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14/03/2023 | FRANCE | N°20BX01519

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 14 mars 2023, 20BX01519


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2020 et des mémoires complémentaires, enregistrés les 27 août et 17 novembre 2021, la production de pièces complémentaires enregistrée le 25 mai 2020, l'association Mont Transet Vent Debout, Mme H... D..., M. E... B..., la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Elevage du Palais, M. et Mme L... J... F..., A... K... G..., représentés par Me Cadro, demandent à la cour administrative d'appel de Bordeaux :

1°) d'annuler l'arrêté n° 23-2019-12-31-002 du 31 décembre 2019 par lequel la préfèt

e de la Creuse a délivré une autorisation environnementale pour l'exploitation d'...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2020 et des mémoires complémentaires, enregistrés les 27 août et 17 novembre 2021, la production de pièces complémentaires enregistrée le 25 mai 2020, l'association Mont Transet Vent Debout, Mme H... D..., M. E... B..., la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Elevage du Palais, M. et Mme L... J... F..., A... K... G..., représentés par Me Cadro, demandent à la cour administrative d'appel de Bordeaux :

1°) d'annuler l'arrêté n° 23-2019-12-31-002 du 31 décembre 2019 par lequel la préfète de la Creuse a délivré une autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs sur les territoires des communes de Thauron et Mansat-la-Courrière ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt à agir : l'association a intérêt à contester l'arrêté litigieux, qui porte atteinte au paysage et à la biodiversité environnante, dans un ressort géographique mentionné dans ses statuts ; les requérants, personnes physiques, habitent à proximité immédiate du site d'implantation des futures éoliennes ;

- à la date d'introduction de la requête, le président disposait de la capacité juridique, même en l'absence de nouvelle assemblée générale, en application des règles transitoires résultant du décret n° 2020-925 du 29 juillet 2020, du décret n° 2020-418 du 10 avril 2020, de l'ordonnance n° 2020-1497 du 2 décembre 2020, et du décret n° 2021-255 du 9 mars 2021 à la suite de la crise sanitaire ; le mandat du président a été renouvelé, de même que tous les membres du bureau ; la capacité à agir peut être régularisée en cours d'instance ;

S'agissant de la légalité externe de l'arrêté :

- l'étude d'impact est insuffisante ;

- elle est lacunaire sur le volet acoustique ; une seule campagne de mesure du vent a été réalisée du 24 février au 7 mars 2017, pendant laquelle il a plu sept jours ; un problème technique a entrainé une coupure de la mesure au bout de huit jours ; les tonalités marquées n'ont pas été analysées ; l'étude acoustique n'aborde pas la question des impacts cumulés avec les autres installations ICPE et, notamment, les autres parcs en projet ; l'analyse sonore pour les parcs éoliens constitue un élément de l'étude d'impact obligatoire afin de s'assurer de la faisabilité du projet ; elle n'a été effectuée que pendant six jours, ne permettant pas de caractériser l'environnement sonore dans les plus grandes occurrences de fonctionnement ; les campagnes post implantation n'ont pas le même objet que l'étude acoustique initiale ; la société ayant modifié son projet le 3 décembre 2019, en supprimant une éolienne, il lui était loisible, à cette occasion, de compléter son étude d'impact afin de prendre en compte ce nouveau projet ;

- le volet paysager ne permet pas d'appréhender correctement l'impact visuel du parc sur les lieux de vie et sur le patrimoine naturel ; les 22 photomontages sont inexploitables, soit surexposés, soit pris devant des éléments occultant les vues réelles ; ils n'illustrent pas le bâti ; la commission d'enquête retient d'ailleurs cette circonstance dans son rapport ; depuis le hameau du Quinsat, l'intégralité des éoliennes serait visible, le bâti et la végétation disparaissant ;

- le centre régional de la propriété forestière n'a pas émis d'avis, en méconnaissance de l'article L. 312-9 du code forestier ; l'autorisation unique vaut également autorisation de défrichement ;

- l'étude de danger prescrite par l'article L. 181-25 du code de l'environnement est insuffisante ;

- l'éolienne E2 se situe à seulement 26 mètres d'un périmètre de protection rapproché de captage d'eau ; le risque de pollution, induit par la présence du périmètre de protection rapprochée n'a pas été pris en considération ;

- le risque incendie n'a pas été analysé alors que le projet est situé en pleine zone forestière ; les éoliennes seront situées entre 24 et 48 mètres de boisements, haies ou lisières ; l'étude de danger et les informations apportées sur le risque incendie sont insuffisantes, en se contentant d'aborder brièvement l'avis du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) sans détailler les mesures effectivement mises en œuvre pour ce projet ; n'est pas précisé si le réseau hydraulique permet l'alimentation des deux poteaux, ni où ils seront situés, ni même, dans l'hypothèse où il faudrait une retenue d'eau de 240 m3, où cette dernière serait située ;

S'agissant de la légalité interne de l'arrêté :

- le projet va s'implanter dans une zone à fortes contraintes d'une part et défavorable pour partie d'autre part compte tenu du rebord paysager ;

- le projet, situé en milieu forestier porte atteinte à la protection de la biodiversité :

- la détermination des enjeux ne doit pas avoir pour unique conséquence la mise en place de mesures de réduction des impacts mais doit avant tout permettre de savoir si le site prévu s'avère propice ou non à l'implantation d'un tel projet ;

- au niveau du schéma régional de cohérence écologique (SRCE), le site du projet fait partie de l'unité forestière de la montagne limousine, un paysage sylvopastoral dont le taux de boisement est de plus de 50 % (dont 50 % de résineux) ; le site d'implantation est classé ici en milieux boisés à préserver ;

- il s'étend en partie sur le parc naturel régional de Millevaches-en-Limousin ;

- plusieurs zones d'intérêt majeur sont situées à proximité immédiate de l'aire d'implantation immédiate ; dans le périmètre de 15 kilomètres autour de l'aire d'étude immédiate, 19 zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type I et 6 ZNIEFF de type II sont recensées ;

- plusieurs habitats d'intérêt communautaire sont présents dont : hêtraie, formations riveraines à Saules, chênaies acidiphiles, prairies humides atlantiques et subatlantiques ;

- de nombreuses zones humides sont recensées ; le réseau hydrographique est riche avec six cours d'eau majeurs : le Taurion, l'Ardour, la Gartempe, le ruisseau de la Drouille, la Maulde et la Leyrenne ;

- le Bois de Transet, situé en plein cœur de la zone d'implantation potentielle (ZIP) constitue un réservoir de biodiversité ;

- le site se situe également dans le couloir de migration principal des grues cendrées ;

- 40 espèces hivernantes ont été recensées lors des prospections de terrain ; des espèces forestières remarquables comme la mésange noire ou le bouvreuil pivoine dont les populations nicheuses possèdent des statuts de conservation défavorables au niveau national (statuts non définis en hiver) ont été recensées ; la présence de ces oiseaux sédentaires sur le site laisse présager leur reproduction dans l'aire d'étude immédiate ; trois espèces se détachent du fait de leur intérêt patrimonial : le pic noir, le faucon pèlerin et le milan royal, lequel est une espèce vulnérable au niveau national et en danger en Limousin ;

- en période de migration postnuptiale, 39 espèces ont été répertoriées en migration active ou en halte migratoire dont cinq espèces de rapaces (bondrée apivore, busard des roseaux, épervier d'Europe, milan royal et faucon crécerelle) ainsi que le pigeon ramier, la grue cendrée et le grand cormoran ; 24 espèces se servent du site et de ses abords comme halte migratoire ;

- si la société défenderesse met en avant des mesures de réduction des impacts, aucune de ces mesures ne porte sur un éventuel bridage des éoliennes pendant les périodes migratoires à risque ; l'arrêté préfectoral litigieux ne fixe aucune mesure complémentaire ;

- en migration prénuptiale, 32 espèces migratrices en transit actif et/ou en halte migratoire ont été inventoriées, dont de nombreux rapaces : milan noir, milan royal, buse variable, busard saint C..., busard des roseaux, ainsi que des échassiers et deux espèces de colombiformes ; cinq espèces observées en migration active au-dessus du site du projet du Mont de Transet figurent à l'annexe I de la directive oiseaux et ont un intérêt patrimonial ; le milan royal et les vanneaux huppés ont été repérés principalement à des hauteurs de vols entre 50 et 180 mètres soit au niveau exact des pales des éoliennes ;

- en période de nidification, 69 espèces ont été contactées dans la zone d'implantation potentielle et l'aire d'étude immédiate en période de nidification ; quinze espèces, hors rapaces, sont jugées patrimoniales ; neuf espèces de rapaces diurnes et trois rapaces nocturnes ont été contactées sur ou aux abords du site ; trois couples de buse variable occupent le site immédiat en qualité de nicheurs, de même pour la chouette hulotte ; l'autour des palombes, espèce patrimoniale niche en plein cœur de la ZIP ; cette dernière espèce est en régression au niveau régional, notamment dans le nord de la Haute-Vienne et de la Creuse où de nombreux boisements et haies sont abattus ; ce rapace figure sur la liste régionale des espèces déterminantes des ZNIEFF ; la liste rouge régionale l'a classé parmi les espèces vulnérables en 2015 ; le circaète Jean Le Blanc, espèce rare en Europe et considérée à l'échelle nationale, comme " vulnérable " niche dans l'aire d'étude rapprochée ; le statut de reproduction du faucon pèlerin, espèce limousine vulnérable, est évalué comme nicheur probable dans l'aire d'étude rapprochée ; le statut de reproduction du grand-duc d'Europe, en " danger critique d'extinction " au niveau régional, est jugé possible hors de la zone d'implantation potentielle ; la nidification du milan noir, qui figure à l'annexe I de la directive oiseaux, est certaine dans la zone d'implantation potentielle et probable dans l'aire d'étude rapprochée ; le milan royal, qui figure à l'annexe I de la directive oiseaux, est jugé nicheur possible dans l'aire d'étude rapprochée ; pas moins de 23 espèces patrimoniales nichent sur ou aux abords directs du futur parc éolien ;

- le risque de collision concerne tous les oiseaux, aussi bien en période de nidification, d'hivernage ou de migration ; les milans (noir et royal), les busards (dont le busard Saint C... et la buse variable) les faucons et l'autour des palombes, espèces toutes présentes sur le site, sont les plus impactés par les éoliennes ; selon la classification de Durr, le milan noir est classé niveau 4, soit au plus haut niveau de sensibilité à l'éolien ; selon cette même classification, quatorze espèces dont le circaète Jean-le-blanc, le milan noir, le grand-duc d'Europe, le busard cendré, le faucon pèlerin et le faucon crécerelle ont été classifiés à un niveau trois ;

- l'installation d'un parc éolien peut engendrer des pertes de territoires de reproduction et de chasse ;

- s'agissant des rapaces notamment, hormis un arrêt de deux éoliennes en période de travaux agricoles (conditionné au bon vouloir des agriculteurs), les seules mesures mises en avant par la défenderesse sont des mesures de suivi qui n'auront aucune influence sur la mortalité ou le dérangement de ces espèces et qui sont, de toute façon obligatoires ;

