Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 mai 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2105564 du 23 février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 mars 2022, et des mémoires complémentaires enregistrés les 27 avril et 4 octobre 2022, M. D..., représenté par Me Landete, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 2105564 du 23 février 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 mai 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il a effectué une reconnaissance anticipée en août 2018 soit cinq mois avant la naissance de l'enfant ; de très nombreuses factures correspondent à des achats pour son éducation depuis sa naissance en 2019 jusqu'à ce jour ; il n'est pas en capacité de travailler et, dès lors, contribue à l'entretien et à l'éducation de sa fille proportionnellement à ses ressources ; il se rend très régulièrement avec la mère de l'enfant, dont il est séparé, aux consultations médicales de sa fille ; il réside en France depuis plus de onze ans ; il est très attaché à sa fille ; il s'est très récemment marié avec Mme C..., mère de Maïlye ; l'ensemble de ses liens familiaux sont sur le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 2 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 9 janvier 2023 à 12 h 00.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-147 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me Maurin-Gomis, pour Me Landete, représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant congolais né le 27 décembre 1977, serait entré, selon ses dires, sur le territoire français au mois d'août 2010. Il a fait l'objet de deux refus de titres de séjour, assortis d'obligations de quitter le territoire français par arrêtés du préfet de la Gironde en date des 23 décembre 2010 et 25 juin 2018, dont la légalité a été respectivement confirmée par jugements définitifs du tribunal administratif de Bordeaux des 8 juin 2011 et 27 décembre 2018. Le 3 février 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 mai 2021, la préfète de Gironde a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement n° 2105564 du 23 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 24 mars 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. D.... Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle
Sur la fin de non-recevoir opposée par la préfète de la Gironde :
3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été notifié à M. D... le 21 mai 2021 et qu'il n'a introduit sa requête devant le tribunal administratif de Bordeaux que le 22 octobre 2021. Cependant, il a formé une demande d'aide juridictionnelle le 27 mai 2021, soit dans le délai de recours contentieux, ce qui a eu pour effet de prolonger celui-ci. Aucune des pièces du dossier n'indique la date à laquelle la décision d'aide juridictionnelle aurait été notifiée à M. D.... Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la préfète de la Gironde, tirée de la tardiveté de la requête devant le tribunal administratif de Bordeaux, ne peut qu'être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
5. M. D... soutient qu'il est père d'un enfant français, Maïlye D..., née le 8 janvier 2019 à Bordeaux, et qu'il contribue à son éducation et son entretien, tant sur le plan matériel qu'affectif. L'intéressé produit, d'une part, des attestations de la mère de l'enfant, qu'il a d'ailleurs épousée le 10 septembre 2022, sur les conditions effectives de cette participation, d'autre part des témoignages d'un médecin généraliste, en date du 25 mai 2021, qui corrobore sa présence, avec la mère de l'enfant " globalement de façon régulière " aux consultations médicales du 24 janvier 2019 au 16 janvier 2021, ainsi que celle du médecin pédiatre, qui indique voir régulièrement l'enfant en consultation, accompagné de son père. Le service petite enfance du centre communal d'action sociale de Pessac a été informé que, pour la période du 1er février au 31 août 2021, l'appelant est désigné comme autorité parentale. La production de factures éditées au nom du requérant, entre le 17 mai 2019 et le 27 décembre 2020 pour l'achat de différents articles de petite enfance, l'envoi d'un mandat de 50 euros à la mère de l'enfant le 8 juillet 2019 sont de nature à établir la contribution financière, à hauteur de ses moyens, de M. D... à l'éducation et l'entretien de son enfant. Si, dans son mémoire en défense, présenté devant le tribunal administratif et repris en appel, la préfète de la Gironde fait valoir qu'elle a saisi, par courrier du 6 avril 2021, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bordeaux de soupçons de fraude à la reconnaissance de paternité à visée migratoire de M. D..., sur le fondement de plusieurs incohérences relevées lors d'entretiens de ses services avec l'intéressé et la mère de l'enfant, il ressort toutefois des pièces du dossier que la procédure a fait l'objet d'un classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée. Dans ces conditions, en refusant à l'appelant le droit au séjour en sa qualité de parent d'enfant français, la préfète a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ce refus de titre de séjour doit être annulé, ainsi que, par voie de conséquence, les autres décisions contenues dans son arrêté du 19 mai 2021. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 5, et dès lors qu'aucun autre moyen opérant et fondé n'est, par ailleurs, susceptible d'être accueilli, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet délivre à M. D... une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Landete, avocat de M. D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Landete de la somme de 1 200 euros.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. D... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le jugement n° 2105564 du 23 février 2022 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 3 : L'arrêté du 19 mai 2021 de la préfète de la Gironde est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. D... une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à Me Landete une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Landete renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... D..., à Me Pierre Landete et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera communiquée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 21 février 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 mars 2023.
La rapporteure,
Bénédicte A...La présidente,
Evelyne Balzamo
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00898