Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 13 décembre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle des Deux-Sèvres a autorisé la société CFCA Développement à le licencier pour inaptitude.
Par un jugement n° 2000334 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 février 2021 et le 7 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Poinsignon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 décembre 2020 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler la décision du 13 décembre 2019 de l'inspectrice du travail ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été entendu personnellement et individuellement par l'inspectrice du travail dans le cadre de l'enquête contradictoire ;
- l'avis d'inaptitude établi par le médecin du travail le 2 juillet 2019 est irrégulier dès lors que ce praticien ne disposait pas d'informations actualisées ;
- il n'a pas été déclaré inapte à l'exercice de ses fonctions de directeur général mais seulement inapte à les exercer dans l'établissement de Chiché, ce qui lui laissait la possibilité d'exercer lesdites fonctions à distance ou dans un autre établissement du groupe ;
- l'employeur a méconnu son obligation de reclassement notamment en n'envisageant pas cette possibilité de lui confier des fonctions de directeur général dans un autre établissement ; toutes les possibilités de reclassement au sein du groupe n'ont pas été envisagées par l'employeur qui n'a ainsi pas loyalement et sérieusement rempli l'obligation qui pesait sur lui ;
- les motifs qui s'opposaient à son reclassement ne lui ont pas été notifiés.
Par un mémoire, enregistré le 27 avril 2021, la société CFCA Développement, représentée par Me Degott, conclut au rejet de la requête et à ce que la cour " statue ce que de droit quant aux frais et dépens ".
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
La requête a été transmise au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Karine Butéri,
- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,
- et les observations de Me Haramboure se substituant à Me Degott.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... a été recruté le 22 février 2016 par la société CFCA Développement, société holding du groupe CFCA lequel appartient au groupe Ampère France, ayant pour activité la fabrication de faisceaux électriques pour l'industrie. Il y exerçait les fonctions de directeur général du groupe CFCA et était par ailleurs titulaire d'un mandat de conseiller du salarié depuis 2013. Le 2 juillet 2019, dans le cadre d'une visite de reprise consécutive à un arrêt de travail ininterrompu depuis le 10 novembre 2017, M. A... a été déclaré inapte à une reprise du poste de directeur général basé dans l'établissement de Chiché par le médecin du travail. Le 29 août 2019, la société CFCA Développement a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de le licencier pour inaptitude. L'autorisation de licenciement sollicitée a été refusée le 20 septembre 2019 par l'inspectrice du travail au motif que les dispositions de l'article L. 1232-2 du code du travail qui prévoient que " l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation " n'avaient pas été respectées. Une seconde demande d'autorisation de licenciement a alors été présentée le 23 octobre 2019. Par une décision du 13 décembre 2019, l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de M. A... pour inaptitude. Par un jugement du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande d'annulation de cette décision présentée par M. A.... Ce dernier relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de la décision de l'inspectrice du travail :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. (...) L'inspecteur du travail prend sa décision dans un délai de deux mois. Ce délai court à compter de la réception de la demande d'autorisation de licenciement. Le silence gardé pendant plus de deux mois vaut décision de rejet. ". Cette disposition implique, pour le salarié dont le licenciement est envisagé, le droit d'être entendu personnellement et individuellement par l'inspecteur du travail. Toutefois, un tel droit n'est pas méconnu lorsque le salarié, régulièrement convoqué par l'inspecteur du travail, s'abstient de donner suite à la convocation sans motif légitime.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été informé, par un courrier en date du 5 novembre 2019 le convoquant à un entretien, que l'enquête contradictoire prévue à l'article R. 2421-4 cité au point précédent se déroulerait le 12 novembre 2019 à 14 heures dans les locaux de la Direccte. Le même courrier précisait à l'intéressé qu'il disposait d'un droit d'accès et de communication à tout document déterminant éventuellement produit par l'employeur à cette occasion. A la demande de M. A..., qui a alors fait valoir qu'il souhaitait disposer de davantage de temps pour produire de nouveaux éléments, cet entretien a été reporté au 28 novembre 2019. Par un courriel adressé à l'inspectrice du travail le 27 novembre 2019 à 17h19, M. A... a indiqué qu'une " hernie discale sévère " l'empêchait de se rendre à l'entretien prévu pour le lendemain, sans toutefois produire aucun certificat médical justifiant l'impossibilité alléguée de se déplacer. En outre, M. A..., qui s'est borné à informer l'inspectrice du travail qu'il se tenait à sa disposition " pour tout échange ", n'a pas sollicité le report de ce second entretien auquel il ne s'est pas rendu. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le droit de M. A... d'être entendu personnellement et individuellement aurait été méconnu doit, dans les circonstances de l'espèce, être écarté.
