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07/02/2023 | FRANCE | N°20BX02497

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 07 février 2023, 20BX02497


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Artisan Films a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la région Réunion à lui verser la subvention de 100 000 euros accordée par délibération du 6 mars 2012 pour la réalisation du long-métrage " Rosenn ".

Par un jugement n° 1900197 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 août 2020 et 28 janvier 2022, la société Artisan Films,

représentée par Me Michel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Artisan Films a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la région Réunion à lui verser la subvention de 100 000 euros accordée par délibération du 6 mars 2012 pour la réalisation du long-métrage " Rosenn ".

Par un jugement n° 1900197 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 août 2020 et 28 janvier 2022, la société Artisan Films, représentée par Me Michel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 25 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision par laquelle la région Région a implicitement rejeté sa demande du 4 décembre 2018 de versement d'une subvention de 100 000 euros ;

3°) de condamner la région Réunion à lui verser une somme de 100 000 euros ;

4°) de mettre à la charge de la région Réunion une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la région Réunion lui a accordé deux subventions distinctes ; le complément de subvention de 100 000 euros était uniquement subordonné à la réalisation de quatre missions ; les circonstances que les deux subventions concernaient globalement le même projet ne fait pas obstacle à ce que leur versement ait été subordonné à des conditions différentes ;

- la délibération du 29 novembre 2011 lui a attribué une subvention de 300 000 euros, et elle n'a ensuite pas présenté de demande de subvention complémentaire ; la deuxième subvention a été instaurée par la région aux fins de voir sa contractante effectuer des missions complémentaires ; la seconde subvention ne devait être versée qu'après demande du solde de la première subvention ;

- elle a exécuté l'ensemble des prestations constituant la contrepartie du versement de la subvention de 100 000 euros ; contrairement à ce que soutient la région Réunion, la condition tenant à la réalisation de master classes a été satisfaite ; elle a également organisé une avant-première du film à La Réunion le 10 octobre 2017 ; elle a bien fourni à la région une collection d'images pour la promotion du territoire ;

- le versement de la subvention de 100 000 euros ne pouvait lui être refusé en se fondant sur la condition, non applicable, tenant à la réalisation de dépenses sur le territoire de La Réunion.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 avril 2021 et 14 mars 2022, la région Réunion conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Artisan Films d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la convention du 6 mars 2012 se substituait à celle du 29 novembre 2011 en la complétant et visait globalement l'ensemble des actions concourant à la réalisation du film Rosenn ; cette nouvelle convention, conclue à la demande de la société en raison de l'impossibilité d'obtenir le financement du fonds Eurimages, modifiait ainsi le total des dépenses du projet de film, passées de 3 945 315 euros à 3 189 194 euros, et modifiait le plafond du montant maximal de la subvention, porté à 400 000 euros ; le projet subventionné était le même et les dépenses éligibles étaient identiques dans leur nature ; les modalités de paiement de la subvention étaient aussi les mêmes ; la première convention du 21 décembre 2011 n'a d'ailleurs pas été signée et est demeurée à l'état de projet ; la division artificielle faite par la société requérante a pour but de contourner ses obligations résultant de la convention du 16 mai 2012 tenant au dépenses locales ;

- en tout état de cause, la société a valablement accepté les termes de la convention du 16 mai 2012, qu'elle a signée ;

- la société n'a pas satisfait à la condition tenant à l'organisation de " master class " ; elle n'a en effet organisé qu'une seule " master class " ; ce seul manquement justifiait le refus de verser la totalité de la subvention de 400 000 euros ;

- si la société a organisé le 10 octobre 2017 à Saint-Paul une présentation du film avec les acteurs, cette présentation n'était pas l'avant-première nationale, qui s'était tenue à la Ciotat le 19 juin 2016 ; la société ne peut prétendre que l'avant-première initialement prévue à la Réunion aurait été reportée à la demande de la région, alors qu'il lui avait au contraire été demandé d'avancer cette avant-première ;

