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10/01/2023 | FRANCE | N°22BX01951

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 10 janvier 2023, 22BX01951


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 juin 2021 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, l'a assignée à résidence pendant cette durée et a fixé le pays renvoi.

Par un jugement n° 2103339 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant l

a cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2022, Mme D..., représentée par Me Desro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 juin 2021 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, l'a assignée à résidence pendant cette durée et a fixé le pays renvoi.

Par un jugement n° 2103339 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2022, Mme D..., représentée par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 14 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- le préfet s'est cru, à tort, lié par l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne peut accéder effectivement au traitement nécessaire à son état de santé dans son pays d'origine ;

- il méconnaît les stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le refus de séjour qui la fonde étant illégal, elle est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :

- l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde étant illégale, elle est dépourvue de base légale ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de Charente-Maritime qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 30 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante arménienne née le 17 mars 1983, déclare être entrée en France le 11 décembre 2017, en compagnie de son époux et de son fils, né le 26 septembre 2014. Elle a bénéficié de cartes de séjour temporaires portant la mention " vie privée et familiale " du 14 janvier 2019 au 13 janvier 2020, puis du 14 janvier 2020 au 13 janvier 2021. Elle en a sollicité le renouvellement le 16 novembre 2020. Par un arrêté du 14 juin 2021, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, l'a assignée à résidence et a fixé le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement du 3 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Charente-Maritime se serait estimé à tort en situation de compétence liée au regard de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Par suite ce moyen doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ".

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Pour rejeter la demande de Mme D... tendant au renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Charente-Maritime s'est fondé, notamment, sur un avis du collège de médecins de l'OFII qui a estimé que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, Mme D... pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Pour remettre en cause l'avis du collège de médecins, Mme D... produit un certificat médical d'une oncologue, en date du 21 janvier 2022, qui indique qu'elle a été atteinte d'un cancer du sein au cours de l'année 2018 pour lequel elle a bénéficié d'une chimiothérapie, une radiothérapie et d'une opération chirurgicale et que, depuis octobre 2018, elle bénéficie d'une hormonothérapie à base de Tamoxifène qui doit être poursuivie pendant une durée de cinq ans. Elle ajoute qu'un suivi cardiaque et oncologique régulier est nécessaire. Mme D... se prévaut également d'un rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés, en date du 18 septembre 2019, qui affirme que le Tamoxifène peut parfois être en rupture de stock en Arménie et que le système de santé de ce pays ne prend en charge que deux contrôles par tomodensitométrie par an. Toutefois, il ressort de ce même rapport que le Tamoxifène est un médicament " très répandu en Arménie ", dont le coût est pris en charge par l'Etat, et que l'examen par tomodensitométrie peut également être gratuit. En outre, Mme D... n'apporte aucune précision sur la régularité avec laquelle elle doit bénéficier d'un suivi cardiaque et oncologique. Dans ces conditions, Mme D... n'apporte pas suffisamment d'éléments permettant de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.

6. En dernier lieu, Mme D... reprend en appel les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'apporte cependant aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges qui ont notamment relevé qu'en dépit de ses efforts d'insertion, elle ne justifiait pas avoir noué des liens personnels d'une particulière intensité, et ont pertinemment répondu aux moyens susvisés. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Poitiers.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la requérante ne peut soutenir que l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en conséquence de l'illégalité de cette décision.

8. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, Mme D... ne peut soutenir que l'arrêté en litige a méconnu les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur d'appréciation.

9. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, Mme D... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

11. Mme D... est entrée sur le territoire français avec son époux et son fils, né en 2014. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourra se recomposer en Arménie, pays dont ils ont tous les trois la nationalité. Par ailleurs, si l'enfant de l'appelante a été scolarisé à compter de l'année scolaire 2017/2018, rien ne fait obstacle à ce que sa scolarité se poursuive dans son pays d'origine, au regard de son jeune âge. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :

12. Mme D... reprend en appel, sans critique utile du jugement, les moyens tirés de l'exception d'illégalité, de l'insuffisance de motivation, de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur d'appréciation. Elle n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau, ni pièce nouvelle utile à l'appui de ces moyens auxquels le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, de les écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 juin 2021 du préfet de la Charente-Maritime. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président,

Didier A...

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01951


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01951
Date de la décision : 10/01/2023
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-01-10;22bx01951 ?
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