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12/01/2023 | FRANCE | N°21BX04457

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 12 janvier 2023, 21BX04457


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler, d'une part, l'arrêté du 20 avril 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'autre part, l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n°2101092 du 14 septembre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa dema

nde.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler, d'une part, l'arrêté du 20 avril 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'autre part, l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n°2101092 du 14 septembre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2021, M. D..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 14 septembre 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 20 avril 2021 de la préfète de la Vienne ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de prendre toute mesure propre à mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) d'enjoindre, à défaut des injonctions précédentes, à la préfète de la Vienne de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne le signataire des décisions:

- elles sont signées par une autorité incompétente en l'absence de publication régulière de la délégation de signature au secrétaire général, M. A... B... ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation, ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle, alors que son épouse est enceinte d'un cinquième enfant, et que s'il s'est maintenu sur le territoire français après l'obligation de quitter le territoire français du 8 avril 2020, c'est face à l'impossibilité matérielle, reconnue par la décision d'assignation à résidence, de regagner son pays à la suite de la fermeture intégrale des frontières entre la France et l'Algérie entre le 17 mars 2020 et le 1er juin 2021; au demeurant cette décision ne pouvait être exécutée avant que le tribunal statue sur son recours, ce qu'il a fait le 11 mars 2021 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : il démontre avoir des liens stables, intenses et anciens en France par la scolarisation de ses enfants, il parle couramment le français depuis son installation sur le territoire depuis plus de quatre ans, il justifie de son intégration par une promesse d'embauche en CDI pour laquelle il bénéficie d'une qualification spécifique obtenue après un CAP en mécanique, précisant que si cette promesse d'embauche n'a pu être suivie d'effet, c'est en raison de la précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre ; sa compagne était enceinte, au moment de la décision en litige, d'un cinquième enfant ; enfin, il y avait une impossibilité matérielle de quitter le territoire tenant à la fermeture intégrale des frontières en raison de la pandémie de COVID-19, impossibilité matérielle attestée par l'édiction par la préfète de Vienne d'une décision d'assignation à résidence ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que ses enfants sont scolarisés en France depuis leur plus jeune âge et n'ont connu que ce système scolaire, dans lequel ils font preuve d'implication, qu'ils ne parlent que la langue française, interdite au sein du système scolaire algérien, et que l'inscription dans des établissements scolaires enseignant en langue française en Algérie est subordonnée à ce que l'un des parents ne soit pas algérien, ce qui n'est pas le cas en espèce, et donc que leur retour en Algérie entraînerait l'interruption de leur scolarité ;

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation, ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle, dès lors que n'ont pas été pris en compte les faits que son épouse était enceinte et se trouvait à la fin de son cinquième mois de grossesse, et que s'il s'est maintenu sur le territoire français malgré la précédente mesure d'éloignement et l'édiction de la décision litigieuse, c'est à cause d'une impossibilité matérielle de quitter la France pour l'Algérie en raison d'une fermeture intégrale des frontières due à la pandémie ;

- elle méconnaît les dispositions de l' article L. 612-2 du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas réellement essayé de se soustraire à la précédente mesure d'éloignement, compte tenu de son impossibilité matérielle à quitter le pays en raison de la fermeture intégrale des frontières, et que la suppression du délai de départ n'est qu'une faculté ;

- elle méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 612-3 du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il avait sollicité un titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la grossesse de son épouse ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que l'exécution de la mesure signifierait une interruption de la scolarité des enfants en pleine année scolaire, alors qu'ils n'ont connu que le système scolaire français dans lequel ils justifient être très impliqués ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle dès lors que la préfecture n'a pas pris en compte la grossesse de son épouse pour l'appréciation réelle de sa situation familiale, avec notamment la nécessité de sa présence pour un ensemble de rendez-vous médicaux ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui la fonde ;

