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12/01/2023 | FRANCE | N°22BX01551

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 12 janvier 2023, 22BX01551


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2020 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2001069 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juin 2022, M. C..., représenté par Me Marcault-Derouard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administrati

f de la Guyane du 7 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guyane du 10 septembre 2020 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2020 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2001069 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juin 2022, M. C..., représenté par Me Marcault-Derouard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 7 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guyane du 10 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'auteur de l'arrêté en litige ne justifie pas d'une délégation de signature régulière ;

- cet arrêté n'est pas suffisamment motivé et comporte des informations erronées concernant sa vie commune avec son épouse ;

- son droit à être entendu, garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu ;

- le préfet ne pouvait pas invoquer la menace à l'ordre public comme motif de refus du renouvellement de sa carte de résident de 10 ans, le renouvellement de ce titre étant de plein droit ;

- sa demande a été instruite comme une demande de renouvellement de titre ; par ailleurs, il lui était matériellement difficile de déposer un dossier complet dans les délais impartis en raison de son incarcération ;

- l'arrêté litigieux méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est marié depuis trente ans et père de quatre enfants français ; il ne dispose plus d'attaches en Haïti ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation dès lors que son comportement ne constitue pas une menace actuelle, réelle et suffisamment grave à l'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant haïtien né le 22 juillet 1962, entré sur le territoire français en 1989, a sollicité le renouvellement de sa carte de résident valable du 2 décembre 2008 au 1er décembre 2018. Par un arrêté du 10 septembre 2020, le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé. M. C... relève appel du jugement du 7 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2020.

Sur la légalité de l'arrêté du 10 septembre 2020 :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ".

3. M. C... est entré sur le territoire français en 1989. Il ressort des pièces versées au dossier pour la première fois en appel qu'il est marié depuis le 26 septembre 1992 avec une ressortissante haïtienne, titulaire d'une carte de résident. Le couple a donné naissance à trois enfants nés en 1993, 1995 et 1999, qui ont la nationalité française. En outre, M. C... est également le père d'une autre enfant née en 1988 d'une précédente union, laquelle possède également la nationalité française. S'il ressort des pièces du dossier qu'il a été condamné, le 14 février 2019, par la cour d'appel de Cayenne à cinq ans d'emprisonnement pour aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger dans un État partie à la convention de Schengen, de juillet 2016 à juillet 2017, de tels faits, pour répréhensibles qu'ils soient, n'étaient pas de nature, dans les circonstances particulières de l'espèce, en l'absence de précision sur les circonstances ayant conduit à cette condamnation, à justifier le rejet de la demande renouvellement présentée par M. C... qui, au regard de la durée de son séjour en France de plus de trente ans à la date de l'arrêté litigieux et de sa situation familiale, a fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux sur le territoire national, et alors qu'il n'est pas contesté qu'il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine. A cet égard, le préfet ne pouvait valablement opposer, dans l'arrêté du 10 septembre 2020, l'absence de communauté de vie entre M. C... et son épouse dès lors que ce dernier était alors en prison et qu'il n'est pas contesté que la communauté de vie n'a jamais cessé en dehors de cette période d'incarcération. Dans ces conditions, l'arrêté litigieux porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant et méconnaît ainsi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Guyane du 10 septembre 2020.

Sur l'injonction :

5. Au regard de ses motifs, le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet de la Guyane de délivrer à M. C... un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose à M. C... une nouvelle décision de refus. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Guyane de délivrer au requérant le titre de séjour mentionné ci-dessus dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. C....

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 7 avril 2022 et l'arrêté du préfet de la Guyane du 10 septembre 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Guyane de délivrer à M. C... un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à M. C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023.

La rapporteure,

Charlotte A...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX01551 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01551
Date de la décision : 12/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET MARCAULT DEROUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-01-12;22bx01551 ?
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