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07/02/2023 | FRANCE | N°20BX00110

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 07 février 2023, 20BX00110


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner Bordeaux Métropole à l'indemniser de la totalité des préjudices ayant résulté de l'accident de service dont il a été victime le 8 février 2016.

E... un jugement n° 1704659 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné Bordeaux Métropole et son assureur, la compagnie Allianz IARD SA, à verser à M. C... une somme de 84 835 euros et a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 200

euros à la charge de Bordeaux Métropole.

Procédure devant la cour :

E... une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner Bordeaux Métropole à l'indemniser de la totalité des préjudices ayant résulté de l'accident de service dont il a été victime le 8 février 2016.

E... un jugement n° 1704659 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné Bordeaux Métropole et son assureur, la compagnie Allianz IARD SA, à verser à M. C... une somme de 84 835 euros et a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 200 euros à la charge de Bordeaux Métropole.

Procédure devant la cour :

E... une requête et un mémoire, enregistrés les 6 janvier 2020 et 28 octobre 2021, M. C..., représentée E... la société d'avocats Chambolle et associés, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande indemnitaire ;

2°) de condamner Bordeaux Métropole à lui verser une indemnité d'un montant total de 221 848,83 euros ;

3°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole les dépens ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son accident de service est imputable à une faute de Bordeaux Métropole tenant à l'absence de protection contre les chutes en bord de mezzanine et à l'absence de démarcation entre le plancher de cette mezzanine et le faux-plafond ;

- il n'a commis aucune faute d'imprudence et n'a pas davantage méconnu une consigne ; les désordres affectant la mezzanine n'étant pas signalés, il ne peut lui être reproché d'y être monté aux fins de reconnaître la zone d'intervention ; le rapport d'enquête du CHST n'a relevé aucune faute de la victime ;

- s'agissant des frais de santé à sa charge, il a dû s'acquitter d'une consultation d'ostéopathie d'un montant de 50 euros et d'une consultation d'acupuncture d'un montant de 45 euros ; ces dépenses de santé étaient en lien avec son accident ; il a en outre dû acheter un appareil d'assistance d'écoute pour un montant total de 308,80 euros ; il résulte du justificatif des débours de santé de Bordeaux Métropole que cette collectivité n'a pas pris en charge la dépense relative à cet appareil auditif ;

- le jugement doit être confirmé s'agissant des frais d'expertise, mis à la charge de Bordeaux Métropole ;

- il est fondé à solliciter une somme de 8 900 euros correspondant au surcoût d'achat d'un véhicule doté d'une boîte de vitesse automatique ; il a acheté un véhicule équivalent au sien et il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir acheté d'occasion un véhicule identique au précédent ;

- dans son premier rapport, l'expert avait envisagé l'aide E... une tierce personne ; les éléments médicaux versés au dossier démontrent la nécessité d'une telle aide ; il convient de retenir, avant la consolidation, un besoin d'aide d'une heure trente E... jours, et de se baser sur 412 jours E... an afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés et sur un taux horaire de 22 euros correspondant aux tarifs pratiqués E... les associations prestataires ; avant consolation, le préjudice peut ainsi être évalué à 35 573 euros ;

- sa perte de gains professionnels doit être évaluée sur la base d'un revenu net mensuel de 2 309 euros et de la déduction des sommes qui lui ont été versées E... Bordeaux Métropole ; avant consolation, le préjudice subi s'élève à 10 143, 23 euros ;

- l'indemnisation doit lui être allouée sous forme d'un capital basé sur le barème de capitalisation de la Gazette du palais 2018 à compter de la date de consolidation ;

- un capital de 1 204,87 euros doit lui être alloué au titre de l'appareillage auditif Octave, en se basant sur un renouvellement tous les 5 ans ;

- il doit aussi être indemnisé au titre de l'appareillage Cros, plus adapté à son état que l'appareillage initial dont il avait obtenu le remboursement ; en se basant sur un renouvellement tous les 5 ans une somme de 12 797,85 euros doit lui être allouée à ce titre ;

