La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/01/2023 | FRANCE | N°20BX03268

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 31 janvier 2023, 20BX03268


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La société Vermilion REP a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 24 avril 2017 par laquelle la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer a rejeté sa demande d'octroi du permis exclusif de recherches d'hydrocarbures liquides ou gazeux, dit " B... ".



Par un jugement n° 1702504 du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé cette décision et enjoint au ministre de la transition écologique de réexaminer la dem

ande de la société Vermilion REP.



Procédure devant la cour :



Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vermilion REP a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 24 avril 2017 par laquelle la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer a rejeté sa demande d'octroi du permis exclusif de recherches d'hydrocarbures liquides ou gazeux, dit " B... ".

Par un jugement n° 1702504 du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé cette décision et enjoint au ministre de la transition écologique de réexaminer la demande de la société Vermilion REP.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 septembre 2020, la ministre de la transition écologique demande à la cour d'annuler le jugement n°1702504 du 23 juillet 2020 du tribunal administratif de Pau et de rejeter l'ensemble de la demande de la société Vermilion REP.

Elle soutient que :

- le tribunal ne pouvait annuler la décision attaquée au motif que le conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGEIET) n'avait pas été consulté alors qu'il n'est pas établi que cette absence de consultation a eu une influence sur le sens de la décision ; le tribunal a ainsi entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ainsi que d'une erreur de droit ;

- ce défaut de consultation n'a pas eu en l'espèce d'influence sur le sens de la décision et n'a pas privé le pétitionnaire d'une garantie ;

- la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant le permis sollicité au motif que le projet contrevenait aux objectifs insérés dans la loi du 17 août 2015 et relatifs notamment à la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles ;

- le tribunal ne pouvait enjoindre au réexamen de la demande d'octroi du permis exclusif de recherches dit " B... " dès lors que la loi n°2017-1839 du 30 décembre 2017 a mis fin à de tels permis exclusifs de recherches ;

- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne l'injonction de réexamen ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs dès lors qu'il indique dans son point 6 qu'il ne pouvait être enjoint à l'administration de délivrer le permis litigieux mais enjoint toutefois au réexamen de la demande ;

- la décision attaquée n'est pas entachée d'un défaut de motivation.

La requête a été communiquée à la société Vermilion REP qui n'a pas produit de mémoire en défense dans la présente instance.

Par ordonnance du 9 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, signé par la France à New-York le 22 avril 2016, publié par le décret n°2016-1504 du 8 novembre 2016 ;

- le code de l'énergie ;

- le code minier (nouveau) ;

- la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ;

- la loi n°2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement ;

- le décret n°2006-648 du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain ;

- le décret n°2009-64 du 16 janvier 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,

- les observations de Mr Etcheverry Laurent pour le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Considérant ce qui suit :

1. Le 20 mai 2013, la société Vermilion REP a sollicité l'octroi, pour une durée de cinq ans, du permis exclusif de recherches d'hydrocarbures liquides ou gazeux, dit " B... ". L'absence de réponse de l'administration pendant plus de deux ans a fait naître une décision implicite de rejet, à laquelle s'est substituée la décision 24 avril 2017 par laquelle la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer a expressément rejeté sa demande. La ministre de l'écologie relève appel du jugement n°1702504 du 23 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé cette décision et enjoint au ministre de la transition écologique de réexaminer la demande de la société Vermilion REP.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. D'une part, il ressort du jugement contesté que les premiers juges ont retenu pour annuler la décision du 24 avril 2017 le moyen tiré de ce qu'elle méconnaissait les dispositions de l'article 3 du décret du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain dès lors qu'elle n'avait pas été précédée d'une consultation du conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies telles que le prévoient ces stipulations. Ce faisant, et alors que l'absence d'examen des conséquences de cette absence sur le sens de la décision relève d'une question de fond et non d'une question de motivation, les premiers juges ont suffisamment motivé le motif d'annulation retenu.

4. D'autre part, le tribunal, après avoir cité les dispositions de l'article L. 111-9 du code minier qui mettent un terme aux permis exclusifs de recherches et aux autorisations de prospection préalables en vue de la recherche, y compris à des fins expérimentales, portant sur une ou des substances mentionnées au premier alinéa de l'article L. 111-6 du même code, a conclu qu'il ne pouvait donc être enjoint à l'administration de délivrer un tel permis et qu'il y avait lieu en revanche d'enjoindre au réexamen de la demande présentée par la société pétitionnaire dans un délai de six mois. Dans ces conditions, les premiers juges ont suffisamment motivé leur injonction. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté dans ses deux branches.

5. En second lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal a entaché son jugement d'une contradiction de motifs relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. En tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents qu'après avoir constaté l'illégalité de la décision contestée, les premiers juges ont enjoint, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, au réexamen de la demande présentée par la société pétitionnaire, et ce sans se contredire.

Sur les moyens d'annulation retenus par les premiers juges :

6. Pour annuler la décision du 24 avril 2017 contestée, le tribunal administratif de Pau s'est fondé sur les deux motifs tirés de ce qu'elle méconnaissait les dispositions de l'article 3 du décret du 2 juin 2006 dès lors qu'elle n'avait pas été précédée d'une consultation du conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGEIET) et de ce qu'elle était entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la société remplissait toutes les conditions pour que le permis litigieux lui soit octroyé, qu'elle disposait des capacités techniques et financières requises et que ce permis devait lui être accordé à la suite de la procédure de mise en concurrence.