4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 4624-1, R. 4624-31, R.4624-35 et R.4624-36 du code du travail que, en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l'inspecteur du travail, saisi par l'une des parties, et après avis du médecin-inspecteur du travail, de se prononcer définitivement sur cette aptitude. Seules les décisions rendues par l'inspecteur du travail et le ministre du travail sont susceptibles de faire l'objet d'un recours devant le juge de l'excès de pouvoir et l'appréciation de l'inspecteur du travail puis du ministre, qu'elle soit confirmative ou infirmative de l'avis du médecin du travail, se substitue à son avis. Dès lors, les irrégularités invoquées à l'encontre de la décision rendue par le médecin du travail sont sans incidence sur la légalité de la décision rendue par l'inspecteur du travail ou, le cas échéant, par le ministre chargé du travail.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré par M. A... de l'irrégularité de la décision du 2 juillet 2019 par laquelle le médecin du travail a constaté son " inaptitude à une reprise du poste de directeur général basé dans l'établissement de Chiché " est inopérant.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1226-2-1 du code du travail : " Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement. (...) ". Cette formalité doit être accomplie avant l'entretien préalable à son licenciement, afin que le salarié concerné puisse présenter utilement ses observations lors de cet entretien.
7. Ainsi qu'il a été dit au point 1, deux demandes d'autorisation de licencier M. A... ont successivement été présentées par son employeur. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier en date du 17 juillet 2019 précédant sa convocation au premier entretien préalable fixé au 29 juillet 2019, M. A... a été informé de ce que, faute de poste disponible approprié à ses capacités, les recherches de reclassement entreprises dans les sociétés des groupes Ampère et CFCA n'avaient pas abouti. Si M. A... n'a pas été rendu destinataire d'un nouveau courrier avant sa convocation, le 1er octobre 2019, au second entretien préalable fixé au 14 octobre suivant, il ne ressort pas des pièces du dossier que des éléments nouveaux quant à des possibilités de reclassement seraient intervenus entre ces deux dates rapprochées. Dès lors, les dispositions de l'article L. 1226-2-1 du code du travail n'ont pas été méconnues.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. / Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ". Les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 1226-2-1 du même code précisent : " L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues par l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail ".
9. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement d'un salarié protégé est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Lorsqu'après son constat d'inaptitude, le médecin du travail apporte des précisions quant aux possibilités de reclassement du salarié, ses préconisations peuvent, s'il y a lieu, être prises en compte pour apprécier le caractère sérieux de la recherche de reclassement de l'employeur.
10. Il ressort des pièces du dossier que, le 2 juillet 2019, le médecin du travail a constaté l'inaptitude de M. A... " à une reprise du poste de directeur général basé dans l'établissement de Chiché " et que, relevant " l'absence de connaissance des autres éléments du groupe ", il n'a pas formulé de " proposition ou de réorientation ". Il ressort également des pièces du dossier, notamment d'un courrier en date du 9 juillet 2019, que, pour chercher à reclasser M. A..., son employeur a sollicité le groupe Ampère dont le président, par un courrier en date du 12 juillet 2019, lui a répondu qu'aucun poste approprié aux capacités de l'intéressé n'était disponible dans les différentes sociétés du groupe basées sur le territoire français. Contrairement à ce que soutient M. A..., il ressort également des pièces du dossier, notamment d'un courrier en date du 13 juillet 2019, que l'employeur de ce salarié a cherché à le reclasser, y compris sur un poste de direction, au sein du groupe CFCA dont l'ensemble des postes était cependant pourvu. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, notamment d'un courrier en date du 25 septembre 2019, qui rappelle le parcours professionnel de M. A..., qu'il a en outre été demandé par son employeur au président du groupe Ampère d'indiquer les différentes possibilités de reclassement de ce salarié à des postes de classifications inférieures. Si M. A... soutient que plusieurs postes, notamment d'opérateur, de câbleur électronique ou d'électrotechnicien, d'assistante commerciale ou encore d'animateur d'un atelier de câblage filaire aéronautique, ont été pourvus au sein du groupe Ampère au cours de la période de recherche de reclassement alors qu'ils ne lui ont pas été proposés, ces postes n'étaient pas comparables avec celui de directeur général du groupe CFCA qu'il occupait jusqu'alors. Il en est de même des postes qui étaient à pourvoir dans le cadre de contrats d'intérim ou de contrats à durée déterminée dans le service des ressources humaines et en atelier de production. Enfin, si un poste de directeur des achats du groupe aurait pu être comparable au poste précédemment occupé par M. A... et compatible avec son expérience, il a été justifié par l'employeur que ce poste n'était plus disponible à la date de la constatation de l'inaptitude de l'intéressé. Par suite, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, le moyen tiré par M. A... de ce que son employeur aurait méconnu l'obligation de le reclasser doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 décembre 2019 de l'inspectrice du travail.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit versée à M. A..., partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées au même titre par la société CFCA Développement sont irrecevables faute d'être chiffrées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société CFCA Développement présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société CFCA Développement et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 janvier 2023.
La rapporteure,
Karine Butéri
La présidente,
Florence Demurger
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX00474