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02/02/2023 | FRANCE | N°21BX00432

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 02 février 2023, 21BX00432


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 4 février 2021 et le 30 mai 2022, la société Ferme éolienne de la Belle Etoile, représentée par Me Fazio, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer l'autorisation environnementale en vue de créer et d'exploiter une installation de production d'électricité regroupant cinq aérogénérateurs sur la commune de Courant ;

2°) de lui délivrer l'autorisation environnementale sollicitée, assortie

le cas échéant des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 4 février 2021 et le 30 mai 2022, la société Ferme éolienne de la Belle Etoile, représentée par Me Fazio, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer l'autorisation environnementale en vue de créer et d'exploiter une installation de production d'électricité regroupant cinq aérogénérateurs sur la commune de Courant ;

2°) de lui délivrer l'autorisation environnementale sollicitée, assortie le cas échéant des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de lui délivrer cette autorisation ou de procéder au réexamen de sa demande, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté a été pris au visa d'une décision n° 1801761 du tribunal administratif de Poitiers qui porte sur un projet distinct situé à une quinzaine de kilomètres, alors qu'il convient d'apprécier les impacts du projet au regard des circonstances propres à l'espèce ;

- son projet s'implantera dans une plaine agricole au relief ondulé, dont les caractéristiques sont propices au développement de l'éolien ; elle a réduit son projet à 5 machines au lieu des 7 initialement prévues ; la présence du nouveau parc n'altère pas sensiblement le paysage existant ; si la zone est dense en éoliennes, le projet n'augmente pas sensiblement les critères de saturation dès lors que l'effet d'encerclement est limité ; au regard des caractéristiques du projet, la présence d'éoliennes n'est pas inacceptable pour les bourgs de Benâte et de Ligueil ; le projet ne modifiera pas les valeurs existantes concernant le hameau de La Laiterie ; elle prévoit des mesures efficaces pour limiter les impacts visuels de son projet ;

- le parc éolien n'aura pas d'impact sur l'abbaye de Saint-Jean-d'Angély ; en effet, il est distant de 9 kilomètres de cette abbaye, et il sera uniquement visible depuis le haut des tours de ce bâtiment ;

- l'opposition locale ne constitue pas un motif de refus dès lors qu'il ne s'agit pas d'un intérêt protégé par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; par ailleurs, le commissaire enquêteur a émis un avis favorable au projet.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 avril 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de la société Ferme éolienne de la Belle Etoile ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Fazio, représentant la société Ferme éolienne de la Belle Etoile.

Une note en délibéré présentée par Me Fazio, pour la société Ferme éolienne de la Belle Etoile a été enregistrée le 15 janvier 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 3 décembre 2020, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de délivrer à la société Ferme éolienne de la Belle Etoile une autorisation environnementale en vue d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Courant. La société Ferme éolienne de la Belle Etoile demande l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, si l'arrêté du 3 décembre 2020 vise une décision du tribunal administratif de Poitiers du 13 février 2021 portant sur un autre projet d'éoliennes, ce visa n'est pas de nature à révéler une insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux ou un défaut d'examen du projet de la société requérante dès lors que le préfet de la Charente-Maritime a fondé son refus sur les éléments propres à ce projet.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 de ce code : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier ". Et aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " I.- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ".

4. Le préfet de la Charente-Maritime a refusé d'accorder l'autorisation environnementale sollicitée aux motifs que le projet de la Ferme éolienne de la Belle Etoile portait atteinte à la commodité du voisinage en raison de son impact important sur la saturation visuelle des lieux et qu'il présentait des dangers pour la conservation du patrimoine que représente l'abbaye royale de Saint-Jean-d'Angély classée au patrimoine mondial de l'UNESCO.

