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02/03/2023 | FRANCE | N°22BX02507

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 02 mars 2023, 22BX02507


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 31 août 2020 par lequel le préfet de la Guyane lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2001056 du 21 juillet 2021, le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du 31 août 2020 et enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour à M. A... B....

Procédu

re devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2022, le préfet de la Guyane, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 31 août 2020 par lequel le préfet de la Guyane lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2001056 du 21 juillet 2021, le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du 31 août 2020 et enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour à M. A... B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2022, le préfet de la Guyane, représenté par Me Mathieu, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 21 juillet 2022 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... B... ;

Il soutient que :

- le tribunal a retenu à tort le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en l'absence de preuve de la continuité du séjour et de la participation à l'entretien et l'éducation des enfants ;

- s'agissant des autres moyens soulevés par l'intéressé il s'en remet à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 février 2023, M. A... B..., représenté par Me Marciguey, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la requête d'appel du préfet est insuffisamment motivée et irrecevable en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... A... B..., ressortissant brésilien né en 1990, est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement en France en 2013. Il a sollicité le 14 août 2019 le bénéfice d'un titre de séjour, sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 31 août 2020, le préfet de la Guyane lui a refusé le séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Guyane relève appel du jugement du 21 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a, sur demande de M. A... B..., annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressé.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

3. Il ressort des pièces du dossier que pour attester de la continuité de sa présence sur le territoire français depuis 2013, M. A... B..., qui appartient à une communauté amérindienne, produit deux attestations émanant du maire de la commune de Saint-Georges de l'Oyapock et du chef coutumier du Village Espérance, qui certifient de sa présence en Guyane depuis cette date, ce dernier indiquant en outre qu'il est hébergé à son domicile et participe aux activités coutumières du village. Il produit également une attestation du centre médical de Saint-Georges indiquant qu'il y est suivi depuis mars 2015 ainsi que divers documents médicaux établis depuis 2013. Il ressort également des pièces du dossier qu'il vit en concubinage depuis 2013 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident avec qui il a eu deux enfants, nés en 2014 et 2016, que M. A... B... a reconnu quelques semaines après leur naissance et qui sont déclarés à la charge de leurs deux parents auprès de la caisse d'allocations familiales depuis au moins le mois d'août 2018. Dans ces conditions, la réalité du séjour de l'intéressé en France est suffisamment établie par les pièces du dossier et la circonstance que son passeport a été renouvelé au Brésil n'est pas à elle seule de nature à en remettre en cause la continuité. Au vu de la durée de son séjour, des liens familiaux dont il dispose et de l'impossibilité de reconstituer la cellule familiale au Brésil, sa compagne vivant en France depuis son enfance avec sa famille et étant par ailleurs mère de plusieurs enfants français dont elle a la charge, ainsi que l'a jugé le tribunal, l'arrêté litigieux a porté au droit de M. A... B... au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise et a par suite méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que le préfet de la Guyane n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a annulé son arrêté du 31 août 2020. Par suite sa requête doit être rejetée.

5. M. A... B... a obtenu l'aide juridictionnelle et son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Marciguey, avocat de M. A... B..., de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Guyane est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Marciguey la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Marciguey.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mars 2023.

La rapporteure,

Christelle D...Le président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02507


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02507
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : MARCIGUEY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-02;22bx02507 ?
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