- elle est insuffisamment motivée dès lors que la seule mention que la décision ne contrevient pas aux articles 8 et 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne suffit pas à la faire regarder comme comportant des considérations conformes aux exigences de motivation attendues dans une telle décision ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation, ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation, dès lors que ni la durée de sa présence sur le territoire français, ni le fait qu'il n'ait pas pu exécuter la précédente mesure d'éloignement en raison de la crise sanitaire, ni le fait que la grossesse de son épouse soit un élément déterminant de son maintien en France n'ont été pris en compte ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle dès lors qu'elle considère, d'une part, qu'il s'est soustrait à la précédente mesure d'éloignement alors qu'il avait été dans l'incapacité d'exécuter la décision du fait de l'impossibilité matérielle de se rendre en Algérie du fait de la crise sanitaire et que le tribunal ne s'est prononcé que le 11 mars 2021 sur son recours contre la précédente obligation de quitter le territoire français, d'autre part, que l'état de son épouse, enceinte de cinq mois, requérait sa présence ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit sur le territoire français depuis plus de quatre ans avec son épouse, que ses quatre enfants sont scolarisés, qu'il justifie avoir déjà exercé comme autoentrepreneur, et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche en CDI ;

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

-il est dépourvu de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la préfète a visé les dispositions permettant une assignation de longue durée en raison d'une impossibilité de quitter le territoire, alors que le motif de l'arrêté se réfère aux conditions d'assignation de courte durée en relevant que l'exécution de la mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable ;

- l'assignation à résidence est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen approfondi de sa situation dès lors que la préfète a indiqué dans son mémoire une mauvaise date de la décision portant obligation de quitter le territoire français et une absence de document de voyage, alors qu'il possède effectivement un passeport valide jusqu'en 2025, qu'il avait déposé une demande régulière de titre de séjour et que la décision évoque une modification du lieu de présentation qui est sans objet, s'agissant d'une première assignation à résidence ;

Par une décision n°2021/022854 du 4 novembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2022, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 28 juillet 1980 en Algérie, est entré régulièrement en France sous couvert d'un visa de court séjour le 1er juin 2017, accompagné de son épouse et de ses trois enfants, respectivement nés les 8 juillet 2012, 15 mai 2014, et 21 novembre 2015. Après la naissance d'un quatrième enfant à Poitiers le 30 juin 2017, ils ont demandé le 7 février 2019 la délivrance de titres de séjour, qui a été refusée par la préfète de la Vienne par des arrêtés du 8 avril 2020, dont la légalité a été confirmée par jugements du tribunal administratif de Poitiers du 11 mars 2021. M. D... a fait l'objet le 20 avril 2021 d'une audition pour défaut de permis de conduire, à la suite de laquelle la préfète a, par deux arrêtés du 20 avril 2021, d'une part édicté une obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays de renvoi et en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'autre part l'a assigné à résidence. M. D... relève appel du jugement du 14 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tenant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la légalité des décisions attaquées :

2. Les moyens tirés de l'incompétence du signataire des décisions attaquées et de l'insuffisance de leur motivation ne peuvent qu'être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. M. D... reprend en appel les moyens tirés de ce que la préfète aurait insuffisamment examiné sa situation et de ce que la décision d'obligation de quitter le territoire méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à l'appui desquels il produit de nouvelles pièces.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

5. Si des attestations de son entourage indiquent que ses enfants ne comprennent pas la langue arabe et ne parlent que le français, les directeurs d'école élémentaire et maternelle indiquent seulement que les enfants justifient de leur présence régulière à l'école, et qu'ils sont inscrits respectivement en CE2, CP, grande section et petite section de maternelle. Dans ces conditions, et alors que le niveau des enfants en français n'est pas établi et que leur mère ne prend des cours de français que depuis mai 2021, le requérant n'établit pas l'impossibilité pour ses enfants de poursuivre leur parcours scolaire en Algérie, alors même qu'ils ne pourraient le faire en français. En outre, la circonstance que l'épouse du requérant ait été enceinte de cinq mois à la date de la décision, qui n'est qu'un argument auquel le tribunal n'était pas tenu de répondre en l'absence de proximité du terme de la grossesse, et les témoignages de leur entourage attestant de leur vie de famille et de l'implication professionnelle de M. D... dans une activité de mécanicien automobile ne suffisent pas à caractériser une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que les parents du couple et leurs fratries respectives résident en Algérie. L'ensemble de la famille ayant vocation à retourner en Algérie, aucune méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut davantage être retenue, et la décision fixant le pays de renvoi n'est par voie de conséquence pas entachée d'illégalité.