- sur l'intégralité des " zones naturelles d'intérêt reconnu " recensées dans l'aire d'étude éloignée, quinze concernent des chauves-souris ; les trois sites les plus proches abritent la quasi-totalité des espèces de chiroptères, dont certaines sont particulièrement rares en Limousin ; 12 peuvent être considérées patrimoniales au vu de leurs statuts de protection/conservation et de leur rareté régionale : le rhinolophe euryale, le petit rhinolophe, le grand rhinolophe, le minioptère de Schreibers, la noctule commune, la noctule de Leisler, la pipistrelle de Nathusius, le vespère de Savi, la barbastelle d'Europe, le grand murin, le murin de Bechstein et le murin à oreilles échancrées ; dans un rayon d'un km, 13 gîtes sont potentiellement présents ; 15 espèces de chauves-souris, dont certaines rares en Limousin, sur les 21 potentiellement présentes dans le secteur ont été recensées de manière certaine dans la zone d'implantation potentielle lors des inventaires ; neuf des quinze espèces présentent un statut particulier (annexe II de la directive habitats-faune-flore) ou un statut de conservation défavorable ; la présence majoritaire de boisement est problématique à deux titres ; les éoliennes seront toutes situées entre 24 mètres et 35 mètres induisant un impact par risque de collision très fort ; la seule mesure de bridage ne permettra pas de faire regarder les impacts comme non significatifs ; le défrichement nécessaire à l'opération va induire une perte d'habitat (gîtes) conséquente ainsi qu'une perte de territoire de chasse, en contradiction avec la politique du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) qui consiste à préserver des arbres anciens qui peuvent être des gîtes ; il n'existera pas de possibilité de report d'habitat pour le murin de Bechstein ;

- l'arrêté indique que 11 200 m² seront défrichés et que la replantation portera sur 33 600 m² ; or, l'étude sur le milieu naturel affirme qu'au moins 42 204 m² seront défrichés de manière définitive ; rien ne justifie que la replantation ne porte que sur la superficie de chênaies et hêtraies détruites ; la mesure vient seulement " compenser " les impacts résiduels et ne bénéficiera pas aux espèces de chiroptères présentes sur le site qui perdront des zones de gîtes et de chasse ; aucune indication n'est apportée sur la localisation ; aucun accord de propriétaires n'est versé au débat ;

- le projet ne respecte pas la distance de sécurité qui aurait pu permettre de réduire de manière significative la mortalité ; le plan de bridage ne permet pas, à lui seul, de réduire de manière significative le risque de mortalité ;

- aucune demande de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, qui est d'application stricte, n'a été déposée ; l'article L. 411-2 du code de l'environnement instaure la possibilité de déroger à l'interdiction de porter atteinte aux espèces protégées, sous certaines conditions ; de nombreuses espèces fauniques ou de flores sauvages reçoivent une protection spécifique en raison de leur intérêt scientifique particulier ou en raison de la préservation du patrimoine biologique ; elles font l'objet d'une protection européenne, selon l'article 1er de la directive n° 79/409 du 2 avril 1979 devenue la directive n° 2009/147 du 30 novembre 2009, relative à la protection des oiseaux sauvages ; le projet portera une atteinte à ces espèces protégées notamment par le biais de perte d'habitats, de perte de territoire de chasse tant pour l'avifaune que pour les chiroptères ;

- pour ces dernières espèces, les impacts bruts vont de fort à très fort et d'impacts résiduels significatifs pour sept espèces après mesures de réduction ; la perte d'habitat, zone de transit ou chasse est significative pour au moins deux éoliennes malgré les mesures de réduction ;

- le projet porte atteinte au paysage, patrimoine bâti et cadre de vie des riverains (commodité du voisinage) ; le paysage présente un intérêt justifiant de sa préservation ;

- le site d'implantation se trouve sur un rebord paysager et sur une ligne de crête ; il jouxte le site inscrit des gorges de Thaurion de sensibilité forte compte tenu de l'impact visuel du parc sur ce site ; le caractère naturel des lieux est aujourd'hui préservé ; les hameaux de l'aire d'étude immédiate sont dispersés sur l'ensemble de l'aire d'étude ; le projet est prégnant pour au moins 14 des 30 hameaux situés dans un rayon de 2 km du projet ;

- le projet porte atteinte au caractère naturel des lieux et à la commodité du voisinage ; la ligne de faîte qui forme un demi-cercle au milieu de la ZIP en reliant le Mont de Transet au sommet des Très-Vents constitue une ligne de force importante, visible depuis une grande partie des aires d'études immédiate et rapprochée ;

- le projet porte atteinte à la sécurité publique ;

- l'implantation de cinq éoliennes d'une hauteur de 150 mètres et d'un poste de livraison limitera les possibilités d'usages des moyens aériens de lutte contre l'incendie,

augmentant ainsi la vulnérabilité de ce massif au risque incendie ; le dispositif, prévu par la préfète, qui n'a pas été prévu par le porteur du projet souffre d'un manque d'information patent pour que sa mise en œuvre soit effective ; aucune indication n'est donnée sur son emplacement, sur les pistes d'accès des engins de lutte contre l'incendie ;

- le risque de pollution du captage d'eau potable ne peut être écarté ; le radier sera en limite immédiate du périmètre, les pales survoleront le captage ; en cas de fuite d'huile ou d'eau glycolée, ce dernier sera irrémédiablement pollué, ce d'autant qu'aucun défrichage ne sera possible sous la surface de survol ;

- la concertation avec les riverains a été succincte ; l'opposition provient tant des collectivités que de la population du département de la Creuse ;

- le développement de l'éolien ne doit pas se faire au détriment des paysages, de la population ou de la biodiversité.

Par des mémoires en défense enregistrés les 12 octobre 2020, 14 octobre 2021 et 3 janvier 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société par actions simplifiée (SAS) Centrale éolienne Mont de Transet, représentée par Me Versini-Campinchi, conclut au rejet de la requête, à ce que soient mises à la charge solidaire des requérants et à la charge de l'association intervenante, les sommes respectives de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que, d'une part, le président de l'association Mont de Transet Vent Debout ne justifie pas de la régularité de son mandat, situation qui conduit à douter de sa qualité pour contester l'arrêté, à la date du dépôt de la requête ; d'autre part, il n'est pas justifié de l'intérêt à agir des autres requérants, personnes physiques et morales ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 8 février 2021, Mme G..., représentée par Me Cadro, déclare se désister purement et simplement de sa requête.

Par un mémoire en intervention enregistré le 25 août 2021, l'association Guéret environnement, représentée par Me de Froment, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté n° 23-2019-12-31-002 du 31 décembre 2019 par lequel la préfète de la Creuse a délivré une autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs sur les territoires des communes de Thauron et Mansat-la-Courriere ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle a un intérêt à agir ; ses statuts définissent un objet social suffisamment précis et limité, en rapport direct avec les intérêts lésés par la décision attaquée ;

S'agissant de la légalité externe de l'arrêté :

- l'étude d'impact, même si elle mentionne l'obligation d'estimation des dépenses, n'en fournit aucune, en méconnaissance des articles R. 512-6 et R. 512-8 du code de l'environnement ;

- l'article L. 512-1 du code de l'environnement a été méconnu ; l'arrêté contesté ne mentionne que la prévention des risques technologiques ; sont omises toutes les mesures de sécurité ayant pour objet la formation et la chute de glace, l'échauffement des pièces mécaniques, la survitesse, les courts-circuits etc. pourtant mentionnées dans l'étude d'impact ainsi que dans l'étude de dangers et son résumé non-technique ; en omettant de spécifier ces mesures de sécurité, l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure ;

- le caractère défavorable de l'avis du commissaire enquêteur fait naitre un vice de procédure, entachant d'illégalité la décision attaquée ; le rapport et les conclusions de la commission d'enquête font état des nombreuses difficultés et réserves, sur le manque d'information de la population lors de la phase d'élaboration du projet, sur l'impact visuel évoqué mais minimisé dans l'analyse, l'absence de prise en compte du risque incendie ; les réserves ainsi émises sont absolues et susceptibles d'aucune rectification de la part de l'autorité décisionnaire ;

S'agissant de la légalité interne de l'arrêté :

- l'arrêté attaqué est dépourvu de base légale en visant un texte, annulé par la juridiction administrative ; il vise le schéma régional de cohérence écologique du Limousin adopté le 2 décembre 2015 et censuré le 17 décembre 2015 par le tribunal administratif de Limoges pour défaut d'évaluation environnementale ; le schéma régional de cohésion écologique du Limousin, actuellement en vigueur s'oppose à l'installation d'éoliennes, autorisée par le présent arrêté ; d'autres documents de ce type, tel que le schéma régional climat air énergie du Limousin approuvé par l'arrêté du 23 avril 2013, ne sauraient servir de base légale de la décision attaquée ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation, en raison de l'atteinte à la conservation du paysage ; ses prescriptions sont insuffisantes, au regard de l'ampleur de l'installation projetée et de la nature de l'environnement dans lequel elle doit être réalisée ; l'expert en écologie a émis un avis explicitement défavorable au projet ; le parc éolien se trouve sur une ligne de faîte, et par sa position dominante, est visible depuis les paysages ouverts au nord-est ; la hauteur maximale projetée des éoliennes qui sera de 150 mètres sur une ligne de crête à 632 mètres de hauteur soit 782 mètres de haut, équivalent à un ouvrage deux fois supérieur à la taille de la tour Eiffel ; en raison de cette exposition visuelle, l'impact du projet sur le paysage et son attractivité touristique est décuplé ; la zone d'implantation du projet se situe à proximité immédiate de deux sites archéologiques, et d'un ancien calvaire matérialisant le chemin de Saint Jacques de Compostelle ; la vallée du Thaurion, paysage inscrit et emblématique, comprend plusieurs zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) ; le site classé Natura 2000 présente un grand intérêt écologique et abrite une biodiversité remarquable et caractéristique du patrimoine naturel régional ; sur les 240 communes de la Creuse, 80 sont concernées par le plan éolien récemment acté par la région Nouvelle Aquitaine ; cette implantation massive d'éoliennes devrait donner lieu à une co-visibilité importante entre les installations, de nature à modifier durablement le paysage creusois ; la présence d'éoliennes entraînerait une perte minimale de la valeur des biens immobiliers de 20 à 30 % ;

-l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation, en raison de l'atteinte à la biodiversité environnante ; il ne prévoit pas de mesures satisfaisantes pour sa protection ;