- une somme de 10 505,39 euros doit lui être alloué au titre de frais de renouvellement de véhicule, en se basant sur un renouvellement tous les 5 ans ;

- sa perte de gains professionnels s'élève, pour la période comprise entre sa consolidation et sa mise à la retraite, à 546,79 euros ; pour la période comprise entre son départ anticipé à la retraite et la date à laquelle il serait parti à la retraite une fois atteint l'âge de 65 ans, il convient de se baser sur le salaire actualisé auquel il aurait pu prétendre, soit 2 380, 35 euros, de sorte que son préjudice est de 23 234,94 euros ;

- ayant été contraint d'abandonner la profession de plombier, sans possibilité de reconversion professionnelle compte tenu de son âge à la date de la consolidation, il a subi un préjudice d'incidence professionnelle en réparation duquel une somme de 5 000 euros doit lui être allouée ; il a en outre subi, du fait de son départ anticipé à la retraite, une perte de retraite ; il n'est pas titulaire d'une pension d'invalidité ;

- la somme allouée E... le tribunal en réparation de son déficit fonctionnel temporaire doit être portée à 12 365,60 euros ;

- la somme allouée E... le tribunal en réparation des souffrances endurées doit être portée à 30 000 euros ;

- une somme de 50 500 euros doit lui être allouée en réparation de son déficit fonctionnel permanent afin de prendre en compte tant l'atteinte aux fonctions physiologiques que la douleur permanente ressentie ;

- l'indemnisation de son préjudice esthétique permanent doit être portée à 2 000 euros ;

- il a été contraint de cesser ses activités de danse et de gymnastique ; son préjudice d'agrément doit être évalué à 15 000 euros ;

- la somme allouée E... le tribunal en réparation de son préjudice sexuel doit être portée à 10 000 euros.

E... des mémoires en défense, enregistrés les 8 mai 2020 et 25 novembre 2021, Bordeaux Métropole et la société Allianz Iard concluent au rejet de la requête et demandent à la cour, E... la voie de l'appel incident, de réformer le même jugement en tant qu'il les a condamnées à verser à M. C... une indemnité de 84 835 euros.

Elles soutiennent que :

- l'accident de service est imputable à une faute du requérant ; compte tenu des fonctions occupées, il connaissait les bâtiments et en particulier le lieu de son accident, mezzanine faisant office de stockage des matériels utilisés E... le personnel ; il est probable qu'il ait participé à l'opération de pose du faux-plafond sur lequel il a basculé ; il n'en ignorait ni l'existence ni la dangerosité ; en sa qualité de professionnel du bâtiment, il aurait dû faire preuve de prudence et était en mesure de distinguer le plancher en bois du faux-plafond en laine de verre, dont l'existence ne l'a d'ailleurs pas surpris ; il a ainsi commis une faute d'imprudence en se penchant alors qu'il se trouvait en bordure de mezzanine ; s'il avait analysé les risques présentés E... cet espace de stockage, il n'aurait pas chuté ; en outre, le réseau d'air comprimé sur lequel il intervenait était situé en-dessous de la mezzanine et il n'était pas nécessaire de monter sur cette mezzanine, au-dessus du futur point d'air comprimé, pour réaliser la mission ; cette faute de la victime l'exonère de sa responsabilité, au moins à hauteur de 75 % ;

- s'agissant des dépenses de santé actuelles et futures, le requérant ne démontre ni que les séances d'ostéopathie et d'acupuncture seraient en lien avec son accident, ni qu'il n'aurait pas bénéficié d'une prise en charge E... sa mutuelle des frais d'achat d'un appareil d'assistance auditive ; la demande relative aux écouteurs déportés n'est pas justifiée et fait double emploi avec le matériel déjà remboursé à ce titre ;

- s'agissant du surcoût d'achat d'un véhicule doté d'une boîte de vitesse automatique, la somme demandée est excessive compte tenu de la cote argus 2016 d'un véhicule avec boîte automatique de même marque que celui que possédait le requérant ; les demandes du requérant relatives aux frais échus et à échoir lors du renouvellement du véhicule sont E... conséquent excessives ; il n'y a pas lieu de renouveler tous les 7 ans une boîte automatique ;

