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02/02/2023 | FRANCE | N°21BX00111

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 02 février 2023, 21BX00111


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 28 juin 2019 par laquelle le directeur délégué du centre hospitalier de Sarlat a prononcé son licenciement, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre au centre hospitalier de la rétablir dans ses droits.

Par un jugement n° 1905712 du 17 décembre 2020, le tribunal a annulé ces décisions et enjoint au centre hospitalier de Sarlat de procéder à la réintégration de Mme C..

. dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 28 juin 2019 par laquelle le directeur délégué du centre hospitalier de Sarlat a prononcé son licenciement, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre au centre hospitalier de la rétablir dans ses droits.

Par un jugement n° 1905712 du 17 décembre 2020, le tribunal a annulé ces décisions et enjoint au centre hospitalier de Sarlat de procéder à la réintégration de Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2021 et un mémoire enregistré le 31 août 2022, le centre hospitalier de Sarlat, représenté par la SCP KPL Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 28 juin 2019 doit être analysée comme portant à la fois licenciement suite au refus de la modification d'un élément substantiel du contrat de travail et licenciement pour impossibilité de reclassement ; c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce que ces décisions seraient indivisibles du fait de l'unicité de la décision du 28 juin 2019 pour refuser de l'annuler en tant que la procédure de reclassement n'avait pas été respectée, sans tenir compte de la volonté de Mme C... de ne pas accepter la modification substantielle de son contrat ;

- en tant qu'elle constate le refus de l'agent d'accepter la modification d'un élément substantiel de son contrat, la décision du 28 juin 2019 n'est entachée d'aucune illégalité ;

- dès lors que tous les postes correspondant au grade d'attaché d'administration hospitalière étaient pourvus, comme le démontre le tableau des effectifs à la date du licenciement, il ne pouvait proposer aucun reclassement à Mme C... ; la procédure de reclassement était donc inutile, de sorte que l'absence d'invitation de l'intéressée à présenter une demande de reclassement ne l'a privée d'aucune garantie et n'a pu modifier le sens de la décision.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 juin 2022, Mme C..., représentée par Me Hiriart, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge du centre hospitalier de Sarlat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- les moyens invoqués par le centre hospitalier de Sarlat ne sont pas fondés ;

- la modification substantielle de son contrat était illégale car elle revenait à la mettre à disposition d'un autre employeur qui n'était pas partie au contrat, ce qui ne pouvait être fait que par une convention entre les deux établissements dès lorsqu'ils conservent des personnalités juridiques distinctes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le décret n° 2015-1434 du 5 novembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Valdès, représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée sous contrat à durée indéterminée à compter

du 2 mai 2016 par le centre hospitalier de Sarlat, en qualité d'attachée d'administration hospitalière, pour exercer ses fonctions à temps plein au service des finances. Comme le permettait l'article 12 du contrat, une convention du 17 novembre 2017 l'a mise à disposition du centre hospitalier de Domme à raison d'une journée par semaine pour exercer les mêmes fonctions dans cet établissement, lequel partage depuis le 1er janvier 2016 une direction commune avec les centres hospitaliers de Périgueux, Lanmary et Sarlat, confiée au directeur du centre hospitalier de Périgueux, chaque établissement conservant sa personnalité juridique et son autonomie financière. Mme C... a dénoncé cette convention par lettre du 20 février 2019,

et par lettre du 7 mars 2019, le directeur délégué du centre hospitalier de Sarlat lui a proposé

le poste d'attaché au pôle " affaires financières " des hôpitaux de Sarlat et Domme dans

le cadre d'une réorganisation des services financiers, économiques, généraux et logistiques des deux établissements, avec une répartition de son activité à proportion de 60 % pour Sarlat

et 40 % pour Domme. Mme C... ayant implicitement refusé cette modification substantielle de son contrat, elle a été licenciée par une décision du 28 juin 2019. Elle a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'annulation de cette décision, ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'injonction au centre hospitalier de la rétablir dans ses droits. Le centre hospitalier de Sarlat relève appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal a annulé ces décisions et lui a enjoint de procéder à la réintégration de Mme C... dans un délai de deux mois.

2. Aux termes de l'article 41-3 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Sans préjudice des dispositions relatives au licenciement pour faute disciplinaire, pour insuffisance professionnelle ou pour inaptitude physique, le licenciement d'un agent contractuel recruté pour répondre à un besoin permanent doit être justifié par l'un

des motifs suivants : / (...) / 4° Le refus par l'agent d'une modification d'un élément substantiel du contrat proposée dans les conditions prévues à l'article 41-4 ; / (...). " Aux termes de