- le projet aurait un impact en matière de perte d'habitats naturels et d'atteinte aux chiroptères, qu'il ne peut évaluer ; cette espèce est protégée aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- le mouvement des pales des aérogénérateurs est susceptible d'entraîner une mortalité importante d'oiseaux d'espèces protégées ou non, notamment lors des migrations saisonnières de ces volatiles (grues, oies sauvages) ; les éoliennes se situeraient à une altitude qui est celle de leur passage dans ce couloir migratoire ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation, en raison de l'atteinte causée par les nuisances sonores ; il ne prévoit pas de mesures suffisantes pour sa prévention et ne comporte pas les solutions concrètes, mises en place afin d'assurer la réduction voire l'absence de nuisances sonores pour la commodité du voisinage ; les campagnes de mesures acoustiques et la transmission de leurs résultats à l'inspection des installations classées ne sauraient prouver, qu'en cas de nuisances sonores excessives, que l'exploitant sera bien en mesure de les atténuer voire de les supprimer ; le volet acoustique de l'étude d'impact révèle des risques de dépassement des valeurs réglementaires ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation, en raison de l'absence de prise en compte de l'exposition du projet aux vents ; selon la carte météorologique des vents, le département de la Creuse bénéficie d'un vent moyen de 4 à 5 m/s, ce qui est insuffisant pour qu'une éolienne ait un rendement normal ; l'autorisation préfectorale, dépourvue de mesures relatives à l'exposition aux vents, nécessaires au fonctionnement des éoliennes, ne tient pas compte de l'efficacité énergétique de l'installation, au sens de l'article L. 311-5 du code de l'énergie ; l'absence de précision sur le choix de modèle des éoliennes à implanter, différentes les unes des autres en termes de puissance, ce qui a des conséquences importantes sur l'efficacité énergétique de l'installation, témoigne d'un manque total d'attention portée à cette caractéristique ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation, en raison de l'absence de prise en compte de la proximité d'un lieu de captage d'eau ; l'éolienne E2 est située à proximité immédiate du périmètre de protection rapprochée du captage d'eau potable de Quinsat, objet d'une déclaration d'utilité publique.

Par ordonnance du 6 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 janvier 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;

- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 ;

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- le code forestier ;

- l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable ;

- l'arrêté du 29 octobre 2009 du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, et du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I... C...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- les observations de Me Cadro, représentant l'association Mont Transet Vent Debout et autres et de Me Duclercq, représentant la société Centrale éolienne Mont de Transet.

Considérant ce qui suit :

1. La société Centrale éolienne Mont de Transet, filiale de la société Neoen, a déposé le 16 novembre 2017 une demande d'autorisation, modifiée le 3 décembre 2019, pour l'exploitation d'un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs, d'une hauteur en bout de pales de 150 mètres, et d'un poste de livraison sur les communes de Thauron et de Mansat-la-Courrière. Par arrêté du 31 décembre 2019, la préfète de la Creuse a délivré à la société l'autorisation sollicitée. Par la présente requête, l'association Mont Transet Vent Debout, Mme D..., M. B..., la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Elevage du Palais, M. et Mme J... F..., A... G... demandent à la cour l'annulation de cet arrêté.

Sur le désistement :

2. Par un mémoire enregistré 8 février 2021, Mme G... a déclaré se désister de sa requête. Ce désistement étant pur et simple et rien ne s'y opposant, il y a lieu de lui en donner acte.

Sur l'intervention :

3. Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.

4. L'association Guéret Environnement, agréée par arrêté du 23 septembre 1999 du préfet de la Creuse, a pour but la préservation et la défense de l'environnement, l'intégrité des sites, la qualité de la vie dans le ressort du département de la Creuse, dans lequel se trouvent les communes de Thauron et de Mansat-la-Courrière. Dès lors, eu égard aux intérêts qu'elle se donne pour mission de défendre et au ressort géographique de son action, au cœur duquel se situe le projet d'implantation du site éolien en litige, cette association justifie d'un intérêt suffisant à intervenir au soutien des conclusions présentées par l'association Mont Transet Vent Debout et autres. Il en résulte que l'intervention présentée par cette association est recevable.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'étude d'impact :

5. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire :/ 1° Un résumé non technique des informations prévues ci-dessous. (...) / 2° Une description du projet, y compris en particulier :/- une description de la localisation du projet ;/- une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet, (...) ;/- une description des principales caractéristiques de la phase opérationnelle du projet, relatives au procédé de fabrication, à la demande et l'utilisation d'énergie, la nature et les quantités des matériaux et des ressources naturelles utilisés ;/- une estimation des types et des quantités de résidus et d'émissions attendus, tels que la pollution de l'eau, de l'air, du sol et du sous-sol, le bruit, la vibration, la lumière, la chaleur, la radiation, et des types et des quantités de déchets produits durant les phases de construction et de fonctionnement./Pour les installations relevant du titre Ier du livre V du présent code (...) cette description pourra être complétée dans le dossier de demande d'autorisation en application des articles R. 181-13 et suivants (...) ;/3° Une description des aspects pertinents de l'état actuel de l'environnement, dénommée "scénario de référence", et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet (...) ;/ 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ;/ 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres :/a) De la construction et de l'existence du projet, (...) ;/ b) De l'utilisation des ressources naturelles, (...) ; c) De l'émission de polluants, du bruit, de la vibration, de la lumière, la chaleur et la radiation, de la création de nuisances et de l'élimination et la valorisation des déchets ;/ d) Des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l'environnement ;/e) Du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés, (...) Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact :/-ont fait l'objet d'une étude d'incidence environnementale au titre de l'article R. 181-14 et d'une enquête publique ;/- ont fait l'objet d'une évaluation environnementale au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité environnementale a été rendu public. (...) /f) Des incidences du projet sur le climat et de la vulnérabilité du projet au changement climatique ;/g) Des technologies et des substances utilisées. / (...) ;/ 6° Une description des incidences négatives notables attendues du projet sur l'environnement qui résultent de la vulnérabilité du projet à des risques d'accidents ou de catastrophes majeurs en rapport avec le projet concerné. Cette description comprend le cas échéant les mesures envisagées pour éviter ou réduire les incidences négatives notables de ces événements sur l'environnement et le détail de la préparation et de la réponse envisagée à ces situations d'urgence ;/ 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ;/ 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour :/- éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ;/- compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité./La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ;/ 9° Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées ;/ 10° Une description des méthodes de prévision ou des éléments probants utilisés pour identifier et évaluer les incidences notables sur l'environnement ;/ 11° Les noms, qualités et qualifications du ou des experts qui ont préparé l'étude d'impact et les études ayant contribué à sa réalisation ;/ 12° Lorsque certains des éléments requis ci-dessus figurent dans (...) l'étude des dangers pour les installations classées pour la protection de l'environnement, il en est fait état dans l'étude d'impact. (...) ".

6. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne

sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative .

S'agissant du volet acoustique :

7. Il résulte de l'instruction que les relevés de bruit, destinés à caractériser l'état sonore initial autour du projet, ont été effectués dans les conditions fixées par les dispositions de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations éoliennes soumises à autorisation ICPE et de la norme NF31-114 relative aux mesures de bruit des éoliennes. Les mesures ont été effectuées, à partir de sept points acoustiques, sur une durée de douze jours, du 24 février au 7 mars 2017 en fonction principalement d'un secteur de vent dominant sud (sud-est à sud-ouest). Les périodes de pluies marquées ont été supprimées, conformément à la norme de mesure NF S 31-010. Si un problème technique a entrainé une coupure de la mesure à l'un des points au bout de huit jours, le bureau d'études a estimé qu'il n'avait pas eu d'incidence significative sur la qualité de la mesure. Les requérants ne démontrent donc pas que la réalisation d'autres campagnes de mesure aurait abouti à des résultats différents, ni que l'état initial sonore aurait été sous-évalué. Le bureau d'études conclut à l'impossibilité d'estimer par calcul les tonalités marquées au stade de l'étude d'impact, lesquelles ne peuvent être vérifiées que lors du fonctionnement effectif du parc éolien et sont prévues par l'article 10 de l'arrêté contesté. Sur la base des données communiquées par les constructeurs des deux modèles d'éoliennes envisagés par le pétitionnaire, il a dans l'attente procédé aux spectres non pondérés de puissance acoustique pour une vitesse de vent standardisée de 10 mètres/seconde pour observer qu'aucune tonalité marquée n'apparaît sur ces spectres de puissance et retenir qu'aucune tonalité marquée liée au fonctionnement de ces équipements ne serait perceptible au niveau des riverains. Conformément aux dispositions précitées de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, l'étude d'impact produite par la société à l'appui de sa demande d'autorisation ne devait porter sur le cumul des incidences qu'avec d'autres projets connus, et notamment ceux ayant fait l'objet d'une étude d'impact au titre du code de l'environnement et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public. Un projet de parc éolien, celui de Janaillat Saint-Dizier Leyrenne, distant de six kilomètres a donné lieu à un avis de l'autorité environnementale, émis le 9 janvier 2019, postérieurement au dépôt de l'étude d'impact concernant le projet en litige. Par suite, ce projet n'avait pas à faire l'objet d'une analyse au titre des effets cumulés lorsque la société Centrale éolienne Mont de Transet a déposé son étude d'impact. Au demeurant, la société pétitionnaire a procédé, dans une note complémentaire, à l'analyse des effets cumulés de son projet avec celui de Janaillat Saint-Dizier Leyrenne et a qualifié de " globalement faible " l'impact cumulé. La mission régionale de l'autorité environnementale (MRAE) dans son avis émis le 11 septembre 2018 note que si quinze autres projets sont recensés à l'échelle de l'aire d'étude rapprochée, les effets cumulés potentiels parmi lesquels les émergences acoustiques entre le projet en litige et les autres projets, de faible hauteur, sont évalués comme étant négligeables. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact sur ce point ne peut qu'être écarté.

S'agissant du volet paysager :

8. Il ressort de l'annexe du volet paysage et patrimoine qu'elle comprenait 36 photomontages permettant d'apprécier l'insertion des éoliennes dans les aires d'études éloignée, rapprochée et immédiate. 23 points de vue concernaient cette dernière étude, la localisation des points de vue ayant été choisie par le paysagiste à partir de l'état initial du paysage et des secteurs à enjeux et/ou à sensibilité paysagers ou patrimoniaux. L'association requérante et autres ne démontrent pas que ces documents ne permettraient pas de décrire de façon objective et sincère les impacts des éoliennes sur le paysage, le cadre de vie des habitants et les habitations les plus proches. Si la commission d'enquête estime que les choix effectués, au travers des photomontages, " ont tendance à minorer les effets visuels par la présence d'obstacles de premiers plan, ou l'aspect grisé des éoliennes à l'horizon ", elle note que le dossier d'enquête comporte les pièces réglementaires et les éléments d'études prévus par les textes. Il ne résulte pas de l'instruction que les conditions de réalisation des photomontages auraient été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Par suite, le moyen tiré de ce que le volet paysager de l'étude d'impact n'aurait pas été conforme aux prescriptions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement doit être écarté.

