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31/01/2023 | FRANCE | N°20BX04027

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 31 janvier 2023, 20BX04027


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association départementale pour l'éducation et l'insertion (ADEI) a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 28 février 2018 par laquelle le préfet de la Charente-Maritime a refusé d'appliquer le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 278 sexies du code général des impôts à l'opération immobilière dont elle était porteuse.



Par un jugement n° 1800940 du 16 octobre 2020, le tribunal administrati

f de Poitiers a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association départementale pour l'éducation et l'insertion (ADEI) a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 28 février 2018 par laquelle le préfet de la Charente-Maritime a refusé d'appliquer le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 278 sexies du code général des impôts à l'opération immobilière dont elle était porteuse.

Par un jugement n° 1800940 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 décembre 2020, l'association départementale pour l'éducation et l'insertion (ADEI), représentée par Me Lebert, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800940 du tribunal administratif de Poitiers du 16 octobre 2020 ;

2°) à titre principal d'annuler la décision du 28 février 2018 par laquelle le préfet de la Charente-Maritime a refusé d'appliquer le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 278 sexies du code général des impôts à l'opération immobilière dont elle était porteuse et d'enjoindre au préfet d'appliquer ce taux réduit ;

3°) à titre subsidiaire de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse de la direction de la législation fiscale à la lettre qu'elle lui a adressée le 27 avril 2018 lui demandant de réintégrer dans le Bofip la réponse ministérielle Le Fur ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le préfet a méconnu les dispositions de l'article 278 sexies du code général des impôts et la réponse ministérielle Le Fur du 3 janvier 2012 : elle est une association à but non lucratif et la seule associée de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) " L'immobilière du port ", qui a été constituée uniquement pour gérer le patrimoine immobilier de l'association, l'opération immobilière dont elle est porteuse était donc éligible au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er février 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens développés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'association départementale pour l'éducation et l'insertion (ADEI) a pour projet d'acquérir, par l'intermédiaire de la société à responsabilité limitée (SARL) " L'immobilière du port " un immeuble, la " résidence Philippe ", propriété de la commune de Jonzac, à fin de le réhabiliter en vue de la création d'un foyer de logements destinés à accueillir des personnes en situation de handicap. Par courrier du 4 janvier 2018, elle a sollicité auprès du préfet de la Charente-Maritime la signature d'une convention pour la mise en œuvre du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu par les dispositions de l'article 278 sexies du code général des impôts. Par décision du 28 février 2018, le préfet a refusé la signature d'une telle convention dès lors que son opération n'était pas éligible à l'application de ces dispositions. L'ADEI relève appel du jugement du 16 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article 278 sexies du code général des impôts, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Les taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée sont ceux mentionnés à l'article 278 sexies-0 A pour les opérations suivantes, réalisées dans le cadre de la politique sociale du logement : (...) 8. Les livraisons de locaux aux établissements mentionnés aux 6° et 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, agissant sans but lucratif et dont la gestion est désintéressée, de même pour la seule partie des locaux dédiée à l'hébergement s'agissant des établissements mentionnés au 2° du I du même article, lorsqu'ils hébergent à titre permanent ou temporaire des personnes handicapées, ou des personnes âgées remplissant les critères d'éligibilité au prêt prévu à l'article R. 331-1 du code de la construction et de l'habitation, et que ces locaux font l'objet d'une convention entre le propriétaire ou le gestionnaire des locaux et le représentant de l'Etat dans le département ; (...) ". Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles : " I.-Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : (...) 7° Les établissements et les services, y compris les foyers d'accueil médicalisé, qui accueillent des personnes handicapées, (...) ".