- le préjudice d'assistance E... tierce personne n'est pas appuyé de pièces justificatives et le requérant ne précise pas de quelle nature aurait été l'aide ; en admettant même l'existence de cette aide, la somme demandée est excessive ; il a perçu des revenus équivalents en 2016 et 2017 ;

- le requérant ayant continué à percevoir l'ensemble de ses traitements et primes, il n'a pas subi de préjudice de perte de salaire ;

- la rente viagère d'invalidité perçue E... le requérant a vocation à réparer ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle ; le document dont se prévaut le requérant ne permet pas d'établir qu'il ne percevrait pas une pension d'invalidité ; si tel n'était pas le cas, sa demande indemnitaire est en tout état de cause excessive ; pour la période démarrant à compter du départ anticipé à la retraite, il convient de se référer au revenu fiscal de référence de 2019, soit 2 248, 24 euros ;

- le préjudice d'incidence professionnelle doit être limité à la perte de retraite, de 162 euros E... mois ;

- l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire de M. C... ne saurait excéder 7 018 euros ;

- l'indemnisation des souffrances endurées E... M. C... ne saurait excéder 7 018 euros ;

- le tribunal s'est livré à une juste appréciation du déficit fonctionnel permanent du requérant en lui allouant une somme de 50 000 euros ;

- l'indemnisation du préjudice d'agrément de M. C... ne saurait excéder 2 500 euros ;

- l'indemnisation du préjudice d'agrément de M. C... ne saurait excéder 2 500 euros ;

- l'indemnisation du préjudice esthétique de M. C... ne saurait excéder 811 euros ;

- l'indemnisation du préjudice sexuel de M. C... ne saurait excéder 1 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-11 du 16 janvier 1984 :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A...,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bouchard, représentant M C..., et de Me Masson, représentant Bordeaux Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., alors agent de maîtrise territorial principal en poste à la direction des bâtiments de Bordeaux Métropole, a été victime le 8 février 2016, dans l'exercice de ses fonctions, d'une chute depuis la bordure de la mezzanine d'un atelier. Cet accident, qui a été reconnu comme accident de service E... décision du 25 février 2016, lui a occasionné un traumatisme crânien avec contusions frontales associées et hémorragie méningée, un traumatisme du thorax et plusieurs fractures au niveau de l'os occipital droit, des côtes et des vertèbres lombaires. M. C... a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter de cet accident, puis admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 2 décembre 2019.

2. Imputant la survenance de l'accident du 8 février 2016 à une faute commise E... Bordeaux Métropole, M. C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner cette collectivité à l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices consécutifs à cet accident. Après avoir ordonné avant-dire droit une expertise médicale, dont les rapports ont été rendus les 8 septembre 2018 et 16 avril 2019, le tribunal a, E... un jugement du 29 octobre 2019, condamné Bordeaux Métropole et son assureur, la société Allianz Iard, à verser à M. C... une indemnité de 84 835 euros et mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 200 euros, à la charge de Bordeaux Métropole. M. C... demande à la cour de porter l'indemnité allouée E... les premiers juges à la somme totale de 221 848,83 euros. E... la voie de l'appel incident, Bordeaux Métropole et la société Allianz Iard relèvent appel du même jugement en tant qu'il les a condamnées à indemniser M. C....

Sur la responsabilité de Bordeaux Métropole :

3. Il résulte de l'instruction, en particulier du compte-rendu de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de Bordeaux Métropole du 18 mars 2016, que dans le cadre de l'exercice de sa mission d'entretien et de maintenance des bâtiments, M. C... est intervenu le 8 février 2016 sur le site du centre atelier de Pessac pour y réaliser des travaux d'installation d'un point d'air comprimé. Cet atelier est doté d'une mezzanine, dédiée au stockage de matériel, dans le prolongement de laquelle existe un faux-plafond en laine de roche. M. C... est monté sur cette mezzanine pour reconnaître la zone d'intervention des travaux à réaliser. Positionné en bordure de mezzanine, il s'est penché pour indiquer à son collègue le point de branchement sur le réseau d'air comprimé. Il a perdu l'équilibre et posé un pied sur le faux-plafond qui a immédiatement cédé sous son poids. Il a alors fait une chute d'environ 3 mètres de hauteur.