7. Aux termes de l'article L. 122-1 du code minier : " Le permis exclusif de recherches de substances concessibles confère à son titulaire l'exclusivité du droit d'effectuer tous travaux de recherches dans le périmètre qu'il définit et de disposer librement des produits extraits à l'occasion des recherches et des essais. ". Aux termes de l'article L. 122-2 du même code : " Nul ne peut obtenir un permis exclusif de recherches s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux de recherches et pour assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 et aux articles L. 161-1 et L. 163-1 à L. 163-9. Un décret en Conseil d'Etat définit les critères d'appréciation de ces capacités, les conditions d'attribution de ces titres ainsi que la procédure d'instruction des demandes. ". L'article L. 161-1 du même code dispose : " Les travaux de recherches ou d'exploitation minière doivent respecter (...) les contraintes et les obligations nécessaires à la préservation de la sécurité et de la salubrité publiques, de la solidité des édifices publics et privés, à la conservation des voies de communication, de la mine et des autres mines, des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, et plus généralement à la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain : " Les projets de décisions relatifs aux titres miniers et de stockage souterrain sont soumis à l'avis du Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies. ". Aux termes de l'article 6 de ce même décret : " Pour l'application des dispositions des articles 9, 25 et 68-9 du code minier, les critères d'attribution d'un titre sont, outre les capacités techniques et financières : la qualité des études préalables réalisées pour la définition du programme de travaux ; la qualité technique des programmes de travaux présentés ; le niveau des engagements financiers relatifs à des travaux d'exploration de mines ou de recherche de cavités ou de formations mentionnées à l'article 3-1 du code minier ; l'efficacité et la compétence dont les demandeurs ont fait preuve à l'occasion d'éventuelles autres autorisations, particulièrement en ce qui concerne la protection de l'environnement ; l'éventuelle proximité d'une zone déjà explorée ou exploitée par les demandeurs. ".

8. En premier lieu, il est constant que la demande de la société Vermilion REP n'a pas été soumise à l'avis du CGEIET. Toutefois, il ressort des termes de la décision contestée que le refus de la ministre est fondée sur un motif d'intérêt général lié à la réduction des consommations d'énergie fossile et que la consultation d'un tel organisme n'aurait eu aucune influence sur cette position de principe. En outre, eu égard à la composition d'un tel organisme et au domaine concerné, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette absence de consultation ait privé quiconque d'une garantie. Par suite, la ministre est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu l'absence de consultation du CGEIET pour annuler la décision.

9. En deuxième lieu, pour refuser la délivrance du permis de recherches d'hydrocarbures sollicité, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer s'est fondée sur l'unique motif tiré de ce que la loi de transition écologique pour la croissance verte prévoit une priorité pour le développement des énergies renouvelables et la réduction des consommations d'énergie, en particulier fossile, qu'elle fixe pour objectif de réduire de 30% les consommations d'énergie fossile d'ici 2030 et qu'ainsi, en cohérence avec cette politique énergétique volontariste, la demande est refusée. En appel, l'administration invoque d'une part, les dispositions des articles L. 100-1 et L. 100-4 du code de l'énergie qui sont issues de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, et, d'autre part, les stipulations de l'accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015, signé par la France à New York le 22 avril 2016, introduit dans l'ordre juridique interne en vertu du décret n° 2016-1504 du 8 novembre 2016.

10. S'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la demande présentée par la société Vermilion REP aurait été instruite dans le respect des dispositions du code minier et notamment des articles 17 à 23 du décret du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain fixant les conditions d'examen par l'administration d'une telle demande, en opposant un tel motif de refus, l'administration a toutefois répondu à la poursuite de l'objectif d'intérêt général de limitation du réchauffement climatique et de contribution à respecter les engagements internationaux souscrits par la France au titre de l'Accord de Paris sur le climat sans que la société Vermilion REP n'apporte aucun élément traduisant une erreur dans l'appréciation qui a été faite de sa demande au regard de l'objectif d'intérêt général ainsi poursuivi. Par suite, le moyen doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la transition écologique est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a retenu ces deux motifs pour annuler sa décision du 24 avril 2017. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur l'autre moyen invoqué par la société Vermilion REP.

12. Si le silence gardé par l'administration sur une demande a fait naître, dans un délai spécifié, une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application des dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision. Il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent. Par suite le moyen soulevé par la société Vermilion REP et tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'un défaut de motivation compte tenu de l'absence de réponse à sa demande de communication de motifs doit être écarté comme étant inopérant.

13. Il résulte de ce qui précède que la ministre est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du 24 avril 2017 par laquelle elle a rejeté la demande d'octroi du permis exclusif de recherches d'hydrocarbures liquides ou gazeux, dit " B... " présentée par la société Vermilion REP et l'a enjoint au réexamen de cette demande. Par suite le jugement n°1702504 du 23 juillet 2020 du tribunal administratif de Pau doit être annulé et la demande de la société Vermilion REP présentée devant le tribunal administratif de Pau doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1702504 du 23 juillet 2020 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Vermilion REP devant le tribunal administratif de Pau est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vermilion REP, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023.

La rapporteure,

Héloïse A...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui les concernent, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°20BX03268


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03268
Date de la décision : 31/01/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET DLA PIPER LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-01-31;20bx03268 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award