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21/02/2023 | FRANCE | N°22BX01351

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 21 février 2023, 22BX01351


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2200

099 du 10 février 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2200099 du 10 février 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Trebesses, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 février 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et de lui délivrer dans l'attente de cet examen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 300 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'erreur de fait quant à la situation de son conjoint ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'erreur de fait en ce qu'elle mentionne à tort qu'elle est connue des services de police pour des faits de vol simple le 12 août 2017 à Paris ;

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.

Par un mémoire enregistré le 15 septembre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle s'en remet à son mémoire de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique a été entendu le rapport de Mme Nathalie Gay.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité nigériane, qui déclare être entrée en France le 25 septembre 2016, a présenté une première demande d'asile le 21 octobre 2016 qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le 27 juillet 2017, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 13 novembre 2018. Par un arrêté du 9 juillet 2019, le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours. Le 23 mars 2021, Mme A... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, demande rejetée selon la procédure accélérée par décision de l'OFPRA du 30 juin 2021. Par un arrêté du 13 décembre 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Mme A... relève appel du jugement du 10 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les moyens spécifiquement dirigés contre le refus de titre de séjour :

2. La décision contestée vise notamment l'article L. 542-1, le d) du 1° de l'article L. 542-2 et les articles L. 542-3 et L. 542-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle indique que la demande d'asile présentée par Mme A... a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 juillet 2017, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 13 novembre 2018 et que sa demande de réexamen a été rejetée par l'OFPRA, selon la procédure accélérée, le 30 juin 2021. En outre, elle comporte des cases, dont certaines sont cochées, et indiquant clairement que la présence sur le territoire français de son fils mineur, qui a fait l'objet d'une décision définitive de rejet de sa demande d'asile le 30 juin 2021, ne lui confère aucun droit particulier au séjour, qu'elle ne justifie pas être isolée dans son pays d'origine, qu'elle n'établit ni que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer au Nigéria, ni qu'elle serait dans l'impossibilité de se réinsérer socialement et professionnellement dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans. Par suite, la décision de refus de titre de séjour énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que ces indications, qui ont permis à Mme A... de comprendre et de contester la décision prise à son encontre, étaient suffisantes et a écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation.

3. D'une part, la circonstance que M. C..., père de l'enfant de l'appelante, a fait l'objet d'une décision implicite de refus de titre de séjour ne figure pas parmi les motifs de la décision contestée. En tout état de cause, l'appelante n'apporte aucune pièce permettant de tenir pour établie une communauté de vie avec ce dernier ni sa contribution à l'entretien et à l'éducation de leur fils. D'autre part, le jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé pour défaut de motivation la décision implicite par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de délivrer à M. C... un titre de séjour est postérieur à la décision contestée et n'a pas d'incidence sur la légalité de la décision contestée qui est appréciée à la date de son édiction. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour serait entachée d'une erreur de fait quant à la situation de son compagnon.

Sur les moyens spécifiquement dirigés contre l'interdiction de retour sur le territoire français :

4. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

5. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

6. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

7. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que la préfète de la Gironde a pris en compte la durée de présence sur le territoire de Mme A... dès lors que cet arrêté mentionne la date à laquelle elle a déclaré être entrée en France le 25 septembre 2016, ainsi que la mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet le 9 juillet 2019 et qu'elle n'a pas exécutée. En outre, la décision comporte des cases, dont certaines sont cochées, et indiquant clairement qu'elle ne justifiait pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et qu'elle a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Par ailleurs, en ne cochant pas la case " menace pour l'ordre public ", la préfète a manifesté l'absence de prise en compte d'une telle menace. Par suite, la préfète de la Gironde n'a pas entaché sa décision d'insuffisance de motivation.

8. Si l'appelante conteste la circonstance qu'elle ait été inscrite au fichier " Traitement des antécédents judiciaires " pour des faits de vol en 2017, la préfète de la Gironde n'a pas retenu la circonstance que la présence de l'intéressée sur le territoire français devait être regardée comme une menace pour l'ordre public au nombre des motifs de sa décision. Ainsi, le caractère erroné de cette inscription, à le supposer établi, n'a pas d'incidence sur la légalité de la décision par laquelle la préfète de la Gironde a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

Sur les moyens dirigés contre l'arrêté contesté pris dans son ensemble :

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a déclaré être entrée en France le 25 septembre 2016, que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA le 27 juillet 2017, décision confirmée par la CNDA le 13 novembre 2018 et que sa demande du 23 mars 2021 de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'OFPRA du 30 juin 2021. Ainsi le droit de Mme A... de se maintenir sur le territoire avait pris fin à la date de la décision contestée. En outre, l'intéressée a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 9 juillet 2019 qu'elle n'a pas exécutée. Par ailleurs, si elle fait valoir qu'elle a reconstitué sa vie familiale en France aux côtés de son compagnon, M. C..., et de son fils et qu'elle est enceinte de son deuxième enfant, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, la préfète de la Gironde avait rejeté implicitement la demande de titre de séjour déposée par M. C... et que ce dernier avait fait l'objet d'une interdiction du territoire français pendant dix ans prononcée par le tribunal correctionnel d'Albertville le 1er avril 2016. Elle n'apporte pas d'élément permettant de tenir pour établie l'impossibilité de reconstituer la cellule familiale au Nigéria, pays dont son compagnon et son fils ont la nationalité. Enfin, si Mme A..., dont la demande d'asile a été rejetée, soutient qu'elle craint pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine pour être parvenue à s'extraire du réseau criminel qui la prostituait alors qu'elle n'a pas terminé de rembourser sa dette contractée vis-à-vis de ce réseau, les éléments qu'elle produit à l'appui de ses écritures consistant en un certificat médical du 18 mars 2021 d'un médecin généraliste constatant la présence du brûlures datant de 2016, ainsi qu'un certificat médical du 11 mars 2021 d'un psychiatre mentionnant des douleurs oculaires, dorsales et du pied gauche ainsi que des cauchemars, se basant sur les déclarations de l'intéressée, ne permettent pas de tenir pour établi le caractère actuel et personnel des risques allégués. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté contesté sur sa situation personnelle.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.

La rapporteure,

Nathalie GayLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX01351 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01351
Date de la décision : 21/02/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-02-21;22bx01351 ?
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