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21/02/2023 | FRANCE | N°22BX01034

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 21 février 2023, 22BX01034


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler deux arrêtés des 12 janvier 2022 par lesquels la préfète de la Haute-Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Vienne, sur le territoire de la commune de Limoges.



Par un jugement n° 2200064 du 24 février 2022, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa dem

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Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires complémentaires...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler deux arrêtés des 12 janvier 2022 par lesquels la préfète de la Haute-Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Vienne, sur le territoire de la commune de Limoges.

Par un jugement n° 2200064 du 24 février 2022, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 6, 13, 19 avril, 15, 19, 29 septembre et 14 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Lelong, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2200064 du tribunal administratif de Limoges du 24 février 2022 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi ;

4°) d'annuler l'arrêté en date du 12 janvier 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne l'a assigné à résidence ;

5°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de dix jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les écritures en défense présentées par l'Etat sont irrecevables dès lors qu'elles ont été produites par une personne incompétente ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la préfète de la Haute-Vienne s'est estimée, à tort, en situation de compétence liée ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense enregistrés les 1er septembre et 6 octobre 2022, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les observations de Me Lelong représentant M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 15 août 1993, est entré en France le 17 septembre 2019, d'après ses déclarations. Après un contrôle, le 12 janvier 2022, alors qu'il était en situation irrégulière sur le territoire français, la préfète de la Haute Vienne l'a, par deux arrêtés du même jour, obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Vienne, sur le territoire de la commune de Limoges. M. A... relève appel du jugement du 24 février 2022 par lequel le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la demande d'aide juridictionnelle :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 avril 2022. Par suite, sa demande tendant à obtenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire est devenue sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la recevabilité des écritures en défense de la préfète de la Haute-Vienne :

3. Aux termes du I de l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative : " (...) le préfet présente devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat lorsque le litige est né de l'activité des services de la préfecture dans les matières suivantes : 1° Entrée et séjour des étrangers en France (...) ".

4. Le mémoire en défense présenté devant la cour par la préfecture de la Haute-Vienne est signé par M. Jean-Philippe Aurignac, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Vienne. Celui-ci dispose d'une délégation de la préfète de la Haute-Vienne, à l'effet notamment de signer, " les mémoires en défense devant les juridictions de l'ordre administratif ", par un arrêté n° 87-2022-093 du 16 juin 2022. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le requérant, tirée de l'irrecevabilité des écritures en défense présentées par la préfecture de la Haute-Vienne devant la cour, doit être écartée.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

6. La décision attaquée vise les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne les éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé et au fait qu'en application des dispositions précitées il peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Dès lors, l'obligation de quitter le territoire français, qui contient toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, respecte l'obligation de motivation prescrite par l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée, qui révèlerait un défaut d'examen de sa situation personnelle, doit être écarté comme manquant en fait.

7. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la préfète de la Haute-Vienne se serait estimée en compétence liée pour prendre la mesure d'éloignement contestée. Par suite, ce moyen doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. A... soutient qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, la préfète de la Haute-Vienne a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il se prévaut à cet effet de la durée de son séjour sur le territoire français, d'un peu plus de deux ans à la date de la décision attaquée, et de sa relation avec une compatriote, titulaire d'un certificat de résidence algérien valable jusqu'en 2027, dont est né un enfant le 30 octobre 2020. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier qu'il s'est marié religieusement avec cette dernière le 1er février 2020, alors qu'elle était en instance de divorce avec son ex-mari, divorce prononcé le 7 juillet 2022, il n'établit pas l'ancienneté de leur communauté de vie. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Algérie, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans et où il conserve de fortes attaches. Enfin, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. A... aurait cherché à régulariser sa situation depuis qu'il est en France et ne peut ainsi prétendre avoir voulu s'y implanter durablement alors même qu'il s'y maintenait dans une situation irrégulière. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

11. Dans les circonstances exposées au point 9, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée porterait atteinte à l'intérêt supérieur du jeune C... dès lors que comme déjà indiqué, rien n'empêche que la cellule familiale puisse se reconstituer en Algérie. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision portant refus de départ volontaire :

12. M. A... se borne à reprendre en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui a été apportée par le tribunal administratif sur ce point, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

14. En second lieu, dans les circonstances exposées au point 9, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Haute-Vienne aurait porté, en fixant le pays de renvoi, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des arrêtés de la préfète de la Haute-Vienne du 12 janvier 2022. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... ainsi que celles relatives aux frais d'instance doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de M. A... d'admission à titre de provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2013 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.

La rapporteure,

Héloïse D...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22BX01034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01034
Date de la décision : 21/02/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : LELONG

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-02-21;22bx01034 ?
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