Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société antillaise d'exploitation de ports de plaisance (SAEPP) a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner solidairement l'office du tourisme du Marin et la commune du Marin au paiement d'une somme de 191 812,82 euros TTC au titre des indemnités dues pour l'occupation sans droit ni titre, entre 2013 et 2018, du domaine public dont elle est concessionnaire, assortie des intérêts moratoires au taux légal.
Par un jugement n°1800746 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de la Martinique a condamné l'office du tourisme du Marin à verser à la SAEPP la somme de 108 620,40 euros TTC au titre des indemnités d'occupation sans droit ni titre dues pour les années 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter du 13 décembre 2018 et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2021, la SAEPP, représentée par Me Ménage, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 novembre 2020 en tant qu'il ne fait pas droit à l'intégralité de ses demandes ;
2°) de condamner solidairement l'association office du tourisme du Marin et la commune du Marin au paiement d'une somme de 207 163,30 euros TTC au titre des indemnités dues pour l'occupation sans droit ni titre du domaine public concédé et les frais annexes, assortie des intérêts moratoires au taux légal ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'association office du tourisme du Marin et de la commune du Marin d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a retenu à tort une faute de sa part pour minorer les indemnités dues au titre des années 2013 à 2016 dès lors qu'elle démontre avoir essayé d'obtenir la régularisation depuis plusieurs années et au plus tard depuis 2015 ;
- au vu des caractéristiques du local et des tarifs pratiqués, le tribunal s'est fondé à tort sur un tarif de 15 euros HT du m² pour les années 2017 et 2018 ;
- elle justifie des frais annexes d'électricité et de gardiennage qui sont facturés à l'ensemble des occupants du port de plaisance ;
- elle justifie du montant et de l'assujettissement du local à la taxe foncière dont le remboursement est prévu à l'article 14 du contrat type ;
- la condamnation solidaire de la commune du Marin est justifiée par la nature para administrative de l'association office du tourisme du Marin, ce que la commune ne conteste pas et par la faute commise en ne contraignant pas cette association à signer le contrat d'occupation.
La requête a été communiquée à l'office du tourisme du Marin et à la commune du Marin qui n'ont pas produit de mémoires en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... B...,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me Dumont, représentant la commune du Marin.
Considérant ce qui suit :
1. La société antillaise d'exploitation de ports de plaisance (SAEPP) a conclu avec la commune du Marin, le 4 janvier 2000, une concession portant sur l'établissement et l'exploitation d'ouvrages et d'outillages publics nécessaires à la réalisation et au fonctionnement du port de plaisance du Marin. Elle a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner solidairement l'office du tourisme du Marin et la commune du Marin à lui verser une indemnité totale de 191 812,82 euros TTC au titre de l'occupation par l'office du tourisme du Marin de locaux situés au sein du port de plaisance au cours des années 2013 à 2018. Par un jugement du 19 novembre 2020, le tribunal administratif a condamné l'office du tourisme du Marin à lui verser la somme de 108 620,40 euros TTC au titre des indemnités d'occupation dues pour cette période, assortie des intérêts moratoires à compter du 13 décembre 2018 et rejeté le surplus de sa demande. La SAEPP relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande.
Sur les conclusions dirigées contre l'office du tourisme :
2. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté par les parties que l'office du tourisme du Marin a occupé depuis 2007 différents locaux situés dans le périmètre du domaine public concédé à la SAEPP et que cette occupation n'a donné lieu au paiement d'aucune redevance pour les années 2013 à 2018. Par suite, en application de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques la SAEPP, concessionnaire de la commune du Marin autorisée à occuper les dépendances du domaine public comprises dans le périmètre de la concession, est fondée à réclamer à l'office du tourisme, occupant sans titre d'une partie du domaine public concédé, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période.
3. Afin de réclamer à l'occupant sans titre d'une partie du domaine public concédé, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période, le concessionnaire doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public.
4. D'une part, la SAEPP ne conteste pas les tarifs retenus par le tribunal pour les années 2013 à 2016. D'autre part, en 2017 et 2018, l'office du tourisme a occupé un local d'une superficie de 172 m² pour lequel la société concessionnaire évalue la redevance sur une base de 22,2 euros HT le m² soit un loyer mensuel hors taxe de 3 818,40 euros. Il résulte toutefois de l'instruction que par un mail du 30 septembre 2015, la SAEPP avait proposé à la directrice de l'office du tourisme du Marin de signer un contrat de mise à disposition pour un local de 172 m² d'une valeur locative de 3 818 euros par mois au tarif de 2 500 euros par mois pour " tenir compte des spécificités et des avantages reconnus d'avoir les équipes de l'office du tourisme a proximité ". Dans ces conditions, le tribunal n'a pas fait une inexacte évaluation des avantages qu'aurait pu produire l'occupation régulière des parties concernées du domaine public, en fixant le montant de l'indemnité d'occupation due au titre de chacune de ces deux années à la somme mensuelle de 2 799,30 euros TTC, correspondant à un tarif calculé sur une base de 15 euros HT le m².
5. Toutefois, si l'occupation sans droit ni titre d'une dépendance du domaine public constitue une faute commise par l'occupant qui l'oblige à réparer le dommage causé au gestionnaire de ce domaine par cette occupation irrégulière, les circonstances que l'autorité gestionnaire du domaine public n'a pas mis en demeure l'occupant irrégulier de quitter les lieux, ne l'a pas invité à régulariser sa situation ou a entretenu à son égard une ambiguïté sur la régularité de sa situation, sont de nature, le cas échéant, à constituer une cause exonératoire de la responsabilité de l'occupant, dans la mesure où ce comportement du gestionnaire serait constitutif d'une faute. Ces circonstances ne sauraient cependant faire obstacle, dans son principe, au droit du gestionnaire du domaine public à la réparation du dommage résultant de cette occupation irrégulière.
