à son conseil, à la suite de la demande de communication de son entier dossier ; les contrats de professionnalisation, pour lesquels l'autorisation de travail est de plein droit, ouvrent droit à la délivrance de titre de séjour " travailleur temporaire " ; il était bien autorisé à séjourner en France ; le préfet ne peut dans ses écritures se borner à considérer que le requérant n'avait pas d'autorisation de travail alors qu'elle était de plein droit et que son récépissé y renvoyait et ne l'excluait pas expressément ;

- les articles L. 5221-5 et 2 du code du travail ont été méconnus ; il avait, antérieurement à la décision contestée, conclu un contrat d'apprentissage, présenté une demande de séjour en tant que travailleur temporaire et était " autorisé à séjourner en France " au sens de l'article L. 5221-5 ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; ses parents et son frère sont décédés ;

- le préfet s'est placé en situation de compétence liée en s'en remettant entièrement aux avis de la DIRECCTE et à son refus sans même viser les aspects de leurs contenus qu'il retient ou écarte ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 février 2023, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-147 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme D... A... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien, né le 1er janvier 2002, déclare être entré en France le 22 avril 2018. Le 27 septembre 2020, il a sollicité un titre de séjour " travailleur temporaire ", sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 avril 2021, le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné à défaut de se conformer à ladite obligation. M. B... relève appel du jugement n° 2106270 du 10 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir été placé provisoirement à l'aide sociale à l'enfance (ASE) par une ordonnance de placement provisoire du tribunal de grande instance de Rodez du 16 juillet 2018, il a été mis fin à la prise en charge de M. B..., par un jugement définitif du 19 décembre 2018 du tribunal de grande instance de Périgueux, au motif d'un défaut de minorité. Toutefois, cette circonstance n'a pas fait obstacle à la prise en charge de l'appelant par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Dordogne dans le cadre de contrats " jeune majeur " renouvelés du 3 juin au 30 novembre 2020, du 30 novembre 2020 au 31 mars 2021, prolongé jusqu'au 31 décembre 2021.

3. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les textes pris pour son application, qui précisent les cas dans lesquels les étrangers présents sur le territoire national ont droit à la délivrance d'un titre de séjour, ne font pas obligation au préfet de refuser un titre de séjour à un étranger qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit, sauf lorsque les textes l'interdisent expressément. Dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est ainsi confié, il appartient au préfet d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé et des conditions non remplies, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pendant la période au cours de laquelle il a été pris en charge en qualité de jeune majeur par les services d'aide sociale à l'enfance, M. B... a obtenu le certificat d'aptitudes professionnelles (CAP) cuisine le 6 juillet 2020 et le diplôme d'études en langue française (DELF) niveau A1 le 11 janvier 2021. Il a souhaité dans un second temps s'orienter vers un autre secteur d'activité, la maçonnerie, en présentant un contrat d'apprentissage du 1er décembre 2020 au 30 novembre 2022, conclu avec l'entreprise Dordogne Piscines, visé par le centre de formation des adultes (CFA) Construction Sud Dordogne. Le contrat d'apprentissage a finalement été conclu, à compter du 1er mars 2021, au sein de l'entreprise FJ Construction, dans le cadre d'une formation en alternance suivie auprès du centre de formation des adultes (CFA) Construction sud Dordogne, pour préparer un diplôme professionnel de niveau 3 en maçonnerie. L'ensemble des encadrants attestent du sérieux, de l'équilibre, du respect, de l'assiduité et de la motivation de M. B... dans sa formation, en dépit du handicap initial lié à son faible niveau scolaire, qu'il a su surmonter, ainsi que de sa volonté d'intégration dans la société française. Plusieurs employeurs ont fait part de leur intention de le recruter. Il ressort des pièces du dossier que l'appelant n'a pas conservé de liens avec le reste de sa famille restée en Côte d'Ivoire, où ses parents sont décédés. Dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, et alors même que l'intéressé ne satisfaisait pas à l'une des conditions requises par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet doit être regardé comme ayant apprécié de façon manifestement erronée la situation de M. B... en refusant de lui délivrer un titre de séjour. L'illégalité dont ce refus est ainsi entaché entraîne son annulation ainsi que, par voie de conséquence, celle de l'obligation de quitter le territoire français avec fixation du pays de renvoi dont il a été assorti.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer expressément sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

6. Eu égard au motif retenu, l'annulation de l'arrêté du préfet de la Dordogne implique nécessairement la délivrance d'une carte de séjour à l'intéressé. Par suite, il y a lieu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, d'enjoindre au préfet de la Dordogne de délivrer à M. B... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Reix.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2106270 du 10 février 2022 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du préfet de la Dordogne du 23 avril 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Dordogne, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, de délivrer à M. B... un titre de séjour, et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : L'Etat versera à Me Reix une somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Marie Reix au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera communiquée au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 21 février 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 mars 2023.

La rapporteure,

Bénédicte A...La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01945


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01945
Date de la décision : 14/03/2023
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : REIX

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-14;22bx01945 ?
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