Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Vent Funeste, M. et Mme E... et D... C..., M. H... I... et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 25 avril 2018 par lequel la préfète de la Vienne a délivré à la société Ferme éolienne de Genouillé une autorisation unique d'installer et d'exploiter un parc éolien sur la commune de Genouillé.
Par un jugement n° 1801785 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 et 29 septembre 2020, 28 juin 2021 et 15 octobre 2021, l'association Vent Funeste, M. E... C... et Mme D... C..., M. H... I... et M. B... A..., représentés par Me Cadro, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 2 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté 25 avril 2018 par lequel la préfète de la Vienne a délivré à la société Ferme éolienne de Genouillé une autorisation unique d'installer et d'exploiter un parc éolien sur la commune de Genouillé ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête a été introduite dans les délais de recours contentieux ;
- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration à l'issue du délai de trois mois suivant le dépôt du rapport du commissaire enquêteur, faisant obstacle à l'édiction de l'arrêté du 25 avril 2018 ;
- le jugement est irrégulier car entaché d'omission à statuer ;
- l'étude d'impact est insuffisante, dès lors qu'elle ne traite pas suffisamment des effets visuels et sonores cumulés avec les autres projets et que l'étude complémentaire réalisée postérieurement à l'enquête publique ne permet pas de pallier cette insuffisance ; l'étude acoustique n'analyse pas suffisamment le bruit résiduel ;
- l'avis de l'autorité environnementale est irrégulier dès lors qu'il a été émis sur la base d'un dossier incomplet ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L. 511-1 du code de l'environnement, et l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet entraîne une saturation visuelle et un phénomène d'encerclement ; le projet de parc, qui se situe en co-visibilité avec plusieurs monuments historiques inscrits porte également atteinte à la commodité du voisinage ; il porte enfin atteinte à la biodiversité.
Par des mémoires en défense enregistrés les 7 avril 2021 et 5 août 2021, la société Ferme éolienne de Genouillé, représentée par Me Gelas, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des requérants la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est tardive ;
- les requérants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- les moyens invoqués à l'appui de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2021, la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... G...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,
- les observations de Me Cadro, représentant l'association Vent Funeste et autres, et les observations de Me Braille, représentant la société Ferme éolienne de Genouillé.
Considérant ce qui suit :
1. Le 10 décembre 2015, la société Ferme éolienne de Genouillé a déposé une demande d'autorisation unique d'installer et d'exploiter cinq éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Genouillé. Par un arrêté du 25 avril 2018, la préfète de la Vienne a délivré l'autorisation sollicitée. L'association Vent Funeste, M. et Mme C..., M. I... et M. A... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 25 avril 2018. Ils relèvent appel du jugement n° 1801785 du 2 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les requérants soutiennent que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact concernant le traitement des effets sonores cumulés du projet avec les autres projets de parcs éoliens environnants. Les premiers juges ont retenu, au point 8 de leur jugement, que l'étude d'impact indique, pour la réalisation de l'analyse des effets cumulés, que dix parcs autorisés, quatre projets en cours d'instruction et deux projets de la société exploitante encore non instruits ont été pris en compte, pour en conclure que les requérants n'étaient pas fondés à soutenir que l'étude des effets cumulés, laquelle apparaît comme suffisante, n'aurait pris en considération que les projets les plus proches. Ce faisant, le tribunal administratif de Poitiers, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a répondu au moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact concernant les effets cumulés du projet de parc éolien. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une omission à statuer doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'existence d'une décision implicite de rejet :
3. D'une part, aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / (...) 2° Les demandes d'autorisation au titre (...) de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime [de l'autorisation environnementale] prévu par le 1° leur est applicable (...) ".
4. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation. Les demandes d'autorisation régulièrement déposées, comme en l'espèce, avant le 1er mars 2017, sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017.
5. D'autre part, l'article 20 du décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, alors applicable prévoyait que : " Par dérogation au dernier alinéa de l'article R. 512-26 du code de l'environnement, à défaut d'une décision expresse dans les trois mois à compter du jour de réception par la préfecture du dossier de l'enquête transmis par le commissaire enquêteur, le silence gardé par le représentant de l'Etat dans le département vaut décision implicite de rejet. Ce délai peut être prorogé avec l'accord du demandeur ". Enfin, selon l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits peut, pour tout motif et sans condition de délai, être modifié ou abrogé sous réserve, le cas échéant, de l'édiction de mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6 ".
