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12/01/2023 | FRANCE | N°21BX00403

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 12 janvier 2023, 21BX00403


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Chancelade à leur verser une indemnité de 64 886,62 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'illégalité du permis de construire qui leur a été délivré le 9 septembre 2019 pour l'édification d'une maison d'habitation.

Par un jugement n° 2001562 du 2 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 2 février 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Aljoub...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Chancelade à leur verser une indemnité de 64 886,62 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'illégalité du permis de construire qui leur a été délivré le 9 septembre 2019 pour l'édification d'une maison d'habitation.

Par un jugement n° 2001562 du 2 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 février 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Aljoubahi, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 décembre 2020 ;

2°) de condamner la commune de Chancelade à leur verser une somme de 59 886,62 euros au titre de leur préjudice matériel et une somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chancelade la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- le tribunal a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des pièces du dossier et notamment du constat d'huissier en jugeant que le terrain d'assiette du projet ne présentait pas un véritable risque d'inondation justifiant qu'il soit classé en zone inconstructible ;

- ils ont acquis la parcelle en litige en raison de la délivrance par la commune d'un certificat d'urbanisme en date du 30 mai 2019 confirmant qu'elle pouvait être utilisée pour la construction d'une maison d'habitation ;

- le maire ne les a pas informés de ce que la parcelle en cause était utilisée comme exutoire naturel de la rue Corot et de son inondation systématique en période pluviale ;

- l'ampleur du ruissèlement les a contraints à abandonner la construction de leur habitation ;

- la commune aurait dû constater que le classement de la parcelle en zone Uc du plan local d'urbanisme était obsolète du fait de la modification de la configuration des lieux et de la parcelle devenue inconstructible ;

- le maire a commis une faute de service en leur délivrant un permis de construire sans l'assortir d'aucune prescription particulière quant au risque d'inondation et à l'afflux des eaux de ruissèlement venant de la voie publique ;

- le maire qui était informé du risque d'inondation aurait dû refuser de délivrer le permis de construire sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme alors même que la parcelle n'était pas classée en zone inconstructible dans le plan local d'urbanisme ;

- l'illégalité entachant le permis de construire constitue une faute de service de nature à engager la responsabilité de la commune ;

- la responsabilité de la commune est totale et entière dès lors qu'ils n'ont jamais été informés du risque d'inondation et de l'impossibilité de construire ;

- le préjudice matériel résultant des frais engagés pour l'acquisition de la parcelle est évalué à 59 886,62 euros ; ils ont subi également des troubles dans leur condition d'existence qu'ils évaluent à 5 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2022, la commune de Chancelade, représentée par la SELARL Boissy Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 700 euros soit mise à la charge de M. et Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... E...,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Danguy, représentant la commune de Chancelade.

Considérant ce qui suit :

1. Par un compromis de vente du 27 mai 2019 puis un acte notarié du 27 septembre 2019, M. et Mme D... ont acquis une parcelle cadastrée section AE n°832 située 14 rue Jean-Baptiste Corot sur le territoire de la commune de Chancelade, d'une superficie de 2 377 mètres carrés. Préalablement à cette acquisition, le vendeur de la parcelle avait obtenu, le 10 mai 2019, un certificat d'urbanisme opérationnel indiquant que ce terrain était, en vertu du plan local d'urbanisme de la commune approuvé le 26 mai 2005, classé en zone Uc constructible. Par un arrêté du 9 septembre 2019, le maire de Chancelade leur a délivré un permis de construire pour la réalisation d'une construction à usage d'habitation d'une surface de plancher de 202 mètres carrés. Par un courrier du 15 janvier 2020, M. et Mme D... ont formé auprès de la commune de Chancelade une demande préalable d'indemnisation des préjudices résultant de l'impossibilité de réaliser le projet autorisé par cet arrêté. En l'absence de réponse, M. et Mme D... ont sollicité du tribunal administratif de Bordeaux la condamnation de la commune à leur verser la somme de 64 886, 62 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait l'illégalité fautive entachant selon eux le permis de construire du 9 septembre 2019. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 2 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Sur la responsabilité de la commune de Chancelade :

En ce qui concerne le classement de la parcelle cadastrée section AE n°832 en zone Uc du plan local d'urbanisme :

2. En vertu d'un principe général, il incombe à l'autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal. Ce principe trouve à s'appliquer, en l'absence même de toute décision juridictionnelle qui en aurait prononcé l'annulation ou les aurait déclarées illégales, lorsque les dispositions d'un document d'urbanisme, ou certaines d'entre elles si elles en sont divisibles, sont entachées d'illégalité, sauf si cette illégalité résulte de vices de forme ou de procédure qui ne peuvent plus être invoqués par voie d'exception en vertu de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme. Ces dispositions doivent ainsi être écartées, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, par l'autorité chargée de délivrer des certificats d'urbanisme ou des autorisations d'utilisation ou d'occupation des sols, qui doit alors se fonder, pour statuer sur les demandes dont elle est saisie, sur les dispositions pertinentes du document immédiatement antérieur ou, dans le cas où celles-ci seraient elles-mêmes affectées d'une illégalité dont la nature ferait obstacle à ce qu'il en soit fait application, sur le document encore antérieur ou, à défaut, sur les règles générales fixées par les articles L. 111-1 et suivants et R. 111-1 et suivants du code de l'urbanisme.