- la seule fourniture de DVD du film, qui correspond à l'exécution de l'article 5 de la convention, ne permet pas de considérer que la société a satisfait à l'obligation de fourniture d'une collection d'images pour la promotion du territoire ; le DVD du film qui lui a été communiqué faisait l'objet d'une protection au titre des droits de propriété intellectuelle, de sorte qu'il était impossible d'en extraire des images pour faire la promotion du territoire ; les seules photos accessibles qui lui ont été adressées étaient de piètre qualité et ne mettaient pas le territoire en valeur ;

- la société n'a pas respecté son engagement relatif à la réalisation d'une partie de ses dépenses sur le territoire de La réunion ; la société ne conteste pas que ses dépenses locales se sont montées à la somme totale de 761 644,75 euros ; après application du taux d'intervention de l'aide de 35 %, la société ne pouvait prétendre à une subvention qu'à hauteur de 266 575,66 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Artisan Films a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler le refus de la région Réunion de lui verser la subvention de 100 000 euros accordée par délibération du 6 mars 2012 pour la réalisation du long-métrage " Rosenn ". Elle relève appel du jugement du 25 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

2. Si les décisions accordant une subvention publique à une personne morale constituent des décisions individuelles créatrices de droit, ce n'est que dans la mesure où les conditions dont elles sont assorties, qu'elles soient fixées par des normes générales et impersonnelles, ou propres à la décision d'attribution, sont respectées par leur bénéficiaire.

3. Il résulte de l'instruction que, par une délibération du 29 novembre 2011, la commission permanente du conseil régional de La Réunion a décidé d'attribuer, au titre de l'aide à la production audiovisuelle, une subvention de 300 000 euros à la société Artisan films pour la réalisation du long métrage " Rosenn ", sous réserve de confirmation d'un accord de financement d'Eurimages. Par courrier du 21 décembre 2011, le président de la région Réunion a adressé à la société un projet de convention prévoyant les conditions et modalités d'octroi de cette subvention. Il est constant que ce projet de convention n'a pas été signé par les parties. Par des courriers des 2 et 6 février 2012, produits en appel par la région Réunion, la société Artisan Films a sollicité un rehaussement du montant de la subvention et la suppression de la condition tenant au financement d'Eurimages, faute d'avoir obtenu ce financement. Par une nouvelle délibération du 6 mars 2012, la commission permanente du conseil régional de La Réunion a décidé d'attribuer à la société Artisan films un " complément de subvention " de 100 000 euros pour la réalisation du film " Rosenn ", sous réserve, d'une part, de la présentation de la demande de solde de la subvention de développement accordée pour cette œuvre, d'autre part, de la réalisation d'engagements pris par le producteur tenant à l'organisation de " master class " avec les premiers rôles et de formations de jeunes réunionnais, à la projection de l'avant-première du film à La Réunion et à la fourniture d'une collection d'images pour la promotion du territoire. Une convention a été conclue le 16 mai 2012 entre la région Réunion et la société Artisan films aux fins de mettre en place les modalités d'octroi de la subvention pour la réalisation du film " Rosenn ". Cette convention, qui vise les délibérations précitées des 29 novembre 2011 et 6 mars 2012, précise à son article 1er que le titulaire s'engage, d'une part, à la réalisation du long-métrage, d'autre part, à la réalisation des actions prévues par la délibération du 6 mars 2012. Son article 3, relatif au montant de l'aide financière, stipule que l'aide maximale accordée au titre de l'aide à la production s'élève à 35 % du montant des dépenses locales et est plafonnée au montant engagé, soit 400 000 euros. Son article 5, relatif aux modalités de paiement de cette subvention, indique que le paiement de la somme de 400 000 euros sera effectué par le versement d'une avance de 25 % au moment de la signature de la convention, le versement d'une seconde avance de 25 % au premier jour du tournage, le versement d'un acompte de 25 % au dernier jour du tournage, et que le solde sera versé dans la limite du plafond de 400 000 euros sur présentation de plusieurs documents, notamment les comptes de productions définitifs détaillés faisant apparaître une ventilation des dépenses réalisées à la Réunion ainsi que les pièces justifiant de la réalisation des actions à la réalisation desquelles la société s'est engagée.