9. L'association intervenante ne peut utilement se prévaloir des articles R. 512-6 et R. 512-8 du code de l'environnement, lesquels ont été abrogés le 1er mars 2017. Si l'intéressée soutient que le pétitionnaire n'a produit dans l'étude d'impact aucune estimation des dépenses engagées dans le cadre de la compensation des inconvénients de l'installation, il résulte toutefois de l'instruction que la partie 9 de l'étude d'impact présente les mesures d'évitement, de réduction, de compensation et d'accompagnement, prises pour la conduite du projet, qu'il s'agisse des phases de construction, d'exploitation et de démantèlement, en précisant pour chacune son coût prévisionnel. L'ensemble de ces mesures et de leur coût hors taxes fait l'objet de tableaux de synthèse. Par suite, le moyen soulevé manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne l'avis du centre régional de la propriété forestière :

10. D'une part, aux termes de l'article L. 312-9 du code forestier : " (...) Aucune coupe ne peut y être faite sans l'autorisation préalable de l'autorité administrative, après avis du centre régional de la propriété forestière. Cette autorisation peut être assortie de l'obligation, pour le bénéficiaire, de réaliser certains travaux liés aux coupes ou qui en sont le complément indispensable. (...) ". Selon l'article R. 312-20 du même code, dans les bois et forêts assujettis au régime spécial d'autorisation administrative, toute exploitation doit être préalablement autorisée par le préfet après avis du centre régional de la propriété forestière. L'article R. 312-21 du même code dispose que : " Lorsque, dans les bois et forêts assujettis au régime spécial d'autorisation administrative, une coupe est liée à un projet de défrichement autorisé en application des articles R. 341-1 et suivants, elle est dispensée de l'autorisation prévue à l'article R. 312-20 pour la superficie objet du défrichement. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 341-3 du même code : " Nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation. (...) / L'autorisation est expresse lorsque le défrichement :/ 1° Est soumis à enquête publique réalisée conformément aux dispositions du chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement ; (...) ".

11. Enfin aux termes de l'article L.181-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I. L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite (...)/ 11° Autorisation de défrichement en application des articles L. 214-13, L. 341-3, L. 372-4, L. 374-1 et L. 375-4 du code forestier ; (...) ".

12. II résulte des dispositions qui précèdent, que contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'avis du centre régional de la propriété forestière n'était pas requis dans le cadre de la procédure de demande d'autorisation environnementale, assortie d'une demande d'autorisation de défrichement. Le moyen soulevé est par suite inopérant et ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'étude de danger :

13. Aux termes de l'article L. 181-25 du code de l'environnement : " Le demandeur fournit une étude de dangers qui précise les risques auxquels l'installation peut exposer, directement ou indirectement, les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 en cas d'accident, que la cause soit interne ou externe à l'installation. /Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation. /En tant que de besoin, cette étude donne lieu à une analyse de risques qui prend en compte la probabilité d'occurrence, la cinétique et la gravité des accidents potentiels selon une méthodologie qu'elle explicite. /Elle définit et justifie les mesures propres à réduire la probabilité et les effets de ces accidents. ".

S'agissant de la proximité du projet avec le périmètre de protection rapprochée d'un captage d'eau :

14. Par arrêté du 19 octobre 2011, le préfet de la Creuse a déclaré d'utilité publique au bénéfice de la commune de Mansat-la-Courrière l'établissement d'un périmètre de protection du captage du Quinsat situé sur les communes de Mansat-la-Courrière et de Thauron. Il est constant que l'éolienne E2 est implantée à 27 mètres du périmètre de protection rapprochée de ce captage. Les requérants soutiennent que les risques induits par cette proximité n'auraient pas été pris en considération dans l'étude de dangers. Il résulte toutefois de l'instruction que cet enjeu a été clairement identifié dans l'étude de dangers et considéré pour retenir la variante, conforme aux interdictions imposées par l'arrêté du 19 octobre 2011. La commission d'enquête publique a d'ailleurs estimé que " les mesures réglementaires de protection des captages d'eau potable sont normalement prises en compte et doivent s'accompagner d'un suivi scrupuleux des mesures de prévention des pollutions dans cette phase de chantier. ". L'agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine, par ses avis émis les 24 juillet et 18 décembre 2017, estime le projet compatible avec les prescriptions de l'arrêté du 19 octobre 2011, sous réserve du respect de certaines conditions. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude de dangers sur ce point ne peut qu'être écarté.

S'agissant du risque incendie :

15. Il résulte de l'instruction, notamment de l'étude de dangers que, s'agissant du risque incendies, selon le dossier départemental des risques majeurs de la Creuse, ce département n'est pas identifié comme situé dans une région particulièrement exposée aux risques d'incendie de forêts et n'est donc pas soumis à l'élaboration d'un plan de protection des forêts contre les incendies. Aucune commune du département n'est concernée par un risque majeur lié aux feux de forêts. La société, bénéficiaire de l'autorisation, s'engage à respecter les préconisations exprimées par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Creuse, dans un courrier joint en annexe 2 de l'étude d'impact en date du 28 juin 2016, relatives à l'accessibilité, à l'exploitation et au dispositif de défense incendie extérieure, lequel consiste en l'installation de deux poteaux d'incendie, dont les spécificités sont mentionnées, et d'un point d'eau d'une capacité minimum de 240 m3, conforme à la circulaire interministérielle n° 465 du 10 décembre 1951, les implantations étant soumises préalablement au service d'incendie et de secours. L'étude de dangers, en son point 4.2.3 " sécurité de l'installation " indique que celle-ci doit respecter la réglementation en vigueur en matière de sécurité décrite par l'arrêté du 26 août 2011, relatif aux installations soumises à autorisation au titre de la rubrique 2980 des installations classées pour la protection de l'environnement, notamment l'article 23, prévoyant la mise en place d'un système de détection incendie ou de survitesse, sa maintenance, ainsi que la transmission de l'alerte dans un délai de quinze minutes. Le point 7.6 récapitule les fonctions de sécurité identifiées et mises en œuvre sur le parc éolien, parmi lesquelles " la protection et l'intervention incendie " détaillant la description des mesures, le temps de réponse et le dispositif de maintenance. Le tableau de synthèse conclusif rappelle les mesures de sécurité à mettre en œuvre pour prévenir le risque incendie et l'intervention. Au vu de ces éléments, il n'est pas démontré que l'étude de dangers était insuffisante au regard du risque incendie présenté par le projet.

En ce qui concerne les conclusions de la commission d'enquête :

16. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ".

17. Il résulte des conclusions de la commission d'enquête que l'organisation et le déroulement de l'enquête publique ont été conformes à la réglementation, " tous les moyens réglementaires (ayant) été utilisés pour informer le public de la tenue de l'enquête publique ", de même que le dossier d'enquête a comporté les pièces réglementaires et les éléments d'étude prévus par les textes. La commission d'enquête a repéré les enjeux forts du projet, constaté certains manquements s'agissant des possibilités de production du parc éolien, d'une étude spécifique sur la présence de vestiges archéologiques, de la minoration de l'impact visuel et touristique, et de l'impact du démantèlement sur l'activité sylvicole. Elle a considéré que les risques avaient été bien identifiés, tout en estimant minorés les phénomènes de projection et d'incendie. Elle a constaté que le public avait pu faire part " sans retenue et de manière posée " de ses observations et émis des réserves sur la qualité des réponses apportées par le pétitionnaire, qu'elle a qualifiées de trop générales tout en étant " très techniques " sur certains points. Après avoir énuméré les aspects positifs et négatifs du projet, et insisté sur l'implantation préoccupante de l'éolienne E3, située à proximité d'une route communale n° 5 et de l'éolienne E2, située à proximité d'un périmètre de protection rapprochée du captage de Quinsat, elle a émis un avis défavorable à la demande d'autorisation environnementale. Pour lever les réserves émises par la commission d'enquête, la société exploitante a, par courrier du 3 décembre 2019, informé la préfète de la Creuse du choix de supprimer l'éolienne n° 3 et d'exclure tout survol de la route communale n°5, de ramener le projet à l'implantation de cinq éoliennes au lieu de six, pour limiter l'intensité de certains impacts, et sans que cette évolution modifie le sens des conclusions des études sur les capacités techniques et financières du projet. Dans l'arrêté contesté, la préfète de la Creuse a pris acte de cette suppression et émis plusieurs prescriptions en matière de défrichement, de prévention contre l'incendie. Dans ces conditions, et alors que le pétitionnaire n'était soumis à aucune obligation d'information du public dès la phase d'élaboration du projet, le moyen tiré de ce que l'avis défavorable de la commission d'enquête, qui ne lie pas l'auteur de l'acte, révèlerait une irrégularité de procédure de nature à entacher d'illégalité l'arrêté attaqué doit être écarté.

18. La commission d'enquête a noté que les habitants des communes de Thauron et de Mansat la Courrière, directement concernés, se sont peu exprimés. Toutefois, la circonstance que la concertation avec les riverains du projet aurait été succincte n'est pas de nature à révéler une irrégularité de la procédure dès lors que les modalités d'information du public ne sont pas contestées, ayant permis de recueillir au cours de l'enquête publique, 195 contributions déposées par 175 personnes.

En ce qui concerne les mentions portées dans l'arrêté d'autorisation du 31 décembre 2019 :

S'agissant des visas :

19. Il est fait grief à la préfète de la Creuse d'avoir visé dans l'arrêté du 31 décembre 2019 le schéma régional de cohérence écologique (SRCE) Limousin adopté le 2 décembre 2015, lequel aurait été censuré par le tribunal administratif de Limoges. A la supposer établie, une telle circonstance n'est, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'irrégularité une décision administrative. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

20. Si l'association Guéret Environnement soutient aussi que le schéma régional climat air énergie du Limousin, approuvé par arrêté du 23 avril 2013 ne peut servir de base légale à l'arrêté contesté, il ne résulte pas de l'instruction que la préfète aurait entendu se prévaloir de ce document pour prendre l'arrêté en litige. Par suite, et en tout état de cause, le moyen manque en fait.

S'agissant des mesures de sécurité :

21. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1./ L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. ".

22. Il résulte de l'instruction que la préfète de la Creuse rappelle dans son arrêté que les conditions d'aménagement et d'exploitation telles qu'elles sont définies par les arrêtés ministériels visés permettent de prévenir les dangers et inconvénients de l'installation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et que ces prescriptions doivent être complétées au regard du contexte local, par différentes mesures, mentionnées au dossier que le demandeur s'engage à mettre en œuvre. En application de l'article L. 512-1 précité, l'arrêté rappelle en son article 4, le nécessaire respect par les installations, telles qu'elles sont construites, disposées et aménagées dans le dossier de la demande, de la réglementation en vigueur, précise en son article 8, les mesures spécifiques liées à la phase travaux, parmi lesquelles un diagnostic d'archéologie préventive, une étude de sol et une expertise géotechnique au droit des aménagements, et les dispositions pour éviter la pollution accidentelles des sols et des eaux. L'article 11 prescrit des mesures correctives, au cours de l'exploitation du parc, l'article 12, les principes directeurs imposés à l'exploitant pour prévenir les incidents et accidents susceptibles de concerner ses installations et en limiter les conséquences et l'article 13 les moyens de lutte contre l'incendie. Dans ces conditions, alors même que l'arrêté n'énumère pas tous les risques que ces mesures de sécurité visent à prévenir, le moyen tiré de l'absence de précision quant à l'énoncé de ces prescriptions doit être écarté.

