Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 août 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2105399 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2022, M. D..., représenté par Me Astié, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 25 août 2021 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête n'est pas tardive ;
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
- le signataire de l'arrêté contesté n'était pas compétent pour le signer ;
- il est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- sa demande de titre de séjour n'était pas irrecevable, dès lors que les documents qu'il produit pour justifier de son identité ne sont pas entachés de fraude ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le refus de titre qui la fonde étant entaché d'illégalité, elle est dépourvue de base légale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde étant entachée d'illégalité, elle est dépourvue de base légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête est tardive ;
- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 21 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... A...,
- et les observations de Me Me Debril, représentant M.D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant malien entré en France le 13 juillet 2017, déclare être né le 5 juillet 2001. Il a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 5 juillet 2019. Par un arrêté du 25 août 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement du 1er février 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
2. M. D... reprend en appel les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 25 août 2021 ainsi que de son insuffisance de motivation et du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle. Il n'apporte cependant aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges qui ont pertinemment répondu à ces moyens. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Bordeaux.
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, la préfète de la Gironde, pour rejeter la demande de titre de séjour, s'est fondée sur la circonstance que la demande de titre présentée par M. D... était " irrecevable ", ce dernier n'ayant pas valablement justifié de son identité.
4. D'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
5. D'autre part, selon l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1°Les documents justifiants de son état civil ; 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil prévoit que : " Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
6. La délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est subordonnée au respect des conditions de fond qu'il prévoit mais également au respect, par les justificatifs de son état civil, de la condition de l'année de son dix-huitième anniversaire. A cet égard, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré en France irrégulièrement et a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour deux extraits d'acte de naissance de la République du Mali et un passeport malien. Les deux premiers documents ont reçu un avis technique défavorable de la cellule de fraude documentaire et à l'identité de Bordeaux de la direction zonale sud-ouest de la police aux frontières. Le rapport établi par cette cellule le 17 février 2020 indique ainsi que les deux extraits d'acte de naissance " se contredisent ", notamment en indiquant des dates d'établissement de l'acte original différentes. Le rapport ajoute que les marques de validation de l'autorité administrative ne sont pas conformes. Ces éléments, que l'appelant ne conteste pas de façon convaincante, permettent de renverser la présomption d'authenticité résultant des dispositions précitées de l'article 47 du code civil. Si M. D... se prévaut du caractère authentique de son passeport, relevé par le rapport de la cellule de fraude documentaire, ce document, qui ne constitue pas un acte d'état civil, n'est pas de nature à justifier de son identité dès lors qu'il a été établi sur le fondement d'actes d'état civil non probants. La circonstance que M. D... ait été confié aux services de l'aide sociale à l'enfant par ordonnance du juge pour enfants du tribunal de Bordeaux n'est pas de nature à établir sa minorité puisque la décision du juge des enfants dont il se prévaut n'est pas une constatation de faits retenue par le juge judiciaire répressif de nature à s'imposer au juge administratif. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde a pu légalement considérer que les éléments en sa possession étaient suffisants pour écarter comme dépourvus de valeur probante les actes d'état civil fournis par M. D... et renverser la présomption simple résultant de l'article 47 du code civil. Par suite, et alors même que les autres conditions prévues par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile seraient satisfaites, l'autorité administrative n'a pas méconnu les dispositions de cet article en rejetant la demande de titre de séjour présentée par le requérant.
8. En deuxième lieu, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... aurait formulé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions.
9. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D... est célibataire et sans enfant, et ne résidait en France que depuis quatre ans à la date de l'arrêté attaqué. Il n'établit pas être isolé dans son pays d'origine où réside sa mère. La circonstance qu'il ait été pris en charge à son arrivée en France par les services de l'aide sociale à l'enfance, qu'il ait suivi une formation et qu'il ait obtenu un CAP Cuisine n'est pas de nature à démontrer, eu égard à ses conditions de séjour, que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. Il résulte de ce qui précède que le refus de titre de séjour n'est entaché d'aucune illégalité. Par suite, M. D... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts poursuivis par cette mesure. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :
12. Il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune illégalité. Par suite, M. D... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la préfète de la Gironde, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 août 2021 de la préfète de la Gironde. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023.
La présidente-assesseure,
Marie-Pierre Beuve Dupuy
Le président,
Didier A...
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX01985