4. En exécution de la convention, la région Réunion a versé à la société, les 16 juin, 6 juillet, 2 octobre 2012, les avances et acompte d'un montant de 100 000 euros chacun, soit une somme totale de 300 000 euros. En revanche, par une décision du 2 juin 2016, le président du conseil régional de La Réunion a rejeté la demande de la société tendant au paiement du solde de la subvention au motif que le montant total de l'aide devait être ramené à 264 977,95 euros, correspondant à 35 % du montant des dépenses effectivement réalisées par la société à La Réunion, de sorte que cette société, qui avait déjà perçu une somme totale de 300 000 euros au titre de la subvention, était redevable de la somme de 35 022,05 euros. Par un jugement du 29 décembre 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de La Réunion a estimé que la société n'avait pas été mise à même de présenter utilement ses observations avant l'intervention de la décision du 2 juin 2016 et a en conséquence annulé cette décision et déchargé la société de l'obligation de payer la somme de 35 022,05 euros en vue du recouvrement de laquelle avait été émis le 2 août 2016 un titre de recettes. Par un courrier du 20 novembre 2018, reçu le 4 décembre suivant, la société Artisan Films a demandé à la région Réunion de lui verser le " complément de subvention " de 100 000 euros accordé par la délibération ci-dessus mentionnée du 6 mars 2012. Elle persiste à soutenir, en appel, que le refus implicitement opposé à cette demande a été pris en méconnaissance de la décision d'attribution de cette subvention.

5. En premier lieu, la société requérante fait valoir que la région lui aurait accordé successivement deux subventions distinctes, une première subvention plafonnée à 300 000 euros et dont le montant dépendait de celui de ses dépenses locales, et une seconde subvention de 100 000 euros dont le versement était uniquement subordonné à la réalisation des actions précitées. Cependant, il résulte de ce qui a été dit au point 3, alors qu'aucune convention n'avait encore été conclue entre les parties, que la région, répondant favorablement à une demande de la société, a augmenté de 100 000 euros le montant de la subvention accordée. La circonstance que la délibération du 6 mars 2012 mentionne un " complément de subvention " ne révèle nullement que la région aurait entendu accorder à la société une subvention distincte, alors en outre que ce complément avait le même objet d'aide à la production du film " Rosenn ". De même, la circonstance que la région ait, en contrepartie de l'augmentation du montant de la subvention, subordonné son versement à la réalisation des actions précitées, ne permet pas d'estimer qu'elle aurait accordé à la société une subvention distincte. Enfin, la convention du 16 mai 2012 conclue entre la région et la société porte sur une subvention unique dont le montant est plafonné à 400 000 euros.

6. En second lieu, il résulte des stipulations de la convention conclue entre les parties le 16 mai 2012 que le montant de l'aide, plafonnée à 400 000 euros, ne pouvait excéder 35 % des dépenses locales de la société. Or, cette dernière ne conteste pas que, comme le soutient la région, la somme globale de 300 000 euros qu'elle a perçue à titre d'avances et d'acompte sur la subvention litigieuse excède la fraction de 35 % de ses dépenses réalisées à la Réunion au titre de la production du film. Le rejet implicitement opposé par la région à sa demande de versement d'un complément de subvention repose ainsi sur une exacte application des stipulations de la convention.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Artisan Films n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Artisan Films une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la région Réunion et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Artisan Films est rejetée.

Article 2 : La société Artisan Films versera à la région Réunion une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Artisan Films et à la région Réunion.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 février 2023.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve A...

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet de la Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02497


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02497
Date de la décision : 07/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : LETURCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-07;20bx02497 ?
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