l'article 41-4 du même décret : " En cas de transformation du besoin ou de l'emploi qui a justifié le recrutement de l'agent contractuel recruté pour un besoin permanent, l'administration peut proposer la modification d'un élément substantiel du contrat de travail tel que la quotité de temps de travail de l'agent, ou un changement de son lieu de travail. Elle peut proposer dans les mêmes conditions une modification des fonctions de l'agent, sous réserve que celle-ci soit compatible avec la qualification professionnelle de l'agent. / Lorsqu'une telle modification est envisagée, la proposition est adressée à l'agent par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. / Cette lettre informe l'agent qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître, le cas échéant, son acceptation. / A défaut de réponse dans le délai d'un mois, l'agent est réputé avoir refusé la modification proposée. " L'article 41-5 dispose : " Le licenciement pour un des motifs prévus aux 1° à 4° de l'article 41-3 ne peut être prononcé que lorsque le reclassement de l'agent, dans un autre emploi que la loi du 9 janvier 1986 autorise à pourvoir par un agent contractuel et dans le respect des dispositions légales régissant le recrutement des agents non titulaires, n'est pas possible. / (...) / Il est proposé un emploi relevant de la même catégorie hiérarchique ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès de l'agent, d'un emploi relevant d'une catégorie inférieure. / L'offre de reclassement concerne les emplois relevant de l'autorité ayant recruté l'agent. L'offre de reclassement proposée à l'agent est écrite et précise. L'emploi proposé est compatible avec ses compétences professionnelles. " Aux termes de l'article 41-6 : " Lorsque l'administration envisage de licencier un agent pour l'un des motifs mentionnés aux 1° à 4° de l'article 41-3, elle convoque l'intéressé à un entretien préalable selon les modalités définies à l'article 43. A l'issue de la consultation de la commission consultative paritaire prévue à l'article 2-1, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. / Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir, compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis prévu à l'article 42. / Cette lettre invite également l'intéressé à présenter une demande écrite de reclassement, dans un délai correspondant à la moitié de la durée du préavis prévu à l'article 42 et indique les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont susceptibles de lui être adressées. " Aux termes de l'article 41-7 : " (...) / Dans l'hypothèse où l'agent a formulé une demande de reclassement et lorsque celui-ci ne peut être proposé avant l'issue du préavis prévu à l'article 42, l'agent est placé en congé sans traitement, à l'issue de ce délai, pour une durée maximale de trois mois, dans l'attente d'un reclassement dans les conditions prévues à l'article 41-5. / Le placement de l'agent en congé sans traitement suspend la date d'effet du licenciement. Une attestation de suspension du contrat de travail du fait de l'administration est délivrée à l'agent. / L'agent peut à tout moment, au cours de la période de trois mois mentionnée au troisième alinéa, revenir sur sa demande de reclassement. Il est alors licencié. / En cas de refus de l'emploi proposé par l'administration ou en cas d'impossibilité de reclassement au terme du congé sans traitement de trois mois, l'agent est licencié. " Enfin, selon l'article 43 : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. (...) / Au cours de l'entretien préalable, l'administration indique à l'agent les motifs du licenciement et le cas échéant le délai pendant lequel l'agent doit présenter sa demande écrite de reclassement ainsi que les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont présentées. "

3. Ces dispositions prévoient l'intervention d'une décision initiale de licenciement, mentionnée à l'article 41-6, qui a pour effet de priver l'agent de son emploi tel qu'il résulte de son contrat et, s'il n'est pas fait usage de la faculté de reclassement, de mettre fin à son emploi au sein de l'administration. Peuvent également intervenir, en fonction des circonstances, une décision de placement en congé sans traitement, puis une décision de reclassement ou de licenciement en cas d'échec de la procédure de reclassement, lesquelles doivent être formalisées par écrit, sans que l'administration ait à reprendre la procédure prévue à l'article 41-6. Toutes ces décisions sont susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

4. En l'espèce, le centre hospitalier de Sarlat n'a pas invité Mme C... à présenter une demande écrite de reclassement, que ce soit au cours de l'entretien préalable ou dans la lettre de licenciement. Quand bien même l'impossibilité de reclassement que l'établissement allègue serait établie, ce qui n'est pas le cas dès lors qu'un autre emploi d'attaché hospitalier au pôle " achats, services économiques, généraux et logistiques " des hôpitaux de Sarlat et Domme avait été créé concomitamment à celui proposé à Mme C... au titre de la modification substantielle de son contrat, le respect de la procédure en deux phases imposée par les dispositions du décret du 6 février 1991 ne ressort ni de la décision du 28 juin 2019, ni d'aucune pièce du dossier. Dans ces circonstances, le centre hospitalier de Sarlat, qui a pris une décision unique fixant un préavis et une date d'effet de la rupture des relations contractuelles dès le constat d'un refus de modification du contrat de travail, ne saurait reprocher au tribunal de s'être abstenu de limiter son annulation à une partie de la décision, totalement implicite, qui aurait tiré prématurément les conséquences d'une prétendue absence de possibilité de reclassement.

5. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Sarlat n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 28 juin 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme C..., et lui a enjoint de procéder à la réintégration de l'intéressée.

6. Le centre hospitalier de Sarlat, qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Sarlat est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier de Sarlat versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Sarlat et à Mme A... C....

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine GiraultLe greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX00111


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00111
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-02;21bx00111 ?
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