5. Le projet dont il s'agit consiste en l'implantation de cinq aérogénérateurs d'une hauteur de 180 mètres répartis en deux groupes, la requérante ayant renoncé, au cours de l'instruction de sa demande, à l'implantation des éoliennes E3 et E7 afin de prendre en compte l'avis émis le 18 mars 2020 par le commissaire-enquêteur à l'issue de l'enquête publique et les remarques formulées par les services préfectoraux. D'une part, il résulte de l'instruction que, dans un rayon de 10 kilomètres autour du projet de la société Ferme éolienne de la Belle Etoile, sont localisés neuf parcs éoliens déjà en service, ainsi que cinq projets de parcs éoliens autorisés, qui représentent une centaine d'éoliennes. Par ailleurs, ce projet s'inscrit dans un paysage agricole ondulé et peu accidenté, qui n'est pas de nature à atténuer la visibilité de ces structures. Cet environnement présente ainsi une prégnance importante du motif éolien, sans que la topographie des lieux ne permette de réduire l'impact visuel de ce motif. Dans ce contexte, il résulte de l'instruction qu'en ce qui concerne le hameau de Ligueil, qui accueille une quarantaine d'habitations, et en ne tenant compte que des éoliennes visibles depuis ce hameau, le projet aura pour effet de réduire l'angle de respiration visuelle à 60°, cette valeur étant considérée comme constituant un seuil critique par les services de l'État. A cet égard, si cet indice n'a pas de valeur réglementaire, il constitue un indicateur en matière de saturation visuelle que l'autorité administrative peut prendre en compte, dans le cadre de son appréciation globale, afin de déterminer l'impact d'un projet pour la production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que soixante aérogénérateurs seront visibles depuis ce lieu de vie, en tenant compte de ceux prévus par le projet en cause, et l'étude d'impact de la société Ferme éolienne de la Belle Etoile elle-même indique qu'en raison de l'effet d'accumulation provoqué par les éoliennes de la société requérante et celles des parcs voisins, la lisibilité du paysage est difficile, souligne l'effet d'écrasement qui serait provoqué par la présence des éoliennes E1 et E2 dans le hameau de Ligueil, et relève le risque d'effet de saturation. En ce qui concerne le bourg de la Benâte, qui compte 426 habitants, alors que l'étude d'impact versée au dossier relève un impact visuel " fort " du projet, il résulte de l'instruction, et notamment des photomontages joints à cette étude, que les éoliennes E4, E5 et E6 sont particulièrement visibles depuis le centre-bourg. Contrairement à ce que soutient la société, ces éoliennes ne sont pas implantées en enfilade et la topographie des lieux n'atténue pas la visibilité importante de ces machines. En outre, le projet aura pour conséquence de porter l'indice d'occupation de l'horizon à un niveau supérieur au seuil d'alerte déterminé par les services de l'Etat et de réduire l'angle de respiration visuelle à 108°. De surcroit, il résulte également de l'instruction, et notamment des photomontages de l'étude d'impact, qu'en ce qui concerne le bourg de Courant, qui comprend 403 habitants, la visibilité des machines existe depuis l'ensemble du bourg avec un phénomène de récurrence sur les deux ensembles d'éoliennes du projet, contribuant ainsi à créer, en tenant compte des aérogénérateurs déjà présents du parc de Courant-Nachamps, un effet d'encerclement. De plus, s'il est vrai que le hameau de La Laiterie ne comporte qu'une habitation, le projet en cause aura pour effet d'accentuer l'effet d'encerclement de ce lieu de vie. Enfin, l'étude d'impact produite par la requérante retient également un impact visuel " fort " du projet sur les hameaux du Loubat, du Pelteau, de Basses Rues, du Petit Malveau et de Bellevue. D'autre part, les mesures compensatoires prévues par la société, qui consistent en la plantation de haies et d'arbres afin de créer des masques végétaux permettant d'atténuer la visibilité des machines, ne sont pas suffisantes en l'état, en raison du manque de précision sur les lieux d'implantation de ces éléments végétaux et en l'absence de calendrier, alors que les autorisations nécessaires pour leur mise en œuvre par les propriétaires des terrains d'implantation n'ont pas été obtenues ou même sollicitées, ainsi que cela ressort de l'étude d'impact. Au regard de l'ensemble de ces éléments, en dépit de la suppression des éoliennes E3 et E7, le projet de la société Ferme éolienne de la Belle Etoile aura pour effet d'accentuer de manière significative le motif éolien, déjà prégnant dans les lieux de vie environnants, entrainant un effet de saturation visuelle. Ainsi, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le projet portait une atteinte à la commodité du voisinage et que les mesures compensatoires prévues par la requérante sont insuffisantes. Par suite, ce moyen doit être écarté.

6. En troisième lieu, à supposer même que le motif retenu par le préfet de l'atteinte au site protégé de l'abbaye royale de Saint-Jean-d'Angély soit entaché d'une erreur d'appréciation, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur la seule atteinte à la commodité du voisinage en raison de la saturation visuelle qu'entraîne le projet.

7. Enfin, si le préfet de la Charente-Maritime a relevé une participation importante de la population lors de l'enquête publique avec des observations dont 56 % traduisaient une opposition au projet " à cause de la saturation visuelle ", il n'a pas entendu fonder sa décision de refus sur l'opposition locale au projet, contrairement à ce que soutient la société Ferme éolienne de la Belle Etoile. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il se serait fondé sur un motif ne relevant pas de l'article L. 511-1 du code de l'environnement doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ferme éolienne de la Belle Etoile n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 3 décembre 2020. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Ferme éolienne de la Belle Etoile est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme éolienne de la Belle Etoile et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.

La rapporteure,

Charlotte A...La présidente,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00432 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00432
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROUARD-LUCAS
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : FAZIO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-02;21bx00432 ?
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