6. Il résulte de l'instruction que la société requérante ne pouvait ignorer la présence de l'office du tourisme dans des locaux situés dans le même bâtiment que la capitainerie et qu'elle lui a proposé différents locaux sur la période considérée. Si la SAEPP fait valoir qu'elle a sans cesse demandé oralement à l'office du tourisme de régulariser l'occupation des locaux par la signature d'un contrat, elle n'apporte aucun élément probant permettant d'établir ses allégations avant un message du 30 septembre 2015 adressé à la directrice de l'office du tourisme proposant un projet de contrat pour l'occupation d'un nouveau local de 172 m2 à compter de la fin du mois de novembre 2015 suivi de plusieurs mails de rappel concernant la signature de ce contrat et le paiement du loyer durant l'année 2016, ainsi que la lettre de relance pour l'ensemble des sommes dues adressée à l'office du tourisme le 6 avril 2017. A cet égard, la société ne peut se prévaloir du message de mars 2015, adressé au cabinet du maire et non à l'office de tourisme. Ainsi, il résulte de l'instruction que la SAEPP n'a pas mis en demeure l'office de tourisme de quitter les lieux, ni ne l'a invité à régulariser sa situation avant la fin de l'année 2015. L'absence de démarches officielles de la SAEPP a ainsi entretenu à l'égard de l'office de tourisme une ambiguïté sur la régularité de sa situation. Dès lors, dans ces circonstances, le comportement de la SAEPP constitue une faute de nature à exonérer l'office du tourisme de la moitié de sa responsabilité pour la période de janvier 2013 à novembre 2015, et non jusqu'en 2016 comme l'a retenu le tribunal.
7. Enfin, si la SAEPP demande la condamnation de l'office du tourisme à lui verser, sur le fondement de l'article 13 du contrat type de mise à disposition d'installations immobilières en rapport avec l'utilisation du port prévu par l'article 30.3 du contrat de concession qu'elle a conclu avec la commune du Marin, les frais de fourniture d'électricité et de gardiennage qu'elle a exposés ainsi que la taxe foncière correspondant aux locaux occupés sur la période de 2013 à 2018, il est constant que l'office de tourisme n'a pas conclu un tel contrat avec la SAEPP. Par suite, la SAEPP ne peut utilement se prévaloir des articles 13 et 14 du contrat-type pour demander la condamnation de l'office du tourisme à lui rembourser des frais distincts de l'indemnité d'occupation irrégulière du domaine public. Au demeurant, en se bornant à produire les factures qu'elle a elle-même établies comportant ces sommes, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier qu'elle aurait effectivement supporté de tels frais, ni de la réalité et du montant de la taxe foncière à laquelle ont été assujettis les locaux occupés par l'office du tourisme.
Sur la demande de condamnation de la commune du Marin :
8. Il résulte de l'instruction que si l'office du tourisme du Marin est une association créée à l'initiative de la commune du Marin, elle est administrée par un conseil d'administration qui ne peut pas comporter plus d'un tiers de membres de droit désignés par le conseil municipal et dont le président n'est pas nécessairement choisi parmi ces membres de droit, lesquels sont également très minoritaires au sein de l'assemblée générale. Le maire de la commune en est seulement président d'honneur et son financement n'est pas assuré par les seules subventions de la commune, la requérante n'apportant aucun élément à l'appui de ses affirmations sur ce point. Si cette association a pour objet de promouvoir la ville, elle assume également des missions d'accueil et d'information touristiques ainsi que d'impulsion des animations sur le territoire de la commune, qu'elle exerce en liaison avec les collectivités publiques et privées et les autres organismes intervenant dans le domaine du tourisme. Enfin, les affirmations de la requérante selon lesquelles la directrice de l'office du tourisme durant cette période était un agent de la commune ne sont assorties d'aucun commencement de preuve, lequel ne peut résulter de sa seule adresse de messagerie. Dans ces conditions, la commune du Marin ne peut être regardée comme contrôlant l'organisation et le fonctionnement de l'office du tourisme, et dès lors la SAEPP ne peut se prévaloir des fautes qu'elle aurait commises dans la gestion de cette association. Par suite, ses conclusions tendant à la condamnation solidaire de la commune du Marin au paiement des redevances d'occupation du domaine public ne peuvent qu'être rejetées.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SAEPP est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a exonéré l'office de tourisme de la moitié de sa responsabilité pour la période de décembre 2015 à décembre 2016. Il y a lieu par suite de porter le montant de la condamnation à la somme de 119 894,39 euros TTC.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Marin, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAEPP demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
11. En revanche, Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'office du tourisme du Marin une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAEPP et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 108 620,40 euros que l'office du tourisme du Marin a été condamné à verser à la société antillaise d'exploitation de ports de plaisance par le jugement du 19 novembre 2020 est portée à 119 894,39 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 19 novembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : L'office du tourisme du Marin versera à la société antillaise d'exploitation de ports de plaisance une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société antillaise d'exploitation de ports de plaisance est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société antillaise d'exploitation de ports de plaisance, à l'office du tourisme du Marin et à la commune du Marin.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 février 2023.
La rapporteure,
Christelle B...Le président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21BX00237 2