La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/2023 | FRANCE | N°22BX01579

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 23 février 2023, 22BX01579


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103093 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2022, M. C..., r

eprésenté par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103093 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2022, M. C..., représenté par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de réexaminer sa situation et enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que

- l'arrêté attaqué est signé par une autorité incompétente ; la délégation est trop large ;

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ; la préfète s'est crue liée par l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par exception d'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- cette décision méconnaît les articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2023, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Le préfet fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 juillet 2022 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... A..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant géorgien né le 27 mars 1991, est entré en France, selon ses déclarations, le 16 février 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 17 mai 2019 et le 23 août 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. Il a bénéficié de la délivrance de deux titres de séjour pour raisons de santé valables du 5 janvier 2020 au 4 juin 2021. Sa demande de renouvellement de titre de séjour a été rejetée par un arrêté du 18 octobre 2021 portant, en outre, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. C... relève appel du jugement du 13 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Par un arrêté du 27 août 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat, Mme Pascale Pin, secrétaire générale de la préfecture de la Vienne, a reçu délégation de la préfète de la Vienne à l'effet de signer notamment tous arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Vienne et notamment ceux entrant dans le champ d'application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception des mesures générales concernant la défense nationale, la défense intérieure et le maintien de l'ordre et des matières qui font l'objet d'une délégation à un chef de service de l'Etat dans le département. Contrairement à ce que fait valoir l'appelant, cette délégation n'est pas trop générale. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, après avoir visé les textes applicables à la situation de M. C..., la décision attaquée précise les raisons pour lesquelles la préfète de la Vienne a estimé qu'il ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision indique, en particulier, en prenant en compte l'avis de l'OFII en date du 7 juin 2021, que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que le requérant n'allègue pas être dans l'impossibilité d'accéder à une prise en charge médicale dans son pays d'origine. Cette décision fait également état de la situation familiale en France de M. C... et précise qu'elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, et alors même que la décision ne mentionne pas que l'appelant s'est vu reconnaître un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 %, et que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant sa situation, elle comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation du refus de titre de séjour doit être écarté.

4. En deuxième lieu, la motivation de cette décision, qui est suffisante, ne révèle pas que l'autorité administrative n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle, notamment médicale, de M. C....

5. En troisième lieu, il ne résulte nullement de la rédaction de la décision litigieuse que la préfète se serait crue en situation de compétence liée pour refuser le titre de séjour sollicité et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ".

7. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

8. Dans son avis du 7 juin 2021, le collège de médecins du service médical de l'OFII a estimé que l'état de santé du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

9. Le requérant fait valoir que si l'hépatite virale C pour laquelle il a bénéficié d'un traitement en 2019 est considérée comme guérie, il pourrait lui être proposé " d'ici deux ou trois ans " une évaluation de la fibrose hépatique. M. C... indique également qu'il souffre de paraparésie des membres inférieurs depuis un accident de la voie publique survenu en 2010 en Géorgie, qu'il s'est vu reconnaitre en France un taux de handicap de 80%, qu'il bénéficie de séances de kinésithérapie régulières qui lui ont permis de marcher avec des béquilles et qu'il a reçu le 14 décembre 2020 une injection de toxine botulique en vue de traiter les troubles urinaires associés et doit en recevoir une seconde en février 2022. Toutefois, si les documents médicaux produits établissent la réalité des pathologies dont souffre le requérant et les soins dont il a besoin, ils ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins selon laquelle le défaut de traitement de ses pathologies ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Vienne a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Selon l'article 8 de cette même convention : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ". Enfin, aux termes de l'article 14 de la même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ".

11. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un défaut de soins entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour M. C.... Par ailleurs, le requérant, célibataire et sans charge de famille, ne résidait en France que depuis deux ans à la date de la décision attaquée et il a conservé des attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans et où résident ses parents et son frère. Ainsi, la décision de refus de titre de séjour opposée à M. C... ne porte pas atteinte au droit à la vie de l'intéressé, ni ne l'expose à des traitements inhumains et dégradants, et ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, et alors que l'impossibilité d'un suivi médical en Géorgie n'est pas établie, la préfète n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. C....

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée.

13. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

14. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, M. C... ne peut soutenir que la décision en litige a méconnu les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

15. En premier lieu, l'arrêté du 18 octobre 2021 vise l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui constitue le fondement en droit de la décision fixant le pays de renvoi, et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il est exposé, dans les motifs de l'arrêté, que M. C... n'établit pas être exposé à des peines ou à des traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine, ce qui constitue le motif de fait de cette même décision. Dans ces conditions, la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée, en droit et en fait, et le moyen tiré du défaut de motivation doit, par suite, être écarté.

16. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 13, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur version alors applicable selon lesquelles : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " doivent être écartés.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 23 février 2023.

Le président-rapporteur, La présidente-assesseure,

Jean-Claude A... Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01579


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01579
Date de la décision : 23/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-23;22bx01579 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award