En ce qui concerne l'absence de prise en compte de l'exposition du projet aux vents :

23. Aux termes de l'article L. 311-5 du code de l'énergie : " L'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité est délivrée par l'autorité administrative en tenant compte des critères suivants : (...) / 3° L'efficacité énergétique de l'installation, comparée aux meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ; /4° Les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ; (...) " et aux termes de l'article L. 311-6 du même code : " Les installations dont la puissance installée par site de production est inférieure ou égale à un seuil, dépendant du type d'énergie utilisée et fixé par décret en Conseil d'Etat, sont réputées autorisées./ Les installations existantes, régulièrement établies au 11 février 2000, sont également réputées autorisées. ".

24. Il résulte de l'instruction que l'autorisation environnementale, délivrée le 31 décembre 2019 par la préfète de la Creuse tient lieu d'autorisation d'exploiter au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et d'autorisation de défrichement au titre des articles L. 214-13 et L. 341-3 du code forestier. Par suite, l'association Guéret environnement ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées du code de l'énergie, lesquelles concernent les autorisations d'exploiter une installation de production d'électricité d'une capacité supérieure à 50 MGW. Par suite, le moyen soulevé est inopérant.

En ce qui concerne l'atteinte au paysage, aux patrimoines environnants et à la commodité du voisinage :

25. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".

26. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel au sens de cet article, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la co-visibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations.

27. Il résulte de l'instruction que les cinq éoliennes du projet, d'une hauteur de 150 mètres, doivent être implantées, en deux lignes de 2 et 3 appareils, orientées sur un axe sud-nord, sur le Mont du Transet, culminant à 632 mètres, exploité pour ses ressources sylvicoles. Le projet éolien se situe dans l'entité paysagère du pays de Vassivière, composée de collines, parcourues à l'est par la vallée du Thaurion et à l'ouest par les vallées de la Maulde et de la Vienne, accompagnées de structures bocagères. L'ensemble donne un paysage cerné par les boisements, composés de feuillus et de conifères. Trois des éoliennes se trouvant sur une ligne de faîte, la zone d'implantation est surtout visible depuis les paysages ouverts au nord-est et l'est moins sur l'ensemble du reste de l'aire d'étude, en raison d'un relief plus prononcé et d'un contexte boisé, composé principalement de futaies et de résineux. La ripisylve du Thaurion constitue également un épais rideau végétal. Tant pour les sites protégés et emblématiques que pour les monuments historiques, situés dans l'aire d'étude rapprochée, les impacts tels qu'ils ont été évalués dans l'étude paysagère sont qualifiés de modérés à nuls, compte tenu principalement de la topographie, du contexte boisé, de la végétation ou de la trame bâtie. Il en est de même pour les monuments historiques, sites protégés et emblématiques, situés dans l'aire d'étude immédiate. Si le site inscrit des gorges du Thaurion se trouve au nord du projet, dans l'aire d'étude immédiate de même que le site classé du Verger, il résulte de l'instruction que le projet n'est pas visible depuis les berges pour le premier et n'offre aucune visibilité en raison du contexte boisé pour le second. Ainsi, bien que constituant un élément de verticalité, situé sur la ligne du relief, les cinq éoliennes projetées, compte tenu de la végétation et des nombreux boisements, ainsi que de la topographie des lieux, éviteront l'effet de surplomb avec les lieux de vie à proximité et la vallée du Thaurion et ne porteront pas une atteinte significative aux paysages avoisinants.

En ce qui concerne l'atteinte à la commodité du voisinage :

28. Il résulte de l'instruction que la densité d'urbanisation est faible sur le territoire d'étude qui ne comporte aucune zone habitée de plus de 1 000 habitants. Dans l'aire d'étude immédiate, l'habitat se concentre essentiellement autour de Bourganeuf et entre les bourgs de Bosmoreau-les-Mines, de Mansat-La-Courrière et d'une trentaine de hameaux, lesquels se composent chacun au maximum d'une vingtaine d'habitations et de plusieurs granges, tout en ne comptant le plus souvent que cinq à dix propriétés, organisées généralement autour d'une exploitation agricole. Pour sept d'entre eux, la sensibilité au projet est forte, compte tenu de l'orientation des habitations vers la zone d'implantation, située toutefois à au moins 500 mètres et au maximum à 1,2 kilomètre. La seule circonstance que ces éoliennes soient situées à proximité ne suffit pas à caractériser une atteinte significative. Pour les hameaux " le Mont de Transet " et de Quinsat, l'impact est fort, en raison de la prégnance, pour le premier, de l'éolienne E1 et pour le second, de l'éolienne E2, l'éolienne E3 ayant été finalement supprimée. Pour les autres lieux d'habitation, l'impact est qualifié de modéré à nul, en raison de la topographie et des masques offerts par la végétation. Dans ces conditions, les éléments du dossier ne permettent pas d'estimer que le parc éolien portera une atteinte significative à ces hameaux.

En ce qui concerne l'atteinte aux monuments :

29. Le service territorial de l'architecture et du patrimoine (STAP) de la Creuse a indiqué le 27 juin 2016, qu'aucun monument historique ni périmètre de protection associé n'était présent au sein de la zone d'implantation. Si l'association intervenante fait également référence à un ancien calvaire matérialisant le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, elle n'apporte aucune précision sur la protection dont devrait bénéficier ce monument, au regard du projet éolien. La direction régionale des affaires culturelles, dans son avis du 7 juillet 2016, a identifié sur la zone d'implantation, des vestiges du village de la Chaussade, datant du moyen-âge, qui aurait constitué une ancienne agglomération importante, ainsi que des vestiges de la voie antique Ahun-Limoges, datée de l'époque gallo-romaine. L'article 8 de l'arrêté du 31 décembre 2019 prescrit à l'exploitant la réalisation d'un diagnostic d'archéologie préventive d'une superficie de 42 204 m², afin de mettre en évidence et de caractériser la nature, l'étendue et le degré de conservation des vestiges archéologiques éventuellement présents avant de déterminer le type de mesures dont ils doivent faire l'objet. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte portée à des sites patrimoniaux doit être écarté.

En ce qui concerne l'existence d'autres projets éoliens :

30. Si l'association Guéret environnement soutient que la population creusoise est exposée à une implantation massive d'éoliennes, à l'origine d'une co-visibilité importante entre les installations, elle ne l'établit pas alors que l'étude d'impact ne recense en septembre 2017, aucun projet éolien en exploitation dans un périmètre de 17 kilomètres, le plus proche étant situé à 30 kilomètres au sud-est du Mont de Transet. Aucun projet connu n'est inventorié dans l'aire d'étude éloignée. Dans l'aire d'étude rapprochée, les avis soumis à l'autorité environnementale ne concernent aucun projet éolien. Par suite, le moyen doit en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne la perte de valeur des biens immobiliers :

31. Les requérants ne sauraient utilement alléguer que les habitants domiciliés à proximité du parc auront à subir une perte vénale de leur propriété dès lors qu'il ne s'agit pas de l'un des intérêts visés par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement. En tout état de cause, à le supposer établi, le risque de diminution de la valeur vénale des propriétés des riverains n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision attaquée mais seulement à permettre, le cas échéant, une action indemnitaire devant la juridiction compétente.

En ce qui concerne les nuisances sonores :

32. Par son avis émis le 25 septembre 2019, l'inspecteur des installations classées note que les analyses prévisionnelles de bruit ont permis d'identifier la nécessité d'établir le plan de bridage pour respecter les limites réglementaires en terme d'émergence. Le plan de bridage est établi la nuit en fonction de la vitesse du vent normalisée à 10 mètres. Deux campagnes de contrôle de mesures acoustiques seront programmées après dix-huit mois de fonctionnement du parc. L'article 9.I de l'arrêté contesté prévoit, qu'afin de réduire l'impact des nuisances sonores induit par l'installation, l'exploitant mettra en œuvre le plan d'optimisation transmis à l'inspection des installations classées, avec des plans de bridage et d'arrêt des aérogénérateurs dès la mise en service industrielle de l'installation, que toute évolution du plan de bridage sera portée à la connaissance du préfet avant sa mise en place et que l'exploitant tiendra à la disposition de l'inspection des installations classées l'enregistrement des paramètres de fonctionnement des aérogénérateurs permettant de justifier la mise en œuvre de ce plan de bridage et d'arrêt. Par suite, l'association intervenante n'établit pas que les mesures prises pour prévenir les nuisances sonores seraient insuffisantes.

En ce qui concerne l'atteinte à la biodiversité :

33. Aux termes de l'article L. 181-12 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 (...) ". Selon cet article, l'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, le respect des conditions, fixées au 4° de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation.

34. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : /1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, (...) ;/2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, (...) ;/ 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ;/4° La destruction, l'altération ou la dégradation des sites d'intérêt géologique, notamment les cavités souterraines naturelles ou artificielles, (...) " et aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées :/ 1° La liste limitative des habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées (...) ainsi protégés ;/ 2° La durée et les modalités de mise en œuvre des interdictions prises en application du I de l'article L. 411-1 ;/3° La partie du territoire sur laquelle elles s'appliquent, qui peut comprendre (...) le plateau continental ;/ 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle :/ a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ;/b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ;/ c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ".

S'agissant de l'unité forestière :

35. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude d'impact que le site du Mont de Transet a été choisi par le pétitionnaire en raison de sa situation en " zone favorable à fortes contraintes ", d'un potentiel éolien suffisant, de son adaptation aux principales servitudes techniques et réglementaires auxquelles est soumise l'installation d'aérogénérateurs, et de son éloignement à 500 mètres des zones d'habitation. Le site, hors des principales zones de protection des espaces naturels, des sites Natura 2000 et des ZNIEFF, est exempt des principales servitudes et contraintes techniques, à l'écart des zones habitées, et comporte des possibilités de raccordement au poste source de Mansat, à proximité immédiate et d'une capacité suffisante pour accueillir le projet accepté par les élus du territoire. Le choix d'implantation du site a été ainsi suffisamment justifié.