4. En premier lieu, malgré la dangerosité des lieux liée à la présence, dans le prolongement du plancher en bois de la mezzanine, d'un faux-plafond en laine de roche, cette mezzanine ne comportait aucun dispositif de démarcation entre le plancher et le faux-plafond. L'absence d'un tel dispositif de prévention du risque de chute est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de Bordeaux Métropole.

5. En second lieu, si Bordeaux Métropole fait valoir que les travaux de branchement d'un point d'air comprimé pouvaient être réalisés sans monter sur la mezzanine, l'accès à cette mezzanine ne faisait cependant l'objet d'aucune interdiction particulière. Il résulte au demeurant des clichés photographiques que la zone de branchement était située en hauteur, au-dessus du faux-plafond. Le requérant n'a dès lors commis aucune faute en montant sur la mezzanine aux fins de repérer la zone des travaux. En revanche, il n'est pas contesté que M. C... avait connaissance des lieux. De plus, en sa qualité de professionnel du bâtiment, il ne pouvait ignorer la fragilité d'un faux-plafond en laine de roche. Dans ces conditions, en se penchant alors qu'il était déjà positionné sur la bordure du plancher de la mezzanine, M. C... a manqué de vigilance. Dans les circonstances de l'espèce, la faute d'imprudence ainsi commise E... M. C... est de nature à exonérer Bordeaux Métropole de sa responsabilité à hauteur des deux tiers des conséquences dommageables de l'accident.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé restées à la charge de M. C... :

6. Il résulte de l'instruction que M. C... a exposé des frais de santé d'un montant total de 95 euros correspondant à des consultations d'ostéopathie et d'acupuncture réalisées les 12 septembre et 10 novembre 2017. Dans son rapport établi le 8 septembre 2018, soit avant la consolidation de M. C..., l'expert a admis le lien entre ces séances et l'accident. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que ces séances, qui ne sont pas remboursées E... l'assurance maladie, auraient été prises en charge E... une mutuelle. Le requérant est ainsi fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, ces frais de santé, réglés E... ses soins ainsi que le mentionnent les factures correspondantes, sont restés à sa charge à hauteur de 95 euros.

S'agissant de l'assistance E... tierce personne :

7. M. C... fait valoir qu'avant la consolidation de son état de santé, il avait besoin d'une aide E... une tierce personne de l'ordre d'une heure trente E... jour. Cependant, d'une part, l'expert n'a, contrairement à ce qui est soutenu, pas retenu l'existence d'un tel préjudice dans ses rapports établis les 8 septembre 2018 et 16 avril 2019. D'autre part, le requérant fait valoir que son état de santé, marqué E... une fatigabilité ainsi que des douleurs et parésies persistantes réduisant son périmètre de marche et l'empêchant de conduire, justifiait l'assistance E... une tierce personne. Toutefois, il ne fournit aucune précision sur les modalités selon lesquelles une telle aide lui aurait été apportée, fût-ce E... un membre de sa famille, ni même sur la nature des actes de la vie quotidienne qu'il n'aurait pas été en mesure de réaliser sans aide. Il n'établit ainsi pas la réalité des frais qu'il aurait dû exposer pour bénéficier d'une telle assistance.

S'agissant des frais divers :

8. Il résulte de l'instruction que M. C... conserve un trouble statique du rachis lombaire en raison duquel l'expert a retenu la nécessité d'une adaptation du véhicule consistant en une boîte de vitesses automatique. Le requérant établit avoir, en juin 2018, cédé le véhicule dont il était alors propriétaire, doté d'une boite manuelle, pour un montant de 7 000 euros, et acquis un véhicule d'occasion avec boite automatique dont le coût s'élevait à 15 900 euros. Le nouveau véhicule ainsi acquis était d'un modèle comparable au précédent, et cette acquisition s'étant faite dans le cadre d'une reprise de l'ancien véhicule E... un concessionnaire automobile, Bordeaux Métropole ne saurait opposer au requérant que le prix de vente du nouveau véhicule aurait été supérieur au montant de l'argus d'un véhicule du même modèle que son ancien véhicule avec boîte automatique. Dans ces conditions, et comme l'ont considéré les premiers juges, le requérant a subi, en raison de son accident, un préjudice financier lié à la nécessité de changer de véhicule qui s'élève à 8 900 euros.

