Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté du 19 septembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel la préfète de la Gironde l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2204998, 2204999 du 23 septembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 octobre 2022 et le 10 janvier 2023, M. A... B..., représenté par Me Abadel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 septembre 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés de la préfète de la Gironde du 19 septembre 2022 pris à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- il bénéficie d'un titre de séjour italien ;
- cet arrêté porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ; l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a de fortes attaches en Italie, outre la présence de ses enfants en France ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a pas été tenu compte de sa situation personnelle, ses enfants étant en France et le centre de ses intérêts personnels étant en Italie ;
En ce qui concerne la décision de l'assigner à résidence :
- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
- la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signé à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Charlotte Isoard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 19 septembre 2022, la préfète de la Gironde a fait obligation à M. A... B..., ressortissant marocain né le 1er septembre 1983, de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un arrêté du même jour, la préfète de la Gironde l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... B... relève appel du jugement du 23 septembre 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des deux arrêtés du 19 septembre 2022.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la décision en litige, après avoir visé les textes applicables, indique que M. A... B... est entré irrégulièrement sur le territoire français, ne remplit aucune condition pour y résider et fait état de la situation administrative de son épouse, dont la demande de titre de séjour a été refusée. Ces éléments ont mis à même M. A... B... de comprendre les motifs pour lesquels la préfète lui a fait obligation de quitter le territoire français et de les contester utilement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision, qui énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il résulte de l'article 21 de la convention d'application de l'accord de Schengen qu'un ressortissant de pays tiers muni d'un titre de séjour en cours de validité délivré par un État de l'espace Schengen peut circuler librement, pour une durée n'excédant pas quatre-vingt-dix jours sur toute période de cent quatre-vingts jours, sur le territoire des autres États membres, dont la France, sous réserve de respecter les conditions fixées par cette convention et par les règlements (UE) n° 265/2010 du Parlement européen et du Conseil du 25 mars 2010, n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016. Dès lors, et sauf à ce que l'une de ces conditions ne soit pas satisfaite, le préfet ne peut légalement obliger un ressortissant de pays tiers muni d'un titre de séjour délivré par un État de l'espace Schengen à quitter le territoire français moins de quatre-vingt-dix jours après son entrée en France.
4. Si M. A... B... soutient qu'il bénéficie d'un titre de séjour italien, il ressort des pièces du dossier que le centre de coopération policière douanière de Vintimille, interrogé sur la photographie du titre de séjour présentée par l'intéressé lors de son audition du 19 septembre 2022, a indiqué que ce dernier était inconnu de leurs banques de données. Par ailleurs, les documents traduits de l'italien versés au dossier, dont la traduction est d'ailleurs peu claire, ont été établis postérieurement à l'arrêté litigieux. Ainsi, en l'absence de tout autre élément au dossier concernant l'authenticité du titre de séjour italien dont se prévaut le requérant, il ne peut être tenu pour établi qu'à la date de la décision litigieuse, M. A... B... bénéficiait d'un titre de séjour en cours de validité délivré par un État de l'espace Schengen. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète aurait commis une erreur de droit en édictant une obligation de quitter le territoire français à son encontre doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. D'une part, M. A... B... ne verse au dossier aucun élément permettant de tenir pour établies les attaches dont il se prévaut en Italie. D'autre part, s'il fait valoir que ses deux enfants et son épouse résident en France, l'intéressé, qui soutient lui-même, ainsi qu'il vient d'être dit, que le centre de ses intérêts privés et familiaux est fixé en Italie, ne verse au dossier aucun élément attestant d'une communauté de vie avec son épouse, ou de ce qu'il contribuerait à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge. Au demeurant, la demande de renouvellement du titre de séjour de l'épouse de M. A... B..., de nationalité marocaine, a été rejetée par la préfète de la Gironde. Dans ces conditions, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, la décision litigieuse ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de M. A... B... eu égard aux buts qu'elle poursuit. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant et de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise la préfète de la Gironde doit également être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Et aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
8. En premier lieu, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français indique que M. A... B... est entré et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, qu'il est sans ressources, ne justifie pas de l'intensité et de l'ancienneté de ses liens France, qu'il s'oppose à tout retour dans son pays d'origine et n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Ainsi, cette décision énonce les circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
9. En second lieu, au regard des éléments rappelés au point 6, M. A... B... ne peut être regardé comme ayant des liens anciens et stables sur le territoire français. Dans ces conditions, la préfète n'a pas commis d'erreur d'appréciation en édictant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans, alors même qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement.
Sur la décision portant assignation à résidence :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées ".
11. L'arrêté litigieux indique, après avoir visé les textes applicables, que M. A... B..., qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, ne peut justifier de la possession d'un document transfrontières en cours de validité, et que l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre demeure une perspective raisonnable. Il énonce ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit être écarté.
12. En second lieu, si M. A... B... soutient que la mesure d'assignation à résidence le contraint à rester en France alors qu'il allègue être convoqué par les autorités italiennes dans le cadre de ses démarches de renouvellement d'un titre de séjour italien, il ne verse au dossier aucun élément probant concernant une telle convocation, alors au demeurant que la réalité de son titre ne peut être tenue pour établie, ainsi qu'il a été dit au point 4. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2023.
La rapporteure,
Charlotte IsoardLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22BX02721 2