36. Le schéma régional de cohérence écologique (SRCE) Limousin, adopté par arrêté préfectoral du 2 décembre 2015, dont il ne résulte pas l'instruction qu'il aurait été censuré, identifie le secteur d'implantation du projet comme présentant des réservoirs de biodiversité et des corridors écologiques, en particulier des milieux boisés à préserver. Les impacts liés à la fragmentation d'un grand ensemble forestier apparaissent très faibles et non significatifs aux vues des surfaces touchées dès lors que l'ensemble des parcelles concernées par l'implantation des éoliennes et par les aménagements connexes est utilisé pour la sylviculture et l'agriculture. Sur les parcelles forestières, les chemins sylvicoles existants seront utilisés et les pistes créées pourront être empruntées dans le cadre de l'exploitation forestière des conifères et de feuillus des parcelles concernées. L'avis des différents propriétaires fonciers et exploitants a été pris en considération par le maitre d'ouvrage dans le choix des lieux d'implantation des éoliennes mais aussi des chemins d'accès et des plateformes de façon à en limiter l'impact. Une partie des aménagements du projet correspondent à des superficies qui seront éclaircies ou coupées à moyen terme. Les boisements coupés seront compensés. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que le projet serait contraire aux orientations du SRCE Limousin, tant par sa localisation que par son contenu.

37. La mission régionale d'autorité environnementale Nouvelle-Aquitaine observe que six sites Natura 2000 dont la zone spéciale de conservation Vallée du Thaurion et affluents et la zone de protection spéciale Plateau de Millevaches, situées respectivement à un et neuf kilomètres sont recensés dans l'aide d'étude éloignée, dans un rayon de 15 kilomètres. Dans cette même aire, 19 ZNIEFF de type I et 6 ZNIEFF de type 2 ont été identifiées. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'implantation du projet aurait pour conséquence de porter atteinte au patrimoine naturel de ces zones et que cette seule circonstance serait de nature à caractériser une atteinte à la biodiversité.

38. Les requérants font valoir que le projet s'étend en partie sur le parc naturel régional (PNR) de Millevaches-en-Limousin, lequel, dans son avis du 10 janvier 2019, a estimé que l'usage agricole du site et la préservation du corridor écologique n'étaient pas remis en cause, bien qu'il soit nécessaire de veiller à la préservation de sa continuité, et a, par ailleurs, pour orientation, mentionnée dans sa charte 2018-2033, de devenir un territoire à énergie positive, en privilégiant les projets menés collectivement, notamment éoliens. Ainsi, l'implantation du parc éolien projeté en partie sur le territoire du parc naturel régional de Millevaches-en-Limousin n'est pas, par elle-même, susceptible de faire obstacle à la délivrance de l'autorisation sollicitée par la société Centrale éolienne Mont de Transet.

S'agissant des habitats d'intérêt communautaire :

39. Il résulte de l'instruction que le site éolien est occupé presque essentiellement par des boisements, parmi lesquels des bois de feuillus correspondant à des chênaies, des hêtraies, des bois de châtaigniers, des formations riveraines de saules, des bois de résineux composés de plantations de sapins Douglas et de mélèzes européens, ainsi que de bois mixtes, soit un mélange d'essences feuillues et résineuses. Les enjeux ont été qualifiés dans l'étude d'impact de modéré à fort pour les hêtraies, chênaies et formations riveraines à saule, espèces remarquables. Les habitats d'intérêt communautaires ont été identifiés. L'impact des opérations de défrichement et de déboisement liées à l'installation et l'exploitation du projet est qualifié de très faible à faible pour les boisements de résineux, modéré pour les très faibles surfaces de hêtraie déboisées ou défrichées, fort à très fort pour les habitats communautaires (hêtraies-chênaies collinéennes et vieilles chênaies acidiphiles des plaines sablonneuses), en raison d'une fragmentation de l'ensemble boisé. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction que les surfaces défrichées représentent 2,52 % de la superficie des parcelles concernées par le plan simple de gestion de la forêt du Mont de Transet et 7,7 % de la surface totale des parcelles sylvicoles concernées par le projet. Les éoliennes E1, E2, ainsi que le chemin d'accès les reliant se trouvent sur des parcelles concernées par le plan simple de gestion et une coupe rase à l'horizon 2023. Les propriétaires des parcelles sylvicoles ont indiqué au pétitionnaire que les parcelles concernées par le défrichement lié à l'éolienne E4 feront l'objet de coupes dans les 5 à 10 années à venir et la parcelle concernée par le défrichement lié à l'éolienne E5 devait être coupée fin 2017. Dans ces conditions, le défrichement et le déboisement induits par le projet sont à relativiser dans la mesure où une partie des aménagements du projet correspondent à des superficies éclaircies ou coupées à moyen terme. D'autre part, des mesures d'évitement et de réduction de nature à préserver les habitats naturels consisteront à optimiser le tracé des chemins, réduire les surfaces à défricher ou déboiser, éviter les zones sensibles identifiées et assurer un suivi environnemental du chantier. Enfin, les boisements coupés seront compensés par la plantation de boisements de valeur écologique identique, afin de permettre le maintien de continuités écologiques boisées d'intérêt dans des secteurs sur lesquels ces derniers étaient en déclin. L'arrêté du 31 décembre 2019 prescrit en son article 8 " un suivi écologique de chantier concernant les habitats naturels, la flore et la faune (...) mis en place avant la création des pistes d'accès, par un organisme dans le cadre d'une convention, transmise à l'inspection des installations classées " et en son article 9, la compensation " des boisements de hêtraies et de chênaies détruits à raison de 33 600 m² de boisement replantés pour 11 200 m² détruites ", les essences locales utilisées devant être principalement constituées de chênes et de hêtres et replantées en priorité dans un périmètre rapproché. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte excessive portée par le projet aux habitats d'intérêt communautaire doit être écarté.

S'agissant des zones humides :

40. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude d'impact que si plusieurs zones humides sont présentes à l'échelle de l'aire d'étude immédiate, dans les fonds de vallée, peu d'entre elles concernent directement la zone d'implantation potentielle, étant localisées le long des ruisseaux temporaires, en bordure est et sud de celle-ci. Bien qu'aucune espèce protégée n'ait été inventoriée sur les points d'eaux et sur le réseau hydrographique du site, le rôle de ces habitats en tant que biotope est important, justifiant de qualifier de " modéré " à " fort " les enjeux relatifs aux formations riveraines de saules et de " fort " ceux concernant les prairies humides atlantiques et subatlantiques, dès lors que ces habitats sont susceptibles d'accueillir une faune diversifiée et potentiellement protégée. La variante retenue permet d'implanter quatre des éoliennes dans des habitats naturels à enjeu faible et d'en limiter la consommation. Les continuités hydrographiques seront ainsi préservées. Pour limiter l'impact en cours de chantier, qui fera l'objet d'un suivi environnemental, les zones sensibles identifiées seront évitées et feront l'objet d'un balisage, dans le secteur proche du poste de livraison. Il en sera de même lors de la phase de démantèlement. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte excessive portée par le projet aux zones humides doit être écarté.

En ce qui concerne l'atteinte à la biodiversité animale :

41. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 411-1 et 2 du code de l'environnement que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

42. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

43. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

S'agissant de l'avifaune :

44. Il résulte de l'instruction que la société Centrale éolienne Mont de Transet a procédé à une analyse de l'état initial, à l'issue de trois périodes d'observations au cours des phases hivernale, migratoire et de reproduction, permettant de contacter quarante espèces protégées dans et aux abords de la zone d'implantation potentielle, majoritairement forestières. L'enjeu est qualifié de modéré à fort s'agissant du milan royal, vulnérable au niveau national et en danger au niveau régional, du faucon pèlerin et du grand-duc d'Europe et de faible à modéré pour les autres espèces. Sept espèces inscrites à l'annexe I de la directive oiseaux ont survolé l'aire d'étude immédiate (bondrée apivore, busard des roseaux, busard Saint-Martin, milan noir, milan royal, grue cendrée et cigogne noire). Plusieurs milliers de pigeons ramiers ont été localisés dans le couloir de migration. 69 espèces, dont neuf rapaces diurnes et trois rapaces nocturnes, ont été contactées sur la zone d'implantation potentielle, les aires d'étude immédiate et rapprochée en phase de nidification. La reproduction probable d'un couple de faucons pèlerins dans une carrière abandonnée et celle possible du grand-duc d'Europe et du milan royal (un couple) dans les gorges du Thaurion constituent un enjeu modéré à fort. Les habitats forestiers notamment les boisements feuillus (hêtraie, chênaie) accueillent de nombreuses espèces d'intérêt dont notamment le pouillot siffleur, le pigeon colombin, le pic mar, le pic noir et le grimpereau des bois et une diversité avifaunistique remarquable, soit que les espèces figurent à l'annexe I de la directive oiseaux, soit qu'elles aient un statut de conservation quasi menacé au niveau régional (effraie des clochers) ou national (bruant jaune, fauvette grisette, mésange noire), soit qu'elles figurent comme espèce déterminante dans la ZNIEFF (grimpereau des bois) ou encore que le statut de conservation soit qualifié de vulnérable au niveau national ou régional (bouvreuil pivoine, linotte mélodieuse, pouillot siffleur, alouette lulu, pigeon colombin, roitelet huppé, tourterelle des bois). Parmi ces espèces, seuls le milan royal (" vulnérable " au niveau régional ") et la cigogne noire (" vulnérable " au niveau national et " en danger " au niveau régional) possèdent des statuts défavorables lors des périodes de migration. Les requérants n'apportent aucun élément permettant d'estimer que l'étude écologique, qui a procédé à une étude détaillée des impacts pour chaque espèce en fonction des observations faites sur l'importance des effectifs observés et sur leur localisation, aurait minimisé les effets du parc éolien en projet. Les impacts résiduels attendus lors de la construction du parc sur l'avifaune sont temporaires et faibles dès lors que les travaux (déboisement, défrichement, VRD et génie civil) débuteront en dehors de la période de nidification (mi-février à mi-juillet). Si des travaux devaient être effectués en première décade de février ou en dernière de juillet, un écologue indépendant serait missionné pour vérifier la présence ou non de nicheurs précoces ou tardifs sur le site. Si des nicheurs s'avéraient présents, le chantier serait reporté. Lors de la phase d'exploitation, les impacts en termes de pertes d'habitat, d'effet barrière ou de mortalité par collision sont qualifiés de nul à modéré et tempérés par plusieurs mesures d'évitement et de réduction. En premier lieu, pour diminuer la mortalité directe du milan noir et du milan royal pendant leur période de présence, l'activité de l'avifaune sera évaluée par un ornithologue pendant la durée des travaux agricoles, susceptibles d'augmenter l'attractivité des parcelles d'implantation des éoliennes. Lors de la première année de fonctionnement, les machines situées sur les parcelles concernées par les travaux agricoles seront arrêtées selon le même protocole que l'année précédente. En fonction des résultats observés, ce plan de fonctionnement sera revu en accord avec l'inspection ICPE et le service nature de la DREAL, tout en maintenant un arrêt de la machine au minimum un jour suivant les travaux agricoles. Des accords par convention seront formalisés entre les exploitants agricoles et l'exploitant des éoliennes et transmis à l'inspection ICPE avant la mise en service industriel du parc éolien. Un registre, contenant l'ensemble de ces arrêts " écologiques " des éoliennes, sera tenu à disposition de l'inspection ICPE. En deuxième lieu, pour évaluer la mortalité due à la collision avec les aérogénérateurs, des suivis, conformes à l'article 12 de l'arrêté ICPE du 26 août 2011 seront effectués, par le biais d'un travail de photo-interprétation, permettant de délimiter les différents habitats, et d'un inventaire de terrain, pour définir, particulièrement pour les espèces protégées, les superficies et les caractéristiques de chaque habitat présent dans un rayon de 300 mètres autour de chaque éolienne. En raison de la présence du milan royal, espèce particulièrement vulnérable, le suivi de la population des oiseaux nicheurs dans un rayon d'un kilomètre autour du parc sera effectué à raison de huit passages entre avril et juillet, le suivi de la migration et du comportement des oiseaux migrateurs face au parc à raison de cinq passages pour chaque phase de migration et le suivi de l'importance des effectifs et du comportement des oiseaux hivernants à raison de cinq passages en décembre-janvier. Des contrôles opportunistes, par série de quatre passages par éolienne par an à trois jours d'intervalle en avril, mai, juin, août ou septembre ou un suivi indirect seront conduits par un écologue indépendant pour évaluer la mortalité. En troisième lieu, l'objectif est d'analyser les comportements des couples nicheurs de faucon pèlerin, de grand-duc d'Europe et de milan royal vis-à-vis des éoliennes, par un suivi en période de reproduction durant trois années, à raison pour le faucon pèlerin, de trois passages entre les mois de février et avril pour vérifier la reproduction du couple présent dans les gorges du Thaurion, pour le grand-duc d'Europe, à raison de deux écoutes nocturnes entre les mois de décembre et janvier et trois sorties diurnes entre mars et mai pour vérifier la présence de l'espèce dans les gorges du Thaurion, repérer le nid et contrôler la reproduction de l'espèce, pour le milan royal, à raison de quatre sorties spécifiques pour suivre la reproduction dans les gorges du Thaurion. Une recherche des secteurs potentiellement favorables puis des points d'observation seront réalisés dans un périmètre de 2 km autour du parc éolien. L'avis de la MRAE relève l'intérêt du suivi environnemental proposé, en particulier pour les populations du faucon pèlerin, du grand-duc d'Europe et du milan royal. L'inspecteur des installations classées estime qu'aucun élément ne permet de remettre en cause les conclusions de l'étude d'impact, vérifiées dans le cadre du suivi environnemental, prescrit par l'arrêté d'autorisation et susceptible d'entrainer des ajustements si des impacts significatifs devaient être constatés. Il observe que la majorité des mesures d'évitement et de réduction vont au-delà des exigences réglementaires de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 et répondent à l'une des recommandations de la commission d'enquête, relative à la nécessaire protection de l'avifaune et de certaines espèces menacées comme le milan royal. La référence faite à une étude générale menée par la ligue de protection des oiseaux parue en juin 2017 relative à la mortalité des oiseaux imputable aux éoliennes sur l'ensemble du territoire national ne remet pas en cause les constatations faites localement sur le site des aérogénérateurs contestés. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le projet contesté créerait des risques particuliers pour l'avifaune hivernante et nicheuse, notamment le milan royal, qui auraient dû conduire la préfète à prévoir des mesures autres que celles définies à l'article 7.1 de l'arrêté d'autorisation du 31 décembre 2019.