En ce qui concerne le refus de délai de départ :

6. M. D... reproche au préfet de lui avoir refusé un délai de départ volontaire alors que les frontières entre la France et l'Algérie étaient fermées, et qu'il a d'ailleurs pour cette raison été assigné à résidence le même jour.

7. Aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision du 20 avril 2021: " II. L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) ". Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. "

8. Pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. D..., le préfet s'est fondé sur les dispositions citées au point précédent, et notamment sur le fait qu'il s'est soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours prononcée le 8 avril 2020. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les frontières entre la France et l'Algérie étaient fermées depuis mars 2020 en raison de la pandémie de Covid-19 et que les liaisons n'avaient pas repris, ainsi que l'admet d'ailleurs la décision portant assignation à résidence, à la date du 20 avril 2021. Dans ces conditions, il ne pouvait être reproché à l'intéressé, quand bien même il aurait déclaré ne pas vouloir retourner dans son pays, de s'être soustrait à l'exécution du précédent arrêté, dont la légalité n'a été au demeurant confirmée que par jugement du 11 mars 2021. Au regard de ces circonstances particulières, et alors que l'intéressé était dans l'impossibilité de partir et disposait de garanties de représentation, ainsi que l'a également reconnu la décision d'assignation à résidence, M. D... est fondé à soutenir que rien ne s'opposait à ce qu'un délai de départ volontaire lui soit accordé. Par suite, le refus de délai de départ doit être annulé.

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

9. Aux termes du premier alinéa du III de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cité par la décision contestée : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. " Le huitième alinéa précise : " La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. "

10. Il résulte de ce qui précède que la décision d'interdiction de retour ne pouvait légalement être prise sur le fondement de l'absence de délai assortissant l'obligation de quitter le territoire français. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens dirigés à son encontre, elle doit également être annulée.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

11. Pour prononcer l'assignation à résidence de M. D..., avec présentation au commissariat trois fois par semaine, le préfet s'est fondé sur l'article L.561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoyait alors que " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants :1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré (...). "

12.Toutefois M. D... n'avait pas sollicité le bénéfice de ces dispositions, et il n'est pas contesté qu'il ne relevait d'aucun des cas dans lesquels, selon l'article L.561-2 du même code, le préfet peut prononcer d'office une assignation à résidence. Par suite, il est également fondé à demander l'annulation de la décision du 20 avril 2021 l'assignant à résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " Aux termes de l'article R. 613-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, aux cas d'extinction du motif d'inscription dans ce traitement. " Aux termes de l'article 7 du décret du 28 mai 2010 : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas (...) d'extinction du motif de l'inscription. (...) ".

14. Le présent arrêt implique seulement que soit effacé le signalement aux fins de non-admission de M. D... dans le système d'information Schengen. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de la Vienne de mettre en œuvre la procédure d'effacement de ce signalement dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Les décisions du 20 avril 2021 portant refus de délai de départ volontaire, interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence de M. D... sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Vienne de faire procéder à l'effacement des informations concernant l'interdiction de retour sur le territoire français de l'intéressé dans le système d'information Schengen.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 et 2.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. E... D..., au préfet de la Vienne et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 janvier 2023.

La présidente-assesseure,

Anne Meyer

La présidente, rapporteure,

Catherine C...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX04457


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04457
Date de la décision : 12/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-01-12;21bx04457 ?
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