Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite née le 21 avril 2018 par laquelle la préfète de Lot-et-Garonne a refusé de modifier la carte d'aléa " glissement de terrain " applicable sur le territoire de la commune d'Agen en tant qu'elle classe la parcelle cadastrée section AD n° 516 en zone d'aléa fort.
Par un jugement n°1801704 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 mars et 16 novembre 2020, M. B..., représenté par Me Tandonnet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 janvier 2020 ;
2°) d'annuler la décision implicite de refus née le 21 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne de modifier la carte d'aléa " glissement de terrain " applicable sur le territoire de la commune d'Agen afin que la parcelle cadastrée section AD n° 516 ne soit plus classée en zone d'aléa fort, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat les honoraires de l'expert judiciaire taxés à la somme de 6 505,70 euros.
Il soutient que :
- la carte d'aléa " glissement de terrain " ne constitue pas un simple acte préparatoire du futur plan de prévention du risque " mouvement de terrain ", elle représente le résultat final d'un processus de mise à jour des cartes d'aléas initié en 2006 par la préfecture de Lot-et-Garonne ; il n'est pas possible de contester la carte par une autre voie en l'absence de révision du plan de prévention du risque " mouvement de terrain " ; en outre, le service instructeur des autorisations d'urbanisme de l'agglomération d'Agen instruit les demandes sur la base de la nouvelle carte d'aléa, qui est publiée sur le site internet de la préfecture ; cette carte est prise en compte pour l'application du droit des sols mais également pour la planification de l'urbanisme ; cette carte, erronée en ce qu'elle classe le terrain de l'appelant en zone d'aléa fort, constitue un " document de portée générale " entrainant " des effets notables sur ses droits et sa situation " au sens de la décision du Conseil d'Etat du 12 juin 2020, Gisti n° 418142 ; c'est à tort que le tribunal a jugé que la décision de refus de modifier ladite carte, ne constituait pas une décision faisant grief ;
- en raison de la pente de la parcelle exprimée en degré d'angle à 11,5°, de l'absence d'eau souterraine superficielle et de la probabilité d'occurrence faible, le classement en aléa fort de la parcelle cadastrée section AD n° 516 n'était pas justifié.
Par une ordonnance du 11 mars 2021, la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 29 mars 2021.
Le mémoire présenté par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, enregistré le 20 janvier 2023, postérieurement à la date de la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nathalie Gay ;
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;
- et les observations de Me Tandonnet représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... est propriétaire d'une parcelle cadastrée section AD n° 516, située 1133 avenue Stalingrad à Agen, classée en " zone favorable aux constructions " par le règlement de construction du coteau de l'Ermitage, valant plan de prévention et de risque en matière de mouvements de terrains (PPRMT), approuvé par arrêté préfectoral le 1er décembre 1970, et en zone faiblement à moyennement exposée (B2) du plan de prévention des risques naturels majeurs concernant les mouvements différentiels de terrain liés au phénomène de retrait-gonflement des sols argileux approuvé par arrêté préfectoral du 21 décembre 2006 mis en révision par arrêté préfectoral du 16 mars 2015. Le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) a établi en juillet 2012 une nouvelle cartographie des aléas qui classe la parcelle de M. B... en zone d'aléa fort pour le risque naturel de glissement de terrain. A la suite d'un arrêté du 7 juillet 2016 par lequel le maire d'Agen a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la réalisation d'une maison individuelle sur sa parcelle, M. B... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux qui, le 18 novembre 2016, a ordonné une expertise afin notamment de procéder aux investigations techniques nécessaires à l'évaluation du niveau de l'aléa glissement de terrain de la parcelle concernée. Après le dépôt du rapport d'expertise le 3 mai 2017, concluant au classement en aléa faible de la parcelle, au pire en aléa moyen, M. A... B... a, par un courrier daté du 10 février 2018, reçu par les services de la préfecture le 21 février 2018, demandé à la préfète de Lot-et-Garonne de modifier cette carte d'aléa " mouvement de terrain " en tant qu'elle classe la parcelle cadastrée section AD n° 516, située 1133 avenue Stalingrad à Agen, en zone d'aléa fort. M. B... relève appel du jugement du 30 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de refus née le 21 avril 2018.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, en vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, l'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, en particulier pour les inondations et les tempêtes, qui ont notamment pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ou de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Aux termes de l'article L. 132-2 du même code : " L'autorité administrative compétente de l'Etat porte à la connaissance des communes ou de leurs groupements compétents : / 1° Le cadre législatif et règlementaire à respecter ; / 2° Les projets des collectivités territoriales et de l'Etat en cours d'élaboration ou existants. / L'autorité administrative compétente de l'Etat leur transmet à titre d'information l'ensemble des études techniques dont elle dispose et qui sont nécessaires à l'exercice de leur compétence en matière d'urbanisme (...) ". Le risque de glissement de terrain est au nombre de ceux qui peuvent fonder un refus de permis de construire. Pour apprécier la réalité d'un tel risque, l'autorité administrative peut s'appuyer sur tous les éléments d'information dont elle dispose à la date à laquelle elle statue, et notamment sur les documents préparatoires à l'élaboration d'un plan de prévention des risques contre l'inondation, quand bien même celui-ci ne serait pas encore adopté et donc pas directement opposable.
4. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. Il appartient au juge d'examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité dont il émane. Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s'il fixe une règle nouvelle entachée d'incompétence, si l'interprétation du droit positif qu'il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s'il est pris en vue de la mise en œuvre d'une règle contraire à une norme juridique supérieure.
5. Il ressort des pièces du dossier que la révision de la zone de protection contre les éboulements et glissements de terrain au coteau de l'Ermitage à Agen, instituée par arrêté préfectoral du 1er décembre 1970, a été prescrite par un arrêté du préfet de Lot-et-Garonne du 21 juillet 2008. Le document cartographique intitulé " Carte d'aléa mouvement de terrain, commune Agen coteau de l'Ermitage ", élaboré par le CEREMA en juillet 2012, publié sur le site internet de la préfecture de Lot-et-Garonne, à la rubrique " Politiques publiques - Sécurité et protection de la population - Risques majeurs - Plans de prévention des risques naturels - Agen-Ermitage : Révision de la réglementation mouvements de terrains du coteau de l'Ermitage " constitue, dans le cadre de la mise en œuvre du processus de révision du plan de prévention des risques, un document préparatoire à l'approbation de ce plan. Si dans le courrier du 19 décembre 2014 adressé au maire d'Agen, le préfet de Lot-et-Garonne a indiqué que " c'est sur cette carte que vos services s'appuient pour l'instruction des autorisations d'urbanisme, en les fondant juridiquement sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, et en sollicitant régulièrement l'avis de la DDT ", ce document avait pour seul objet de communiquer au maire, les informations utiles afin de lui permettre d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, le risque de mouvements de terrains sur sa commune ainsi que le prévoit l'article L. 132-2 du code de l'urbanisme. D'ailleurs, alors même que lors du refus de permis de construire du 7 juillet 2016, le maire d'Agen, se prévalant de l'avis défavorable de la direction départementale des territoires, s'était fondé sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et sur le classement de la parcelle en zone d'aléa fort de glissement de terrain dans la carte d'aléa élaborée par le CEREMA en juillet 2012, cette même autorité a pu s'écarter du classement en aléa fort résultant de cette même carte, s'appuyer sur les éléments issus du rapport de l'expert judiciaire désigné le 18 novembre 2016 par le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, et délivrer, le 2 août 2017, le permis de construire sollicité le 7 juin 2017 par M. B... en vue de la construction d'une maison individuelle sur la parcelle cadastrée section AD n° 516. Il suit de là que le document cartographique intitulé " Carte d'aléa mouvement de terrain, commune Agen coteau de l'Ermitage ", élaboré par le CEREMA en juillet 2012, document préparatoire élaboré dans le cadre de la révision du plan de prévention du risque " mouvement de terrain ", ne peut être regardé comme un document susceptible d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté comme irrecevables les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision implicite de refus de la préfète de Lot-et-Garonne de modifier le projet de carte d'aléa.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu de mettre à la charge définitive de M. B... les frais de l'expertise ordonnée le 18 novembre 2016 par le juge des référés du tribunal administratif, qui ont été liquidés et taxés par ordonnance du 4 mai 2017 du président du tribunal administratif de Bordeaux à la somme totale de 6 505,70 euros, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les frais de l'expertise taxée et liquidée par ordonnance du 4 mai 2017 du président du tribunal administratif de Bordeaux à la somme totale de 6 505,70 euros sont mis à la charge définitive de M. B....
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de Lot-et-Garonne et à la commune d'Agen.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.
La rapporteure,
Nathalie GayLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX01119 2