Quant aux grues cendrées :

45. Il résulte de l'instruction que 39 espèces d'oiseaux migrateurs ont été comptabilisées en migration active et/ou en halte migratoire au cours des six dates d'observations retenues au cours de l'année 2015. La zone d'implantation potentielle se situe au sein du couloir migratoire principal de la grue cendrée, représentant un enjeu modéré à fort. Toutefois, l'impact qu'il s'agisse de l'effet barrière ou du risque de collision est qualifié de faible, compte tenu des conditions d'implantation du parc éolien, parallèle à l'axe de migration et d'une emprise réduite sur l'axe de migration principal (nord-est/sud-ouest). La trouée entre deux lignes d'éoliennes sera supérieure à 800 mètres et l'espace libre minimal, en ce compris les zones de survol de pales, supérieur à 400 mètres (mesures d'évitement et de réduction 10, 11 et 12). Par l'arrêté d'autorisation du 31 décembre 2019, la préfète de la Creuse prévoit un suivi environnemental, réalisé par un organisme ou une personne compétents, lequel inclut le suivi comportemental en phase de migration post nuptiale à raison de trois passages pendant cette période, lors de journées propices à la migration de la grue cendrée. En cas d'impact significatif, le rapport devra proposer la mise en place de mesures correctives. Un premier rapport est adressé à mi-parcours lors de la première année du suivi comprenant au moins une période migratoire. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que les incidences du projet sur les grues cendrées dont la hauteur de vol dépasse généralement celle des éoliennes auraient été minimisées, ni qu'elles auraient dû conduire la préfète à prévoir des mesures autres que celles mises en œuvre.

Quant aux autres espèces migratrices :

46. Aucune espèce patrimoniale n'a été détectée en halte lors des migrations prénuptiale et postnuptiale sur la zone d'implantation. Les enjeux relatifs à la protection du pipit farlouse et du grand cormoran sont qualifiés de faibles. La majorité des passereaux (passériformes) migrateurs a été enregistrée à moins de 50 mètres de hauteur, ce qui n'est pas le cas du grand cormoran, qui, s'il vole à toutes les hauteurs, dépasse généralement la limite des 180 mètres. Le vanneau huppé dont la chasse est autorisée, a été aperçu en dessous de 50 mètres, soit en dessous des pales. Compte tenu des mesures mises en œuvre et rappelées au point qui précède, il ne résulte pas de l'instruction que l'étude aurait minimisé les incidences du projet sur ces espèces.

S'agissant des chiroptères :

47. Il résulte de l'instruction, notamment de l'étude d'impact et du rapport de l'inspection des installations classées du 25 septembre 2019, que quinze espèces de chiroptères ont été recensées à proximité du lieu d'implantation du projet, dont neuf, à caractère patrimonial, sont l'objet d'un statut particulier et que l'activité chiroptérologique sur le Mont du Transet est qualifiée d'assez faible. La partie sud/sud-est de l'aire d'étude rapprochée présente des boisements plus diffus mais encore bien conservés, reliés les uns aux autres, directement ou via un réseau bocager (haies arborées et arbustives) assez bien conservé. La structure qu'ils confèrent au paysage et la ressource alimentaire potentielle (insectes) qu'ils renferment sont particulièrement favorables à la chasse et aux déplacements des chiroptères, sauf dans la partie centrale de l'aire d'étude rapprochée, constituée de résineux de type Douglas plantés en vue de leur exploitation, d'un intérêt plus réduit. Les cours d'eau constituent des corridors de déplacement et de chasse importants pour les chiroptères, en raison de leur importante biomasse et de la diversité d'insectes présents au sein de ces milieux aquatiques. Le reste de la zone, composée de milieux ouverts de type prairies et cultures, est peu favorable pour les chauves-souris, excepté le grand murin ou la sérotine commune, dont le terrain de chasse est tourné vers les milieux ouverts. Les enjeux de conservation sont évalués de faible à modéré, excepté la barbastelle d'Europe et le murin de Bechstein, qui utilisent des gîtes arboricoles, pour lesquels l'enjeu est qualifié de fort et la noctule commune, la noctule de Leisler et le rhinolophe euryale pour lesquels l'enjeu est de modéré à fort, en raison de leur écologie et de l'usage de gîtes arboricoles. 74 % des contacts concernent la pipistrelle de Kuhl et la pipistrelle commune, dont les exigences en termes d'habitat de chasse sont faibles. La diversité constatée induit des enjeux chiroptérologiques sur les zones boisées de peuplements de feuillus et mixtes, ainsi que sur les lisières de boisements. Les phases de construction et démantèlement du projet ont des impacts forts à très forts pour la barbastelle d'Europe, le murin à moustaches, le murin de Bechstein, le murin de Brandt, l'oreillard roux, la pipistrelle commune et la pipistrelle de Kuhl, compte tenu de la destruction ou de la modification des habitats dans les hêtraies et chênaies, l'abattage de gîtes arboricoles, lors du défrichement. L'exploitation du parc aura un impact fort à très fort pour la noctule commune, la noctule de Leisler, dont le niveau d'activité est toutefois faible sur site, la pipistrelle commune et la pipistrelle de Kuhl, faible à modéré pour les autres. La variante retenue prévoit l'implantation de l'éolienne E4 dans une hêtraie, pouvant entrainer une perte d'habitat de gîte et de chasse et un risque de collision important pour les chiroptères, justifiant une réserve de la MRAE. Il résulte toutefois de l'instruction que les parcelles, terrains d'assiette des éoliennes E4 et E5 ont fait l'objet en décembre 2017 d'une coupe rase par le propriétaire de la parcelle, dans le cadre de son activité d'exploitation forestière, sans lien avec le projet contesté. En premier lieu, au cours des temps de construction et de démantèlement, les travaux auront lieu en dehors de la phase de mise-bas, d'élevage des jeunes, ainsi que de la période d'hibernation et feront l'objet d'une visite préventive d'un chiroptérologue et d'une procédure non-vulnérante d'abattage des arbres creux. Si les individus n'ont pu être évacués, le chiroptérologue devra assister à la coupe des arbres afin de proposer une coupe raisonnée (maintien du houppier, tronçonnage du tronc à distance raisonnable des cavités ou trous de pics, etc.). Une fois abattus, les arbres présentant des cavités seront laissés au sol plusieurs nuits afin de laisser l'opportunité aux individus présents de s'enfuir. En deuxième lieu, les chemins existants seront utilisés afin de réduire la surface de défrichement. En troisième lieu, les cinq éoliennes, dont la nacelle empêche toute intrusion, seront programmées de manière préventive et seront sans éclairage permanent au pied des mâts. Le balisage lumineux sera constitué de feux clignotants blancs le jour et rouges la nuit. En quatrième lieu, un protocole d'arrêt des éoliennes, sous certaines conditions (pluviométrie, vitesse du vent, et saison), sera mis en place, susceptible de réduire très fortement la probabilité de collision avec un impact minimal sur le rendement. La première année de fonctionnement, les éoliennes seront arrêtées, selon une programmation fondée sur les résultats de l'état initial, l'analyse bibliographique et les retours d'expérience issus de plus de vingt études chiroptérologiques, constituant plus de 3 000 nuits d'enregistrements d'activité croisées avec des données météorologiques. En cinquième lieu, des suivis permettant d'estimer la mortalité des chiroptères seront réalisés, conformément à l'article 12 de l'arrêté ICPE du 26 août 2011. Un enregistrement automatique en hauteur sera mis en place la première année permettant l'étude du comportement sur les trois saisons d'observation (printemps, été, automne). Des contrôles opportunistes (série de 4 passages par éolienne par an à 3 jours d'intervalle en avril, mai, juin, août ou septembre) ou un suivi indirect de la mortalité seront réalisés par un écologue indépendant. L'article 7.I de l'arrêté du 31 décembre 2019 récapitule les mesures de protection des chiroptères, afin de limiter le caractère attractif des aérogénérateurs, en matière d'éclairage et d'entretien des abords. Conformément aux recommandations de la MRAE, il précise les conditions de régulation de fonctionnement des éoliennes, dont l'inspecteur des installations classées est informé, ainsi que le suivi environnemental, mis en œuvre par un organisme compétent, conformément au protocole validé par le ministère chargé de l'environnement. L'éolienne E4 sera équipée d'un dispositif d'écoute pour le suivi d'activité en continu et en hauteur des chiroptères. Le suivi de mortalité comprendra a minima une prospection hebdomadaire. Dans le cas de constat d'un impact significatif sur les populations, des mesures correctives seront proposées. Si les requérants se prévalent d'un avis défavorable émis par un naturaliste biologiste indépendant, en raison des atteintes présentées par le projet aux espèces protégées et de l'inefficacité des mesures prises, ils n'en justifient toutefois pas.