3. Le préfet de Charente-Maritime a refusé de signer avec l'association requérante une convention pour la mise en œuvre du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu par l'article 278 sexies du code général des impôts au motif que l'acheteur de l'immeuble est une SARL, qui présente, en application des articles L. 223-1 et L. 210-1 du code de commerce, un caractère commercial, soumise à l'impôt sur les sociétés en application de l'article 206 du code général des impôts qui frappe les bénéfices réalisés, qui ne peut donc répondre à la qualification d'établissement à but non lucratif dont la gestion serait désintéressée.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que si l'opération immobilière portée par l'ADEI a pour objectif de racheter et réhabiliter un immeuble en vue de la création d'un foyer de logements destinés à accueillir des personnes en situation de handicap et que cette association agit sans but lucratif et gère de façon désintéressée des établissements sociaux, la structure juridique actrice de l'opération, acquéreur de l'immeuble, est une SARL dénommée " L'immobilière du port ". Il ressort des statuts de cette société qu'elle a pour objet " la propriété, l'administration et l'exploitation par bail ou location des biens immobiliers qui seront acquis par elle, apportés ou loués à la société au cours de la vie sociale " ainsi que " la vente des mêmes immeubles, l'acquisition d'autres immeubles, la construction de nouveaux immeubles, ainsi que l'échange de ces biens ". Son capital social est fixé à 2 000 000 d'euros divisé en 200 000 parts égales de dix euros chacune. Elle comporte pour associée unique l'ADEI mais pourra " à toute époque, comporter plusieurs associés, par suite notamment, de cession ou de transmission totale " et chaque part sociale confère à son propriétaire un droit égal dans les bénéfices de la société et dans tout l'actif social. Il ressort enfin des pièces produites en première instance que son chiffre d'affaires au titre de l'année 2017 s'élève à 911 600 euros et son résultat net à 8 200 euros. Dans ces conditions, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, la société commerciale " L'immobilière du port " ne constitue pas un établissement répondant aux conditions posées par l'article 278 sexies du code général des impôts pour bénéficier du taux réduit de TVA relatives à l'absence de but lucratif et à une gestion désintéressée. Par suite, en refusant pour ce motif la demande de l'association requérante, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article 278 sexies du code général des impôts.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 312-3 du code de relations entre le public et l'administration : Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret. / Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée. / Les dispositions du présent article ne peuvent pas faire obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement. ". L'article R. 312-10 du même code dispose que : " Les sites internet sur lesquels sont publiés les documents dont toute personne peut se prévaloir dans les conditions prévues à l'article L. 312-3 précisent la date de dernière mise à jour de la page donnant accès à ces documents ainsi que la date à laquelle chaque document a été publié sur le site. / Ces sites comportent, sur la page donnant accès aux documents publiés en application de l'article L. 312-3, la mention suivante : " Conformément à l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par les documents publiés sur cette page, pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée, sous réserve qu'elle ne fasse pas obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement ". / Les circulaires et instructions soumises aux dispositions de l'article R. 312-8 sont publiées sur les sites mentionnés au premier alinéa au moyen d'un lien vers le document mis en ligne sur le site mentionné à ce même article. ". L'article D. 312-11 du même code établit la liste des sites internet mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-3. Il précise que : " Lorsque la page à laquelle renvoient les adresses mentionnées ci-dessus ne donne pas directement accès à la liste des documents mentionnés à l'article L. 312-3, elle comporte un lien direct vers cette liste, identifié par la mention " Documents opposables ".

6. Les dispositions de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration instituent une garantie au profit de l'usager en vertu de laquelle toute personne qui l'invoque est fondée à se prévaloir, à condition d'en respecter les termes, de l'interprétation, même illégale, d'une règle contenue dans un document que son auteur a souhaité rendre opposable, en le publiant dans les conditions prévues aux articles R. 312-10 et D. 312-11 reproduits ci-dessus, tant qu'elle n'a pas été modifiée. En outre, l'usager ne peut bénéficier de cette garantie qu'à la condition que l'application d'une telle interprétation de la règle n'affecte pas la situation de tiers et qu'elle ne fasse pas obstacle à la mise en oeuvre des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement. Les mentions accompagnant la publication de ce document ont pour objet de permettre de s'assurer du caractère opposable de l'interprétation qu'il contient.

7. Si dans sa réponse du 3 janvier 2012 n° 27239 à la question posée par le député Marc Le Fur, le ministre des solidarités et de la cohésion sociale a étendu le bénéfice des dispositions de l'article 278 sexies du code général des impôts aux structures juridiques filiales (SCI ou EURL) destinées spécifiquement à gérer le patrimoine immobilier de certaines associations, répondant elles-mêmes aux critères posés par la loi, cette réponse ministérielle n'a pas été publiée selon les modalités prévues ci-dessus et l'association ne peut donc s'en prévaloir sur le fondement du code des relations entre le public et l'administration. Par ailleurs, elle ne peut non plus s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales aux termes duquel " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ", dès lors que le présent litige, qui relève du contentieux de l'excès de pouvoir, n'entre pas dans le champ d'application de ces dispositions. Enfin, en tout état de cause, il résulte de ce qui précède qu'en l'espèce, la société " L'immobilière du port " s'est constituée sous la forme juridique d'une SARL, et que donc cette situation ne correspond pas aux prévisions de la réponse ministérielle visant les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitées (EURL).

8. Il résulte de ce qui précède que l'ADEI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 28 février 2018 par laquelle le préfet de la Charente-Maritime a refusé de signer une convention en vue de l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 278 sexies du code général des impôts à l'opération immobilière dont elle était porteuse. Par suite, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse de l'administration à sa demande adressée le 27 avril 2018 lui demandant de réintégrer dans le Bofip la réponse ministérielle Le Fur, ses conclusions à fin d'annulation de cette décision, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association départementale pour l'éducation et l'insertion (ADEI) est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association départementale pour l'éducation et l'insertion (ADEI) et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023.

La rapporteure,

Héloïse A...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°20BX04027


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX04027
Date de la décision : 31/01/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SELARL JURICA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-01-31;20bx04027 ?
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