9. Il résulte ensuite des éléments versés E... M. C... relatifs aux coûts d'un même véhicule avec boîte manuelle et avec boîte automatique que le surcoût lié à cet aménagement, que le requérant sera amené à supporter lors des changements de véhicule, est de l'ordre de 600 euros. Il est ainsi fondé à solliciter en outre l'indemnisation du préjudice futur lié à ces frais d'adaptation du véhicule, et il y a lieu de lui accorder la prise en charge du renouvellement tous les sept ans de ces frais. Compte tenu du surcoût lié à un tel aménagement, de 600 euros TTC, il sera fait une juste appréciation du préjudice futur lié au renouvellement des frais d'aménagement du véhicule tous les sept ans, en tenant compte du barème publié à la Gazette du Palais en 2020 fixant le prix de l'euro de rente viagère à 18,759 euros pour un homme âgé de 65 ans à la date du présent arrêt, en l'évaluant à la somme de 1 607 euros.

10. E... ailleurs, M. C... conserve une surdité de 30 % et des acouphènes justifiant un appareillage auditif. A ce titre, il établit avoir acquis, en 2016, un appareil d'assistance d'écoute au prix de 308,80 euros, puis en 2017, des écouteurs déportés au prix de 2 090 euros. S'il résulte du relevé des débours de santé exposés E... Bordeaux Métropole au profit de l'intéressé que ce dernier a obtenu le remboursement des écouteurs déportés, il ne résulte ni de ce document ni d'autre élément de l'instruction que l'appareil d'assistance d'écoute ne serait pas resté à sa charge. De plus, le requérant produit un courriel du 11 juillet 2019 d'un audioprothésiste indiquant qu'en raison de l'évolution de l'audition de M. C..., les écouteurs initialement acquis doivent être remplacés E... un modèle d'écouteurs doté d'un système " CROS ", mieux adapté à son handicap auditif ; il produit en outre un devis pour un montant restant à sa charge de 2 975 euros. Dans ces conditions, les frais d'appareillage auditif à la charge du requérant doivent être évalués à 3 283,80 euros. Il sera fait une juste appréciation du préjudice futur lié au renouvellement tous les 5 ans de cet appareillage, en tenant compte du barème publié à la Gazette du Palais en 2020 fixant le prix de l'euro de rente viagère à 18,759 euros pour un homme âgé de 65 ans à la date du présent arrêt, en l'évaluant à la somme de 12 320 euros.

S'agissant de la perte de gains professionnels :

11. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés E... la maladie ou l'accident (...) ".

12. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 1, l'accident subi le 8 février 2016 E... M. C... a été reconnu comme accident de service E... Bordeaux Métropole. Ainsi que Bordeaux Métroopole le soutient, le requérant a, en application des dispositions citées au point précédent, continué à percevoir l'intégralité de son traitement jusqu'à sa mise à la retraite, soit le 2 décembre 2019. Jusqu'à cette date, il n'établit ainsi pas avoir subi une perte de gains professionnels.

13. En second lieu, il résulte du décompte provisoire de pension établi E... la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales que M. C..., éligible à une retraite anticipée au taux plein pour carrière longue, a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 2 décembre 2019. Il soutient qu'en l'absence d'accident, il n'aurait pas pris sa retraite de manière anticipée mais serait resté en activité jusqu'à l'âge de 65 ans, de sorte qu'il aurait pris sa retraite le 1er avril 2022 et aurait continué à percevoir, jusqu'à cette date, des revenus professionnels. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que l'intéressé, qui n'était pas inapte à l'exercice de toutes fonctions et aurait pu bénéficier d'un reclassement sur un poste aménagé, a opté pour une retraite anticipée. La perte de revenus dont il sollicite la réparation au titre de la période allant du 2 décembre 2019 au 1er avril 2022 est ainsi imputable, non pas à l'accident survenu le 8 février 2016, mais à son choix propre de prendre sa retraite à compter du 2 décembre 2019. Sur ce point, ses conclusions indemnitaires ne peuvent donc être accueillies.

