Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2200295 du 5 mai 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande pour tardiveté.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2022, M. C..., représenté par Me Toulouse, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 5 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 6 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Vienne de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa demande de première instance était recevable dès lors qu'il n'a jamais reçu notification de l'arrêté du 6 janvier et n'en a eu connaissance que dans le cadre d'une autre instance n° 2100986, l'arrêté ayant été joint par la préfète à ses écritures ; les mentions sur le suivi du courrier recommandé sont contradictoires, ce qu'illustre d'ailleurs le fait que le tribunal retient une date de notification différente de celle alléguée par la préfète et qu'il relève lui-même, sans en tirer les conséquences, les contradictions figurant dans le relevé de suivi ; en opposant la tardiveté à ses conclusions, le tribunal a méconnu les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour du 26 février 2021 ; cette dernière est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'il n'est pas établi que l'avis du collège de médecins de l' l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) respecte les prescriptions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , dans sa version alors applicable, et elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 en raison de l'absence de disponibilité du traitement que son état de santé requiert ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à son état de santé ;
- les décisions subséquentes portant interdiction de retour sur le territoire français et fixant le pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 décembre 2022, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- le requérant ne produit aucun nouvel élément permettant de remettre en cause le jugement attaqué ;
- la demande de première instance est tardive, l'arrêté ayant été notifié le 11 janvier 2022 ;
- M. C... ne peut utilement se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour du 26 février 2021, qui ne constitue pas le fondement de l'arrêté en litige ; en tout état de cause, cette décision a été édictée au vu d'un avis du collège des médecins qui respecte les prescriptions de l'article R. 313-23 du code ; le requérant n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause le contenu de l'avis par lequel le collège des médecins a estimé que l'intéressé pouvait bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, les conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi doivent être rejetées ;
M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 30 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant ivoirien né le 1er décembre 1980, est entré en France le 15 février 2019 afin de solliciter l'asile. Après avoir été placé sous procédure Dublin, sa demande d'asile a été enregistrée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 12 février 2020. Durant l'instruction de sa demande d'asile, il a sollicité auprès de la préfète de la Haute-Vienne son admission au séjour en raison de son état de santé. Par décision du 29 mars 2021, l'OFPRA a rejeté sa demande d'asile, et la Cour nationale du droit d'asile a confirmé ce rejet par décision du 2 novembre 2021. Par décision du 26 février 2021, la préfète de la Haute-Vienne a rejeté sa demande d'admission au séjour pour raisons de santé. Par arrêté du 6 janvier 2022, la préfète lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par le jugement du 5 mai 2022 dont M. C... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté comme tardive.
Sur le motif retenu par le jugement attaqué :
2. La magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté comme irrecevable la demande présentée par M. C..., au motif que l'arrêté préfectoral en litige devait être regardé comme lui ayant été notifié au plus tard le 14 janvier 2022 et que sa requête, enregistrée le 3 mars 2022, était dès lors tardive. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le pli contenant l'arrêté du 6 janvier 2022 a été retourné aux services de la préfecture le 31 janvier 2022, avec une date de présentation le 11 janvier 2022 et la mention " pli avisé et non réclamé ". Il ressort également du suivi de l'acheminement de ce courrier qu'à la date du 11 janvier, il est indiqué qu'il était remis " en lot " à son destinataire, que le 13 janvier, il n'avait pu être distribué, que le 14 janvier, il était mis à disposition en point de retrait, que le 31 janvier, il était arrivé dans le site en vue de sa distribution et était remis en lot à son destinataire et que le 2 février, il était distribué à son destinataire contre sa signature. Ces mentions contradictoires ne permettent pas d'établir avec certitude la date à laquelle M. C... a été informé de la notification de ce pli et, le cas échéant, du délai qui lui était imparti pour le retirer au bureau de poste.
3. Par suite, c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté comme irrecevable la demande dont elle était saisie. Son jugement en date du 5 mai 2022 doit, dès lors, être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal.
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 de ce code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... souffre d'une insuffisance rénale chronique de stade 3 ou modérée, associée à une hypertension artérielle, et est également porteur d'une infection tuberculeuse latente. M. C... soutient que son état de santé fait obstacle à ce qu'une décision d'éloignement soit prise à son encontre. Il ressort toutefois de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 8 février 2021 que, si M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier de manière effective d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque. Le certificat médical de la cheffe du service de néphrologie du centre hospitalier universitaire de Limoges du 28 mars 2022, selon lequel les prises en charge spécifiques néphrologiques que requiert sa pathologie impliquent de poursuivre sa prise en charge en France, n'est pas suffisamment circonstancié pour remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII. De même, les documents sur le système de santé ivoirien ne sont pas suffisants, en raison de leur généralité, à démontrer que M. C... ne pourrait bénéficier du traitement que requiert son état de santé. Dans ces conditions, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son état se soit aggravé ou que son traitement aurait été modifié depuis l'avis du collège de médecins du 8 février 2021, la préfète de la Haute-Vienne n'a pas méconnu les dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, M. C... ne peut utilement se prévaloir de l'illégalité de la décision de refus de séjour qui lui a été opposée le 26 février 2021 à la suite de sa demande de titre de séjour en raison de son état de santé, dès lors que cette décision ne constitue pas la base légale de l'obligation de quitter le territoire, et que cette dernière n'a pas été prise pour l'application de la décision de refus de séjour mais à la suite du rejet de sa demande d'asile.
8. En dernier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. C... n'est pas fondé à soutenir que les décisions fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an seraient illégales par voie de conséquence.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 6 janvier 2022.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 5 mai 2022 est annulé.
Article 2 : La demande de M. C... et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 7 février 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mars 2023.
Le rapporteur,
Olivier B...
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX01991