48. Il résulte de ce qui précède que contrairement à ce que soutiennent les requérants, le plan de bridage n'est pas la seule mesure mise en œuvre pour réduire le risque de mortalité. D'une part, ni les recommandations du groupe de travail Eurobats, ni les préconisations de la société française pour l'étude et la protection des mammifères n'ont de valeur contraignante. D'autre part, les mesures de régulation du fonctionnement des éoliennes, prescrites par l'article 7. I de l'arrêté du 31 décembre 2019 feront l'objet d'enregistrements, tenus à la disposition de l'inspecteur des installations classées, et pourront faire l'objet d'ajustements, en fonction des résultats du suivi environnemental.

49. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance des mesures pour assurer la protection des chiroptères, pris en ses diverses branches, doit être écarté.

50. Il résulte des points qui précèdent que le projet autorisé par arrêté préfectoral du 31 décembre 2019 n'aura pas un impact suffisamment caractérisé sur les différentes espèces de l'avifaune ou de chiroptères recensées localement et reconnues comme présentant une valeur patrimoniale, qu'il s'agisse des risques d'atteinte portée directement à l'intégrité de ces animaux, à leur habitat ou leur cycles biologiques de reproduction ou de repos, de nature à justifier une demande de dérogation. Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que l'arrêté en litige méconnaîtrait les dispositions précitées pour avoir été délivré sans demande de dérogation.

En ce qui concerne le défrichement :

51. Aux termes du II de l'article L. 181-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à l'arrêté en litige : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent également : (...) / 9° La préservation des intérêts énumérés par l'article L. 112-1 du code forestier et celle des fonctions définies à l'article L. 341-5 du même code, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu d'autorisation de défrichement ; (...) ". L'article L. 112-1 du code forestier, dans sa rédaction applicable à l'arrêté en litige, dispose que : " Les forêts, bois et arbres sont placés sous la sauvegarde de la Nation, sans préjudice des titres, droits et usages collectifs et particuliers. / Sont reconnus d'intérêt général : /1° La protection et la mise en valeur des bois et forêts ainsi que le reboisement dans le cadre d'une gestion durable ; / 2° La conservation des ressources génétiques et de la biodiversité forestière ; (...) ". Aux termes de l'article L. 341-5 de ce code : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : (...) / 8° A l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population ; (...) ".

52. Il résulte de l'instruction, notamment de l'étude d'impact, que le projet éolien va entraîner le défrichement d'une surface de 42 200 m², qui fera l'objet d'une compensation selon deux modalités. D'une part, l'article 9.III de la décision contestée prévoit qu'il appartiendra à l'exploitant de compenser les 11 200 m² de boisements de chênaies et de hêtraies détruits par la plantation de 33 600 m² de boisements, en priorité dans un périmètre rapproché du parc, à défaut d'accord avec les propriétaires fonciers, dans un périmètre plus éloigné et dans un secteur de nature similaire. Les essences locales sont à privilégier et devront être constituées prioritairement de chênes et de hêtres. Ainsi qu'il a déjà été dit précédemment, la zone forestière étant couverte par un plan de gestion pour l'activité sylvicole, les parcelles ayant vocation à accueillir les éoliennes E4 et E5, composées de hêtraies et de chênaies, ont fait l'objet d'une coupe rase, sans lien avec le projet en litige. Pour autant, le pétitionnaire reste soumis à l'obligation de reboisement, y compris de ces surfaces, alors même qu'il n'est pas à l'origine du défrichement de ces parcelles, effectué en 2019 par l'exploitant forestier. D'autre part, l'article 15 de l'arrêté subordonne l'autorisation de défrichement au versement d'une somme de 25 322,40 euros au Fonds stratégique pour la forêt et le bois, en application des articles L. 341-6 et 9 du code forestier, pour la compensation de la surface défrichée, affectée du coefficient multiplicateur, en vigueur dans le département de la Creuse. Si les requérants contestent ces mesures de compensation au motif que de telles mesures ne bénéficieront pas aux espèces de chiroptères présentes sur le site qui perdront des zones de gîtes et de chasse, il résulte toutefois de l'instruction que les recherches conduites sur le site n'ont pas permis de découvrir d'individus en gîte en milieu forestier et que la mesure de reboisement par des chênaies et hêtraies, vise à compenser la potentielle perte de zones de chasse et de transit pour les chiroptères. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la mention dans l'autorisation environnementale de la localisation des surfaces à replanter et de l'accord de leurs propriétaires. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance des mesures de compensation du défrichement autorisé doit être écarté.

En ce qui concerne la sécurité publique :

S'agissant du risque de pollution du captage d'eau potable :

53. Il est constant que l'éolienne E2 est implantée à 23 mètres du périmètre de protection rapprochée (PPR) du captage d'eau potable de Quinsat, entraînant un survol de ce périmètre par les pales de l'éolienne. La commission d'enquête, si elle écarte tout danger en théorie, pointe un risque de pollution de la ressource en eau, en cas d'effondrement de l'appareil dans la zone de protection. Conformément à l'article 4 de l'arrêté préfectoral de déclaration d'utilité publique (DUP) du 19 octobre 2011, joint en annexe à l'étude d'impact, aucun défrichement n'est autorisé sous la zone de survol des pales, correspondant au périmètre de protection, délimité par l'exploitant avant le début des travaux. Dans son avis en date du 24 juillet 2017, l'agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine estime compatible le projet éolien avec l'arrêté de DUP sous réserve du respect des prescriptions interdisant dans le PPR tout stockage de produits susceptibles d'être entraînés vers la nappe par les eaux de précipitation infiltrée, les dépôts de déchets et l'établissement même provisoire de toute construction superficielle ou souterraine susceptible de porter atteinte à la qualité de l'eau captée. Dans un nouvel avis du 18 décembre 2017, l'ARS prescrit de réaliser le chantier par temps sec, d'éviter l'évacuation des eaux vers le captage, de s'assurer que les pistes réalisées au cours de cette phase ne constituent pas un nouveau chemin préférentiel des eaux de ruissellement, susceptible d'atteindre le PPR. Elle ajoute la nécessité de matérialiser la limite du PPR du captage afin de prévenir tout risque d'erreur dans l'action de défrichement. Enfin, alors même que la suppression des espaces boisés et des haies n'est pas autorisée, l'Etat rappelle les termes des articles 4.1 et 4.2 de l'arrêté du 19 octobre 2011 selon lesquels l'exploitation des " parcelles incluses dans le périmètre de protection rapprochée, toutes actuellement destinées à la production forestière " reste possible, sous la réserve de principe qu'elles " devront demeurer en nature de bois ". Enfin, l'exploitant a prévu une mesure de réduction C10 prévoyant que le chemin d'accès, reliant les éoliennes E1 et E2, existant, sera élargi pour le passage des engins de chantier et l'acheminement des éléments de l'éolienne, stockés en bordure du PPR, les sols éventuellement souillés seront rapidement évacués, les engins de chantier seront contrôlés avant l'accès au PPR, le stockage des hydrocarbures et autres produits susceptibles d'altérer la qualité des eaux souterraines sera, dans la mesure du possible, situé à l'extérieur du périmètre de protection rapprochée, et à défaut, toléré pour de très petites quantités strictement nécessaires à la réalisation journalière des travaux. Les entreprises en disposeront sur les différents sites de chantier de produits absorbants d'hydrocarbures sous forme de granulés. Des analyses de la qualité de l'eau prélevée par le captage seront réalisées pendant les travaux. Par suite, le moyen tiré de l'absence de prise en compte du risque de pollution du captage d'eau potable doit être écarté.

S'agissant de la lutte contre l'incendie :

54. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas de l'instruction que l'implantation d'éoliennes de 150 mètres sur le Mont du Transet serait de nature à augmenter la vulnérabilité de ce massif au risque incendie et limiterait l'usage des moyens de lutte contre l'incendie. Le département de la Creuse, malgré de nombreuses zones forestières, n'est pas particulièrement exposé au risque d'incendie de forêt. Le 12 novembre 2018, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Creuse ne s'est pas opposé au projet éolien, sous réserve du respect d'un certain nombre de prescriptions relatives à l'accessibilité, la formation aux risques du personnel chargé du fonctionnement de l'installation, les consignes de sécurité à mettre en œuvre, les installations électriques, la mise à la terre des équipements, les moyens de secours et de défense extérieure contre l'incendie. Ces moyens sont repris à l'article 13 de l'arrêté d'autorisation. Une réserve d'eau d'au moins 240 m3, pour laquelle deux options d'implantation sont envisagées, doit être installée en accord avec les services du SDIS et faire l'objet d'un rapport avant la mise en service du parc éolien auprès de l'inspecteur des installations classées. Dans l'étude d'impact, l'exploitant rappelle ses obligations en la matière, s'agissant d'appliquer l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, les conditions de sécurité incendie et les mesures relatives au parc éolien du Mont de Transet. Par suite, le moyen tiré de l'absence de prise en compte du risque incendie doit être écarté.

55. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que l'association Mont Transet Vent Debout et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 31 décembre 2019 portant autorisation environnementale.

Sur les frais liés à l'instance :

56. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'association Mont Transet Vent Debout et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. L'association Guéret environnement n'ayant pas la qualité de partie à l'instance, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent en tout état de cause être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge solidaire de l'association Mont Transet Vent Debout et autres, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Centrale éolienne Mont de Transet et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de Mme G....

Article 2 : L'intervention de l'association Guéret environnement est admise.

Article 3 : La requête de l'association Mont Transet Vent Debout et autres est rejetée.

Article 4 : L'association Mont Transet Vent Debout, et autres verseront solidairement une somme de 1 500 euros à la société Centrale éolienne Mont de Transet en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'association Guéret environnement tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Mont Transet Vent Debout, désigné en qualité de représentant unique des requérants en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la société Centrale éolienne Mont de Transet et à l'association Guéret environnement.

Copie en sera communiquée au préfet de la Creuse.

Délibéré après l'audience du 21 février 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023.

La rapporteure,

Bénédicte C...La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01519
Date de la décision : 14/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-14;20bx01519 ?
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