3. Il résulte de l'instruction que la parcelle cadastrée section AE n°832, qui forme un des lots du lotissement La Croix Herbouze autorisé en octobre 1974, a été classée en zone Uc du plan local d'urbanisme de la commune approuvé en septembre 2005. Selon le règlement de ce plan, la zone Uc " correspond aux secteurs d'habitat, ancien ou récent, qui se sont développés sur les hauteurs de la commune, sous forme de lots libres ou dans le cadre d'opération de lotissement, parfois en extension des hameaux villageois. Ces secteurs accueillent principalement un habitat de faible densité, avec une prédominance du tissu pavillonnaire discontinu ". Aux termes de l'article 2 du chapitre 3, relatif aux dispositions applicables en zones Uc et Ua du règlement, sont admis les constructions à usage d'habitation ainsi que les affouillement et exhaussements de sol à condition d'être justifiés pour des raisons techniques de construction ou de viabilisation.

4. Il résulte du constat d'huissier du 12 novembre 2019 et du rapport d'expertise du 21 janvier 2021 réalisés à la demande des requérants que le terrain d'assiette du projet est situé en contrebas de la rue Corot, laquelle présente une forte pente en sa direction, et qu'en période de pluie d'intensité moyenne les eaux de pluie du lotissement ruissèlent jusqu'en bas de cette rue sans être collectées ni évacuées par le réseau public pour se déverser ensuite sur la parcelle en litige, elle-même en pente. Si la présence d'eau en quantité importante sur la parcelle n'est pas contestée, il ne ressort pas de ces documents que la parcelle présenterait un risque d'inondation d'une ampleur telle que tout projet de construction devrait y être interdit. En effet, il résulte de ces constats qu'outre la configuration des lieux, la présence d'eau sur le terrain des requérants est consécutive essentiellement à l'insuffisance des dispositifs de recueil et d'évacuation des eaux de pluies sur le domaine public. Il ne résulte pas de l'instruction que la réalisation des travaux pour la collecte des eaux de la rue Corot, que la commune s'était d'ailleurs engagée à réaliser auprès du vendeur du terrain en 2018, complétée éventuellement par des aménagements techniques de viabilisation ne permettraient pas de prévenir ces ruissèlements. Dans ces conditions, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date d'adoption du plan local d'urbanisme, la parcelle en litige aurait été couverte par un plan de prévention des risques d'inondation, son classement en zone constructible n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation. Par suite, et sans que les requérants puissent utilement se prévaloir des inondations survenues en novembre 2019 et janvier 2021, lesquelles ont été aggravés par les travaux de terrassement entrepris pour la construction de leur maison d'habitation, ils ne sont pas fondés à soutenir que le plan local d'urbanisme serait entaché d'une illégalité fautive pour avoir classé la parcelle cadastrée section AE n°832 en zone Uc.

En ce qui concerne la délivrance du permis de construire du 9 septembre 2019 :

5. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date du permis de construire : " Le permis de construire peut-être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. (...) ".

6. Il ressort du rapport d'expertise précité, dont la teneur n'est pas sérieusement contestée, qu'en l'absence d'aménagement de la rue Corot pour la collecte des eaux et du fait de la topographie des lieux, le terrain appartenant aux requérants sert, de fait, d'exutoire naturel de cette rue. Il résulte des courriers du maire de Chancelade adressés les 17 avril 2018 et 28 mai 2018 indiquant que la mise en place d'un caniveau grille devrait supprimer l'afflux systématique des eaux de ruissèlement sur le terrain sauf situation particulière de très fortes précipitations compte tenu de la situation du terrain au point le plus bas du lotissement, qu'à la date de la délivrance du permis de construire le maire était informé des risques auxquels était susceptibles d'être exposée la future construction. Par suite, en délivrant un permis de construire à M. et Mme D... sans l'assortir d'aucune réserve ou prescription s'agissant du risque d'inondation par ruissèlement des eaux, le maire a entaché sa décision d'une illégalité fautive au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme précité de nature à engager la responsabilité de la commune.

En ce qui concerne la faute exonératoire des époux D... :

7. Il résulte toutefois de l'acte notarié du 27 septembre 2019 ainsi que de la teneur des deux courriers précités du maire de Chancelade repris intégralement dans l'acte de vente, lesquels n'excluaient pas les ruissèlements en cas de fortes précipitations même après réalisation des travaux sur la voie publique, que M. et Mme D... ont été informés de la présence, sur le terrain objet de la vente, d'un puisard dans lequel se versent les eaux pluviales du lotissement. Les requérants ont déclaré avoir parfaite connaissance de cette situation et en faire leur affaire personnelle, sans recours contre le vendeur ou le notaire. Par suite, en se portant acquéreurs de la parcelle, au demeurant à un prix inférieur à ceux pratiqués dans la zone, alors qu'ils étaient parfaitement informés des risques auxquels ils étaient exposés, M. et Mme D... ont commis une imprudence fautive qui, dans les circonstances de l'espèce, exonère totalement la commune de sa responsabilité.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. et Mme D... la somme que la commune de Chancelade demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. et Mme D... soit mise à la charge de la commune de Chancelade, qui n'est pas la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Chancelade tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et Mme B... D... et à la commune de Chancelade.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023.

La rapporteure,

Birsen E...La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX00403


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00403
Date de la décision : 12/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : ALJOUBAHI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-01-12;21bx00403 ?
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