6. Il est constant que le rapport du commissaire enquêteur a été déposé auprès de la préfecture de la Vienne le 28 février 2017. La décision par laquelle la préfète de la Vienne a décidé de proroger le délai d'instruction de la demande de la société Ferme éolienne de Genouillé n'étant intervenue que le 30 mai 2018, soit au-delà du délai de trois mois prévu par les dispositions précitées de l'article 20 du décret du 2 mai 2014, une décision implicite de rejet de la demande présentée par la pétitionnaire est ainsi intervenue le 28 mai 2017. Toutefois, le refus de délivrer une autorisation constitue un acte non réglementaire non créateur de droits de sorte que la préfète de la Vienne a pu, en prenant l'arrêté du 25 avril 2018 portant autorisation environnementale, implicitement mais nécessairement abroger la décision implicite de rejet, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration. Enfin, la circonstance que la préfète de la Vienne a prolongé deux fois le délai d'instruction de la demande par arrêtés des 30 mai 2017 et 27 novembre 2017 sans qu'il soit démontré que la société pétitionnaire ait donné son accord, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce qu'une décision implicite de rejet devenue définitive aurait empêché l'édiction de l'arrêté en litige ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'avis de l'autorité environnementale :
7. Aux termes de l'article 13 du décret du 2 mai 2014 qui demeure applicable aux demandes d'autorisation déposées avant le 1er mars 2017, comme en l'espèce : " Dans les quatre mois à compter du dépôt de la demande d'autorisation unique, le représentant de l'Etat dans le département informe le demandeur de l'achèvement de l'examen préalable de son dossier et de l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement rendu conformément au III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement. Ce délai est suspendu à compter de la demande de compléments mentionnée à l'article 11 et jusqu'à la réception de ceux-ci. II. - Par dérogation au II de l'article R. 122-7 du code de l'environnement, le délai de quatre mois mentionné au I du présent article est applicable pour la délivrance de l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement ".
8. Il résulte de l'instruction que la société pétitionnaire a déposé son dossier de demande d'autorisation le 10 décembre 2015, date à laquelle le délai de quatre mois prévu par les dispositions précitées a ainsi commencé à courir. Par ailleurs, il est constant qu'un relevé des insuffisances du dossier a été adressé le 1er avril 2016, suspendant le délai d'instruction jusqu'à la date à laquelle le dossier a été complété, le 30 septembre 2016. Le délai a alors recommencé à courir pour la période restante de dix jours. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le 10 octobre 2016, le délai prévu par les dispositions précitées était expiré et l'autorité environnementale pouvait régulièrement transmettre à la société pétitionnaire l'information d'absence d'observations émises dans le délai. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale doit être écarté.
En ce qui concerne l'étude d'impact :
9. Aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement, applicable à la demande d'autorisation : " I. - A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) 4° L'étude d'impact (..) dont le contenu est défini à l'article R. 122-5 (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : (...) / e) Du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés, en tenant compte le cas échéant des problèmes environnementaux relatifs à l'utilisation des ressources naturelles et des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement susceptibles d'être touchées. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact : / - ont fait l'objet d'une étude d'incidence environnementale au titre de l'article R. 181-14 et d'une enquête publique ; / - ont fait l'objet d'une évaluation environnementale au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité environnementale a été rendu public. / Sont exclus les projets ayant fait l'objet d'un arrêté mentionnant un délai et devenu caduc, ceux dont la décision d'autorisation est devenue caduque, dont l'enquête publique n'est plus valable ainsi que ceux qui ont été officiellement abandonnés par le maître d'ouvrage ; (...) ".
10. Il résulte des dispositions précitées que l'étude d'impact doit être proportionnée à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
11. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 122-5 du code de l'environnement que les projets à prendre en compte au titre de l'analyse des effets cumulés d'une opération avec des projets existants ou approuvés, sont ceux ayant fait l'objet d'un avis de l'autorité environnementale rendu public à la date de la remise de l'étude d'impact par le pétitionnaire.
12. D'une part, il résulte de l'instruction que l'étude d'impact précise que pour l'analyse du cumul des incidences du projet en litige avec d'autres projets, ont été pris en compte dix parcs éoliens autorisés, quatre projets de parcs éoliens en cours d'instruction et deux projets de la société exploitante encore non instruits, lesquels sont situés à des distances allant de 1,7 à plus de 20 kilomètres. L'étude d'impact comporte par ailleurs des photomontages mettant en évidence les inter visibilités autour des parcs éoliens environnants concernés. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas de l'instruction que les auteurs de l'étude d'impact auraient seulement pris en compte les deux parcs éoliens les plus proches du projet pour apprécier les effets cumulés.
13. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment de la carte présentant la localisation des photomontages, que les prises de vue ont été réparties de façon équilibrée depuis des lieux de vie, permettant de représenter une perception à 360° autour du parc en litige ou lorsqu'une covisibilité était envisageable. Enfin, aucun texte ne faisant obligation à l'exploitant de faire figurer des photomontages depuis l'ensemble des lieux d'habitations les plus proches, les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que l'étude d'impact serait insuffisante du fait de l'absence de photomontages depuis les hameaux de Chez Texier, Chez Perochon et Les Réchez.
14. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'étude d'impact analyse les effets cumulés des nuisances acoustiques du projet en litige et des parcs éoliens environnants, selon la méthodologie proposée par le guide de l'étude d'impact sur l'environnement des parcs éoliens, établit un état des lieux des parcs existants, présente des tableaux relatifs à l'impact acoustique du projet en tenant compte des parcs éoliens à proximité, et notamment le parc éolien sud-Vienne, après mise en place du plan de bridage, et conclut à l'absence de dépassement des limites réglementaires pour chaque point de référence. Dès lors, les nuisances acoustiques cumulées sont suffisamment traitées par l'étude d'impact.
15. En troisième lieu, les mesures de bruits de l'étude acoustique ont été réalisées sur la période allant du 24 juin au 16 juillet. Conformément à la méthodologie standard dont il a été fait application, les évènements particuliers liés aux activités humaines et correspondant aux bruits de fond dans l'environnement n'ont pas été pris en compte pour le calcul des niveaux d'émergence sonore liés au fonctionnement des éoliennes. Contrairement à ce qu'allèguent les requérants, la seule circonstance que les mesures acoustiques ont été réalisées au cours d'une période où la végétation est plus dense et de reprise de l'activité agricole ne suffit pas à établir le caractère insuffisant de l'étude.
16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté en toutes ses branches.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'environnement :
17. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, applicable en l'espèce : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. " Par ailleurs, aux termes de l'article L. 181-3 du même code, créé par la même ordonnance : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ".
18. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation d'exploiter délivrée en application de l'article L. 512-1 du code de l'environnement des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour ces intérêts. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation aux dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, qu'il ne peut légalement délivrer cette autorisation.
19. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le site d'implantation du projet de parc éolien en litige, composé de cinq aérogénérateurs d'une hauteur de 180 mètres et d'un poste de livraison, se situe sur le territoire de la commune de Genouillé, dans le sud du " seuil du Poitou ", au sein du paysage de plaines vallonnées et boisées du Ruffécois, intermédiaire entre les paysages d'openfield et de bocage, caractérisé par un relief peu marqué, globalement inférieur à 200 mètres d'altitude. L'occupation du sol du secteur se partage principalement entre cultures intensives et boisements. Les monuments historiques du secteur se situent en majorité dans les aires d'étude intermédiaire et éloignée du projet, lesquelles s'étendent sur un rayon de plus de 20 kilomètres autour de ce projet, seuls quatre d'entre eux étant situés dans l'aire d'étude immédiate. Dans ces conditions, le paysage naturel environnant, s'il n'est pas dépourvu de tout intérêt, ne peut être regardé comme présentant un caractère ou un intérêt particulier à l'identité ou à l'attractivité desquelles le parc éolien porterait atteinte.
20. Concernant les éléments patrimoniaux, la majorité d'entre eux, situés dans l'aire d'étude intermédiaire ou lointaine, à des distances allant de 6,7 kilomètres à plus de 20 kilomètres, ne seront pas visuellement impactés par le projet éolien d'une manière significative. Concernant l'église Notre-Dame à Genouillé, le château de Cibioux et l'église de Surin, situés respectivement à 2,3, 3, et 3,5 kilomètres du projet, dans l'aire immédiate, il résulte de l'instruction que la sensibilité de monuments historiques est qualifiée de forte, mais que les vastes parcelles, les bois et la végétation permettent toutefois de limiter les visibilités du projet, de sorte que l'atteinte à ces monuments ne saurait être qualifiée de significative.