S'agissant de la perte de retraite :

14. M. C... fait valoir que sa retraite, de 1 758 euros bruts E... mois, se serait élevée à 1 920 euros bruts E... mois s'il avait fait valoir ses droits à la retraite, non pas de manière anticipée mais à l'âge de 65 ans. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point 12, le préjudice de perte de retraite invoqué ne trouve pas son origine dans l'accident de service en cause.

S'agissant du préjudice d'incidence professionnelle ;

15. Le requérant, qui fait valoir qu'il a été contraint, du fait de son accident, de cesser sa profession de plombier, sans réelle perspective professionnelle compte tenu de son âge et de sa qualification, établit avoir subi un préjudice d'incidence professionnelle dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 15 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

16. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que M. C... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 8 février 2016 au 23 février 2016 et du 14 février au 8 mars 2017, correspondant aux périodes d'hospitalisation. Il a E... ailleurs subi un déficit fonctionnel temporaire évalué à 50 % pour la période allant jusqu'au 8 juin 2018 puis, compte tenu de l'amélioration de la symptomatologie, évalué à 35 % du 9 juin 2018 à la date de consolidation, fixée au 28 février 2019. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 9 000 euros.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

17. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que M. C..., âgé de 62 ans à la date de sa consolidation, conserve un déficit fonctionnel permanent estimé à 35 % du fait d'une perte d'audition avec acouphènes, une anosmie et un trouble statique du rachis lombaire. Le tribunal a fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 50 000 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

18. Le tribunal s'est livré à une juste appréciation des souffrances physiques et morales endurées E... M. C..., estimées E... l'expert à 4 sur 7, en les évaluant à 8 000 euros.

S'agissant du préjudice esthétique :

19. En évaluant le préjudice esthétique que conserve M. C..., estimé E... l'expert à 1 sur 7, à 1 000 euros, le tribunal s'est livré à une appréciation qui n'est ni insuffisante ni excessive.

S'agissant du préjudice d'agrément :

20. Il résulte de l'instruction que M. C... pratiquait régulièrement, avant son accident, la danse et la gymnastique. L'expert indique que, si l'intéressé peut poursuivre ce type d'activité, la raideur lombaire qu'il conserve fait obstacle à la réalisation de certains mouvements. L'intéressé, qui a ainsi dû réduire la pratique de ses activités de loisirs, a subi un préjudice d'agrément que le tribunal a évalué sans erreur à 3 000 euros.

S'agissant du préjudice sexuel :

21. Le tribunal s'est livré à une juste appréciation du préjudice sexuel subi E... M. C... en l'évaluant à 2 000 euros.

22. Il résulte de tout ce qui précède que les préjudices de M. C... s'élèvent à la somme totale 114 205, 20 euros. Après application du partage de responsabilité décidé au point 5 du présent arrêt, Bordeaux Métropole doit être condamnée lui verser une somme de 38 068,40 euros en réparation de ses préjudices. E... suite, d'une part, l'appel principal de M. C... doit être rejeté, d'autre part, Bordeaux métropole et la société Allianz Iard sont seulement fondées à demander, E... la voie de l'appel incident, que l'indemnité de 84 835 euros qui a été allouée à M. C... E... le tribunal soit ramenée à 38 068,40 euros.

23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées E... les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que Bordeaux Métropole et la société Allianz Iard ont été condamnées à verser à M. C... en réparation de ses préjudices est ramenée à 38 068,40 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1704659 du 29 octobre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à Bordeaux Métropole et à la société Allianz Iard.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public E... mise à disposition au greffe, le 7 février 2023.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve A...

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00110


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00110
Date de la décision : 07/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : DELAVALLADE RAIMBAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-07;20bx00110 ?
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