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02/03/2023 | FRANCE | N°21BX02960

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 02 mars 2023, 21BX02960


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler les arrêtés du 11 juin 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Vienne a prononcé sa remise aux autorités grecques et l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Vienne pour une durée de quarante-cinq jours et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne d'enregistrer sa demande d'asile et de l'admettre au séjour à ce titre.

Par un jugement n° 2100965 du 17 juin 2021, la magistrate désign

ée du tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de M. A....

Procédure d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler les arrêtés du 11 juin 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Vienne a prononcé sa remise aux autorités grecques et l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Vienne pour une durée de quarante-cinq jours et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne d'enregistrer sa demande d'asile et de l'admettre au séjour à ce titre.

Par un jugement n° 2100965 du 17 juin 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Douniès demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Limoges du 17 juin 2021 ;

3°) d'annuler les arrêtés du 11 juin 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Vienne a prononcé sa remise aux autorités grecques et l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Vienne pour une durée de quarante-cinq jours ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'enregistrer sa demande d'asile en lui délivrant un récépissé de demande dans les 48 heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de l'admettre au séjour à ce titre ; subsidiairement, dans les mêmes conditions d'astreinte, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu à son moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de la mise en œuvre de la procédure dérogatoire de l'article 17 du règlement Dublin III ; ils n'ont pas non plus répondu à son moyen tiré de ce que le préfet n'a pas informé les autorités grecques de son état de santé ;

- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet s'est abstenu de se livrer à un examen attentif de sa situation personnelle ;

- les autorités grecques ont été saisies par le préfet de la Haute-Vienne d'une demande de réadmission le 29 avril 2021, soit plus de trois mois après l'attestation de demande d'asile qui lui a été délivrée le 15 septembre 2020, en violation de l'article 5 de l'accord franco-hellène du 15 décembre 1999 ;

- il n'est pas établi que le préfet ait respecté, dans sa demande de réadmission, les formalités requises par les articles 4-1) et 11 de l'annexe à cet accord ; en revanche, il est constant que la demande de réadmission a été présentée le 29 avril 2021 et que les autorités grecques ont donné leur accord le 10 juin suivant, soit bien au-delà du délai de 48 h prévu par l'accord du 15 décembre 1999 ;

- le préfet n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation discrétionnaire, comme il le pouvait en vertu de la clause dérogatoire de l'article 17 du règlement Dublin III ; or, il n'est pas établi qu'après l'expiration de sa carte de protection internationale grecque, le 21 août 2022, il ne serait pas renvoyé en Afghanistan, où sa vie est menacée ; par ailleurs, alors qu'il est gravement malade, il n'a fait l'objet d'aucun suivi médical de la part des autorités grecques et il n'est pas démontré que le préfet aurait informé les autorités grecques de son état de santé, ni qu'il pourrait poursuivre en Grèce son traitement médical ; ainsi, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en œuvre la procédure dérogatoire de l'article 17 précité ;

- dès lors qu'il n'est pas établi que sa remise aux autorités grecques n'entraînerait pas son renvoi en Afghanistan, le préfet a violé l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors qu'il fait état d'éléments circonstanciés et récents de nature à établir qu'il serait directement et personnellement menacé en cas de retour dans son pays d'origine ; les défaillances systémiques de la Grèce au regard du droit d'asile sont pourtant connues, les demandeurs d'asile étant souvent refoulés vers la Turquie ;

- enfin, le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu, car dès lors qu'il ne veut pas être remis aux autorités grecques, il ne présente pas de risque de fuite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2023, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une décision du 22 juillet 2021, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'accord du 15 décembre 1999 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hellénique relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1 . M. B... A..., de nationalité afghane, né en 1994, est entré irrégulièrement en France, le 8 septembre 2020 selon ses dires, en provenance de Grèce, et a sollicité l'asile sur le territoire national. Cependant, le relevé de ses empreintes digitales a fait apparaître qu'il bénéficiait de la protection internationale des autorités grecques depuis le 3 juillet 2019. Par une décision du 5 mars 2021, sa demande d'asile a été considérée comme irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), au motif qu'il était déjà détenteur de la protection internationale. Par une décision du 21 décembre 2022, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a également rejeté le recours formé par M. A.... Les autorités grecques, saisies d'une demande de réadmission le 29 avril 2021, sur le fondement de l'accord franco-hellénique du 15 décembre 1999, ont fait connaître leur accord le 10 juin 2021. Par deux arrêtés du 11 juin 2021, le préfet de la Haute-Vienne a, d'une part, pris une décision de remise de M. A... aux autorités grecques et, d'autre part, a prononcé son assignation à résidence pour 45 jours. M. A... relève appel du jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Limoges du 17 juin 2021, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2021 ayant prononcé sa remise aux autorités grecques.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/016291 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 22 juillet 2022. Par suite, ses conclusions tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelles sont devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Par le point 9 de leur jugement, les premiers juges ont répondu au moyen tiré de la violation de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, en estimant que l'invocation de ces dispositions était inopérante dans le cadre du présent litige. Ils n'avaient donc pas à répondre à l'argument tiré de ce que le préfet aurait dû, en vertu de cet article, informer les autorités grecques de l'état de santé de M. A..., ni au moyen relatif à l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en ne mettant pas en œuvre la procédure dérogatoire prévue par cet article. Par suite, le jugement n'est pas entaché des omissions à statuer alléguées.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté portant remise aux autorités grecques :