21. Par ailleurs, si les requérants soutiennent que le projet de parc éolien portera une atteinte sensible aux hameaux environnants compte tenu de la visibilité des éoliennes, et se prévalent également du phénomène d'ombres portées, notamment à hauteur de 30 heures par an pour le hameau Chez Texier, et supérieur à 30 minutes par jour pour les hameaux Frenier et chez Texier, il résulte toutefois de l'instruction que les habitations existantes seront toutes situées au-delà de la distance règlementaire de 500 mètres des futurs aérogénérateurs, et que la présence de boisements et végétations limitent la visibilité des éoliennes depuis ces habitations. En outre, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit de seuil d'exposition maximale. Ainsi, sans dénier l'impact visuel que le projet entraînera sur les hameaux et les habitations environnants, il ne résulte cependant pas de l'instruction que cette atteinte puisse être qualifiée de significative en raison, notamment, d'un phénomène de rupture d'échelle ou d'un effet d'écrasement révélant une atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
22. Enfin, il est constant que le parc éolien de Genouillé s'inscrit dans un environnement déjà marqué par la présence de plusieurs parcs éoliens. Il résulte toutefois de l'instruction que les covisibilités entre ces parcs sont limitées par la forte végétalisation des alentours et par la distance qui sépare le projet des parcs éoliens les plus proches. L'étude d'impact ainsi que l'étude paysagère complémentaire réalisée par la société pétitionnaire en juillet 2019, qui ne fait que confirmer l'étude d'impact initiale sur ce point, comportent une analyse spécifiquement consacrée au risque de saturation visuelle et d'encerclement, prenant en compte les parcs éoliens les plus proches. Il résulte de l'instruction que le degré de saturation visuelle et d'encerclement a été calculé selon les trois critères en usage, à savoir l'angle d'occupation de l'horizon, l'angle de respiration visuelle et la densité d'éoliennes. Il en résulte que pour tous les hameaux concernés, les seuils d'occupation des horizons dépassent 120°, seuil d'alerte au-dessus duquel les éoliennes peuvent avoir un effet sensible sur le paysage et le cadre de vie, mais que l'angle de respiration le plus grand demeure important pour trois hameaux, allant de 133° à 226°, seul l'angle de respiration visuelle le plus grand demeure à un niveau faible pour le hameau Les Réchez, de 62° seulement. Il en résulte également que les éoliennes ne sont visibles dans le même champ visuel de manière significative que depuis les villages de Saint-Gaudent et Genouillé, mais que la distance permet d'éviter tout effet d'encerclement. En outre, il ressort des photomontages réalisés par la société pétitionnaire que l'impact cumulé est faible compte tenu de la végétation et de l'éloignement entre les projets de parcs éoliens. Les conclusions des analyses spécifiques sur ce point mettent d'ailleurs en évidence l'absence de phénomène d'encerclement sur les hameaux de Chez Texier, Chez Pérochon, Puy Girard et Les Réchez, ainsi qu'un impact dans l'ensemble " très faible " du projet en termes de saturation visuelle sur ces hameaux. Il ne résulte pas de l'instruction que ces conclusions seraient erronées ou insuffisantes en raison de la méthodologie employée par les auteurs de l'étude. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les aérogénérateurs en litige, pris isolément ou dans leur ensemble, devraient contribuer à un phénomène de saturation visuelle ou d'encerclement avec les aérogénérateurs déjà autorisés. Dans ces circonstances, le moyen tiré de ce que le projet porterait une atteinte sensible aux paysages, au patrimoine et à la commodité du voisinage doit être écarté.
23. En second lieu, d'une part, s'agissant de l'atteinte que le projet est susceptible de porter à l'avifaune, il résulte de l'instruction que le projet est concerné par trois sites Natura 2000 situés à des distances allant de 11,7 à 20 kilomètres autour de la zone d'implantation du projet, et de dix zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique, situées à des distances allant de 5 à 10 kilomètres. S'il résulte de l'étude d'impact que 60 espèces d'oiseaux ont été recensées au sein de l'aire d'implantation du projet, et que plusieurs de ces espèces présentent une vulnérabilité notable aux éoliennes, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que le projet aura un impact négatif sur l'avifaune nicheuse, telle que l'Œdicnème criard, la buse variable, le milan Noir, le Faucon Crécerelle, ou encore la chevêche d'Athéna, la chouette hulotte et le hibou moyen-duc. Il en est de même concernant l'avifaune migratrice, telle que la grue cendrée, le milan royal, le vanneau huppé ou encore le pluvier doré, pour laquelle l'impact du projet est qualifié de faible. En outre, la vulnérabilité de certaines espèces a été prise en compte par la pétitionnaire, qui a prévu que les travaux de réalisation du parc éolien, qui seront encadrés par un ingénieur écologue, débuteront en dehors de la période de nidification des espèces recensées dans le secteur, ainsi que la mise en place d'un suivi de l'activité et de la mortalité avifaunistique pour une durée de trois ans.
24. D'autre part, si les requérants invoquent l'atteinte que le projet est susceptible de porter aux chiroptères, ils n'apportent toutefois aucun élément à l'appui de leur moyen, qui ne peut, dès lors, qu'être écarté.
25. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 511-1 du code de l'environnement doit être écarté dans l'ensemble de ces branches.
26. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la société Ferme éolienne de Genouillé, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés non compris dans les dépens. En revanche, Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Vent Funeste, de M. et Mme C..., de M. I..., et de M. A..., le versement à la société Ferme éolienne de Genouillé de la somme de 1 500 euros sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association Vent Funeste, M. et Mme C..., M. I... et M. A... est rejetée.
Article 2 : L'association Vent Funeste, M. et Mme C..., M. I... et M. A... verseront à la société Ferme éolienne de Genouillé une somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Vent Funeste, à M. E... C..., désigné en qualité de représentant unique des requérants en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la société Ferme éolienne de Genouillé et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 21 février 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023.
La rapporteure,
Pauline G...La présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX02943 2