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23/02/2023 | FRANCE | N°21BX00840

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 23 février 2023, 21BX00840


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Douces Terrasses d'Emeraude a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le maire du Gossier a décidé de préempter la parcelle cadastrée section CA n°1, ainsi que la décision du 21 août 2019 de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1901293 du 29 décembre 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 févri

er 2021 et le 15 novembre 2022, la SARL Douces Terrasses d'Emeraude, représentée par Me Hansen, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Douces Terrasses d'Emeraude a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le maire du Gossier a décidé de préempter la parcelle cadastrée section CA n°1, ainsi que la décision du 21 août 2019 de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1901293 du 29 décembre 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 février 2021 et le 15 novembre 2022, la SARL Douces Terrasses d'Emeraude, représentée par Me Hansen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 29 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire du Gosier du 20 mai 2019, ainsi que la décision du 21 août 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Gosier la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué ne se prononce pas sur le moyen tiré de ce que l'annulation du plan local d'urbanisme du Gosier rend illégale la décision de préemption du 20 mai 2019 ;

- la décision en litige, qui indique seulement que le droit de préemption est exercé pour réaliser des places de stationnement et un espace d'animation, n'est pas suffisamment motivée ;

- l'annulation du plan local d'urbanisme du Gosier par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 29 mai 2019 rend illégale la délibération du 24 mars 2016 qui institue un droit de préemption urbain dans la commune du Gosier dès lors qu'elle fait correspondre les zones de préemption avec les zones urbaines et à urbaniser du plan local d'urbanisme ; la délibération du 24 mars 2016 est par conséquent illégale ;

- l'annulation du plan local d'urbanisme rend directement illégale la décision de préempter en application de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme ;

- cette décision méconnaît l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme dès lors que le projet de la commune ne constitue pas une opération d'aménagement au sens de cet article ;

- le projet évoqué dans la décision de préempter ne présente pas de réalité ;

- la décision en litige méconnaît l'article L. 230-4 du code de l'urbanisme dès lors que la parcelle cadastrée CA n° 1 faisait l'objet de l'emplacement réservé n° 17 inscrit dans l'ancien plan local d'urbanisme du Gosier que la commune n'a toutefois pas acquis ; le droit de préemption urbain doit être regardé comme ayant été exercé en vue de la réalisation du projet qui justifiait l'emplacement réservé ; la disparition de l'emplacement réservé fait obstacle à ce que le même terrain fasse l'objet d'une décision de préemption.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2022, la commune du Gosier, représentée par Me Ferrand, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la SARL Douces Terrasses d'Emeraude la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la SARL Douces Terrasses d'Emeraude ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Marx, représentant la SARL Douces Terrasses d'Emeraude, et les observations de Me Ferrand, représentant la commune du Gosier.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 20 mai 2019, le maire du Gosier a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée section CA n° 1, d'une superficie de 2 789 mètres carrés. La SARL Douces Terrasses d'Emeraude relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision, ainsi que de la décision de rejet de son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. A l'appui de sa demande, la SARL Douces Terrasses d'Emeraude soutenait notamment que l'annulation contentieuse de la délibération du conseil municipal du 13 août 2015 approuvant le plan local d'urbanisme du Gosier par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 29 mai 2019 entraînait l'illégalité de la décision en litige. Toutefois, l'illégalité de ce document ne pouvait être utilement invoquée par la société dès lors que la décision de préemption du 20 mai 2019 ne constitue pas un acte d'application du plan local d'urbanisme. Ainsi le tribunal administratif de la Guadeloupe, qui a analysé le moyen dans les visas du jugement attaqué, n'a pas entaché ce jugement d'irrégularité en ne répondant pas à ce moyen tel qu'il était soulevé par la requérante, qui était inopérant.

Sur la légalité de l'arrêté du 20 mai 2019 :

3. En premier lieu, l'acte instituant un droit de préemption urbain, qui se borne à rendre applicables dans la zone qu'il délimite les dispositions législatives et réglementaires régissant l'exercice de ce droit, sans comporter lui-même aucune disposition normative nouvelle, ne revêt pas un caractère réglementaire et ne forme pas avec les décisions individuelles de préemption prises dans la zone une opération administrative unique comportant un lien tel qu'un requérant serait encore recevable à invoquer par la voie de l'exception les illégalités qui l'affecteraient, alors qu'il aurait acquis un caractère définitif.

4. Il ressort des mentions portées sur la délibération du 24 mars 2016 instituant le droit de préemption urbain dans les zones urbaines et à urbaniser déterminées par le plan local d'urbanisme du Gosier qu'elle a été publiée le 1er avril 2016. Par suite, cette délibération ayant acquis un caractère définitif, la société Douces Terrasses d'Emeraude n'est pas recevable à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité qui l'affecterait en raison de l'annulation contentieuse du plan local d'urbanisme.

5. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 2, dès lors que la décision en litige n'a pas été prise pour l'application du plan local d'urbanisme du Gosier, qui n'en constitue par ailleurs pas la base légale, la SARL Douces Terrasses d'Emeraudes ne peut utilement se prévaloir de l'annulation contentieuse du plan local d'urbanisme pour contester la légalité de cette décision.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme alors applicable : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ". Et aux termes de l'article L. 300-1 de ce code dans sa version applicable au présent litige : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations (...) ". Les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

7. D'une part, l'arrêté du 20 mai 2019 mentionne que la parcelle cadastrée section CA n° 1, d'une superficie totale de 2 789 mètres carrés et située en zone rouge du plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé le 3 mars 2008, fait office de parking sauvage pour les usagers de la plage de " la Datcha ", qui est un espace très fréquenté, et qu'elle est pour ce motif susceptible de contenir des terres polluées. Il indique que le droit de préemption est exercé pour y réaliser des places de stationnement et accessoirement un espace d'animation, après avoir précisé que le projet s'inscrit dans une perspective d'aménagement global comprenant l'aménagement de l'Anse Tabarin, de l'Anse Canot et de l'îlet du Gosier. L'ensemble de ces éléments permet d'appréhender la nature du projet. A cet égard, la mention d'un " espace d'animation " est suffisamment précise dans les circonstances de l'espèce dès lors que cet aménagement ne présente qu'un caractère accessoire par rapport au projet de réalisation de places de stationnement. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté n'est pas suffisamment motivé au regard de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme doit être écarté.

8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la commune a exercé son droit de préemption urbain dans le cadre d'un projet global de restructuration, de revitalisation et de développement du bourg du Gosier approuvé notamment par une délibération du 20 décembre 2012. L'acquisition de la parcelle concernée, qui se trouve à proximité de la plage de " la Datcha ", très fréquentée, permettra la réalisation de places de stationnement sur un espace dont il ressort des pièces du dossier qu'il est utilisé comme parking sauvage, ce qui nuit à l'attractivité de cette plage, ainsi que d'un espace d'animation en lien avec les activités balnéaires. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, le projet de la commune constitue une opération d'aménagement en vue du maintien et l'accueil d'activités économiques et permettant de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, qui répond ainsi aux objets mentionnés à l'article L. 310-1 du code de l'urbanisme cité ci-dessus. Par ailleurs, la circonstance que les caractéristiques précises de " l'espace d'animation " qui sera réalisé en complément des places de stationnement n'ont pas été définies à la date de la décision litigieuse n'est pas de nature à entacher d'illégalité cette décision.

9. Enfin, il ressort des pièces du dossier que, dès 2012, la commune envisageait d'acquérir cette parcelle afin d'y réaliser des places de stationnement, dans le cadre d'un projet global de restructuration, de revitalisation et de développement du bourg du Gosier, ainsi qu'en témoigne la délibération du 20 décembre 2012, qui prévoyait une action " d'aménagement de l'espace plage du bourg " comprenant l'acquisition de la parcelle cadastrée section CA n° 1, la réalisation d'un parking semi-enterré et la construction de locaux commerciaux. Par ailleurs, une étude de programmation urbaine de la zone littorale du bourg a été initiée le 19 avril 2018 portant sur le secteur compris entre l'anse Tabarin et la plage de " la Datcha ", qui porte notamment sur l'aménagement d'un espace de stationnement de " la Datcha ". Une étude de faisabilité a également été réalisée le 5 mai 2019 portant sur le principe d'aménagement de la plage de " la Datcha ", faisant apparaître des places de stationnement et des unités destinées à accueillir la caisse du parking, une conciergerie ou encore des commerces de restauration légère. Dans ces conditions, la réalité de l'opération d'aménagement envisagée par la commune est établie, alors même, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que le projet de réalisation du parking et de l'espace d'animation a évolué depuis la délibération du 20 décembre 2012.

10. En dernier lieu, la circonstance que la commune n'a pas acquis la parcelle dont il s'agit, qui était classée par le plan local d'urbanisme comme l'emplacement réservé n° 17, dans le cadre de la mise en œuvre par la société de son droit de délaissement le 19 juillet 2017, est sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle le maire du Gosier a décidé de préempter cette parcelle dès lors que la procédure de préemption est distincte de celle prévue par les articles L. 230-1 et suivants du code de l'urbanisme, et alors au demeurant que cette parcelle était classée comme un emplacement réservé au bénéfice du département, et non de la commune. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 230-4 du code de l'urbanisme doit être écarté comme inopérant.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Douces Terrasses d'Emeraude n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Gosier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Douces Terrasses d'Emeraude demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Douces Terrasses d'Emeraude une somme 1 500 euros à verser à la commune, en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Douces Terrasses d'Emeraude est rejetée.

Article 2 : La SARL Douces Terrasses d'Emeraude versera à la commune du Gosier une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Douces Terrasses d'Emeraude, à la société Eurodom-Invest et à la commune du Gosier.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2023.

La rapporteure,

Charlotte A...Le président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX00840 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00840
Date de la décision : 23/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET UGGC ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-23;21bx00840 ?
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