4. En premier lieu, comme l'a déjà relevé la magistrate désignée du tribunal administratif de Limoges par un motif qu'il y a lieu d'adopter, l'arrêté litigieux comporte l'examen détaillé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et il résulte des termes mêmes de l'arrêté en cause que le préfet de la Haute-Vienne a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... avant de prononcer sa remise aux autorités grecques. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé ne peuvent qu'être écartés.

5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 4, alinéa 1 de l'annexe à l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hellénique du 15 décembre 1999: " (...) 1.4. La Partie contractante requise répond à la demande dans les plus brefs délais, au plus tard dans les quarante-huit heures qui suivent la réception de la demande. Ce délai est prolongé de trois jours, dans le cas prévu à l'article 3, alinéa 2 ". Aux termes de l'article 11 de la même annexe : " (...) 4.3. Elle [la demande de transit] est transmise, quarante-huit heures au moins avant le transit, par télécopie ou télex, aux autorités compétentes des Parties contractantes définies au point 6.2 de la présente annexe. / 4.4. La Partie contractante requise répond à la demande dans les plus brefs délais, si possible dans les quarante-huit heures. ". D'autre part, aux termes des stipulations de l'article 5 du même accord : " (...) 3. La demande de réadmission doit être transmise dans un délai de trois mois à compter de la constatation par la partie contractante requérante de la présence irrégulière sur son territoire du ressortissant d'un Etat tiers ".

6. M. A... fait à nouveau valoir en appel, d'une part, qu'il n'est pas établi que le préfet ait respecté, dans sa demande de réadmission, les formalités requises par les articles 4-1) et 11 de l'annexe à l' accord franco-hellénique, au demeurant sans préciser lesquelles, ou que les autorités grecques n'auraient pas répondu dans un délai de quarante-huit heures à la demande de réadmission et de transit formulée par les autorités françaises et, d'autre part, que la demande de réadmission a été effectuée le 29 avril 2021, soit au-delà du délai de trois mois mentionné dans ces stipulations dès lors qu'il a été mis en possession d'une attestation de demande d'asile le 15 septembre 2020.

7. Cependant, l'accord franco-hellénique du 15 décembre 1999 régit les relations entre Etats. Par suite, M. A... ne peut utilement se prévaloir du non accomplissement des formalités ou du dépassement des délais prévus aux articles 4 et 5 dudit accord. Ses moyens en ce sens doivent être écartés comme inopérants.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation au refus d'entrée à la frontière prévu à l'article L. 332-1, à la décision portant obligation de quitter le territoire français prévue à l'article L. 611-1 et à la mise en œuvre des décisions prises par un autre État prévue à l'article L. 615-1, l'étranger peut être remis, en application des conventions internationales ou du droit de l'Union européenne, aux autorités compétentes d'un autre État, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas prévus aux articles L. 621-2 à L. 621-7.L'étranger est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'État. Il est mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. ". Aux termes de l'article L. 621-2 du même code : " Peut faire l'objet d'une décision de remise aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne, de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse l'étranger qui, admis à entrer ou à séjourner sur le territoire de cet Etat, a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 311-1, L. 311-2 et L. 411-1, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec cet État, en vigueur au 13 janvier 2009. ".

9. Il est constant, comme l'a déjà relevé la magistrate désignée du tribunal administratif de Limoges, que M. A... possédait une carte de protection internationale délivrée par les autorités grecques valable jusqu'au 21 août 2022 et qu'il a fait l'objet d'une décision de remise aux autorités grecques sur le fondement des dispositions citées au point précédent et de l'accord du 15 décembre 1999 entre la République française et la République hellénique, et non dans le cadre d'une procédure de transfert telle que prévue par les dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Par suite, M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article 17 de ce dernier règlement, permettant à la France de déroger aux règles de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, lesquelles ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce.

10. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. M. A... soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il encourt des traitements inhumains et dégradants en raison de la situation de violence qui règne en Afghanistan. Toutefois, l'arrêté attaqué n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner M. A... à destination de l'Afghanistan mais a seulement pour objet de le renvoyer en Grèce, État dans lequel il bénéficiait au demeurant de la protection internationale, qui peut lui être renouvelée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. En dernier lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifiées aux articles L. 612-2 et L. 612-3 du même code, dès lors qu'il ne fait pas l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne portant remise aux autorités grecques. Par suite, les conclusions de M. A... à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. A....

Article 2 : La requête présentée par M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 7 février 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mars 2023.

La rapporteure,

Florence D...

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02960
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : DOUNIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-02;21bx02960 ?
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